Aller au contenu principal

France-Israël : l’Assemblée nationale rejette une résolution communiste condamnant un « régime d’apartheid »

Le texte, rejeté à 199 voix contre 71, avait reçu le soutien des députés insoumis et écologistes mais a été vivement critiqué par le camp présidentiel, la droite et des élus socialistes
« Que les raisons soient politiques, sécuritaires ou religieuses, la politique de colonisation est contraire à la légalité internationale », a déclaré Jean-Paul Lecoq, auteur de la proposition de loi (AFP/Christophe Archambault)

L’Assemblée nationale française a largement rejeté ce jeudi 4 mai une proposition de résolution communiste condamnant « l’institutionnalisation par Israël d’un régime d’apartheid ».

En préambule du texte, rejeté par 199 voix contre 71, le député Jean-Paul Lecoq, son auteur, a insisté sur « l’attachement profond » de son groupe « à l’existence de l’État d’Israël », avant de défendre le droit de critiquer une « dérive illibérale et coloniale de cet État » sans être taxé d’antisionisme ou d’antisémitisme.

Cette résolution a été déposée dans le cadre de la niche parlementaire du groupe communiste, journée pendant laquelle les parlementaires décident de l’ordre du jour à l’Assemblée nationale.

Ce texte, non contraignant, demandait à l’exécutif la reconnaissance de « l’État de Palestine », le dépôt à l’ONU d’une résolution pour imposer à Israël « un embargo strict sur l’armement » et l’abrogation de « circulaires interdisant l’appel au boycott des produits issus des colonies ».

« Que les raisons soient politiques, sécuritaires ou religieuses, la politique de colonisation est contraire à la légalité internationale », a déclaré Jean-Paul Lecoq, faisant valoir que la situation des Palestiniens « relève juridiquement d’une situation d’apartheid ».

Rapport d’Amnesty sur l’apartheid : les murs qui protègent Israël s’effritent enfin
Lire

« C’est un régime institutionnalisé, gravé dans le marbre de la loi […], ayant pour but l’oppression d’un groupe sur un autre [et] institutionnellement maintenu en place », a-t-il énuméré, invoquant « les centaines de résolutions de l’ONU, [...] de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe », ainsi que « les enquêtes et rapports publiés par des ONG ».

Ces dernières années, plusieurs organisations internationales et israéliennes de défense des droits de l’homme, notamment Human Rights Watch, Amnesty International et B’Tselem, ainsi que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU ont publié des rapports accusant Israël d’être devenu un État d’apartheid.

En 2020, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour avoir violé l’article 10 de la convention européenne, qui protège la liberté d’expression dans le domaine politique, après que la Cour de cassation eut condamné en octobre 2015 quatorze militants BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), faisant de la France la première démocratie à criminaliser un appel au boycott.

La décision de la CEDH contraignait juridiquement la France à abroger les circulaires dites Alliot-Marie et Mercier, qui recommandaient aux procureurs d’engager des poursuites à l’encontre des appels au boycott de produits israéliens. Mais à ce jour, celles-ci sont toujours en application.  

Par ailleurs, le 20 octobre 2020, le ministère de la Justice a adressé une dépêche aux procureurs consacrée « à la répression des appels discriminatoires au boycott des produits israéliens » qui s’efforce de préserver la pénalisation des appels au boycott.

« L’antisémitisme, nous le vomissons »

La résolution avait fait l’objet de vives critiques dans le camp présidentiel, de la droite et de l’extrême droite, mais aussi d’élus socialistes, ainsi que du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF).

« Je comprends votre légitime volonté de sortir de l’indifférence la question du conflit israélo-palestinien », a déclaré le socialiste Jérôme Guedj, rejetant toutefois le terme « d’apartheid », qu’il accuse de « racialiser et d’essentialiser » un « conflit de territoire », le transformant en « conflit entre les Juifs et les Arabes ».

« Nous sommes une menace pour Israël » : les militants BDS poursuivent leur combat pour la Palestine
Lire

Les socialistes ont annoncé qu’ils présenteraient dans les prochains jours leur propre résolution sur le sujet.

Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance (parti présidentiel) a pour sa part fustigé un « geste de détestation de l’État d’Israël », « d’offense » et « de diffamation », et dénoncé une « obsession » contre Israël.

« La France est l’amie d’Israël », a déclaré ensuite Laurence Boone, secrétaire d’État chargée de l’Europe, rejetant un terme « largement excessif et déplacé ».

« Aujourd’hui, l’antisémitisme est principalement à gauche », a lancé le député apparenté Les Républicains Meyer Habib, proche du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou.

« Ce sont des insultes profondes » et des « attaques diffamatoires qui nous éloignent d’un chemin de paix », a rétorqué Elsa Faucillon (communiste) dans une fin de séance houleuse. « L’antisémitisme, nous le vomissons, nous le haïssons », avait aussi lancé le député de La France insoumise Aymeric Caron.

En juillet dernier, une proposition de loi portée par des députés de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES), demandant notamment « la condamnation du régime d’apartheid institutionnalisé par Israël » ainsi que « la reconnaissance de la légalité de l’appel au boycott des produits israéliens », avait provoqué un tollé. La NUPES est depuis régulièrement accusée d’antisémitisme par des parlementaires issus de différents groupes politiques.

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].