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La laïcité, discriminatoire ? Des sondages interrogent les Français

Deux sondages récents ont questionné le rapport des Français à la laïcité : 78 % des musulmans jugent son application « discriminatoire » et un peu plus des deux tiers des 18-30 ans estiment qu’elle devrait évoluer
« La population musulmane apparaît imprégnée d’une vision très ouverte de la laïcité associée à un soutien massif aux manifestations de religiosité dans la société en général et à l’école en particulier », relève l’IFOP (AFP/Fred Dufour)
« La population musulmane apparaît imprégnée d’une vision très ouverte de la laïcité associée à un soutien massif aux manifestations de religiosité dans la société en général et à l’école en particulier », relève l’IFOP (AFP/Fred Dufour)
Par MEE

Une très large majorité des Français musulmans (78 %) partage le sentiment que la laïcité telle qu’elle est appliquée aujourd’hui par les pouvoirs publics est discriminatoire envers leurs coreligionnaires.

C’est ce que révèle le dernier sondage de l’IFOP, leader français des études d’opinion, commandé par Elmaniya.tv, une nouvelle « chaîne laïque franco-arabe », à l’occasion de la journée nationale de la laïcité, le 9 décembre.

Cette étude cherche à mieux cerner la place que les Français musulmans accordent aujourd’hui à la religion, le sens qu’ils donnent à la laïcité mais aussi leur point de vue sur de récents événements comme l’interdiction de l’abaya en milieu scolaire le 3 septembre ou encore l’attaque au couteau d’Arras.

L’IFOP a mené ce sondage auprès d’un échantillon représentatif de 1 000 musulmans déclarés.

« La population musulmane apparaît imprégnée d’une vision très ouverte de la laïcité associée à un soutien massif aux manifestations de religiosité dans la société en général et à l’école en particulier », relève l’institut de sondage.

Les trois quarts des Français musulmans souhaitent un retour au régime concordataire. Selon ce régime en vigueur de 1802 à 1905, année de l’adoption de la loi sur la séparation de l’État et des Églises, l’État reconnaissait quatre cultes : catholique, israélite, protestant réformé et luthérien, qui étaient organisés et financés selon le droit public appliqué en France. Selon le sondage, 75 % des Français de confession musulmane se disent favorables au « financement public des lieux de culte et du personnel des principales religions.

Près de vingt ans après son application, les Français musulmans sont toujours massivement opposés à la loi de 2004 interdisant les signes religieux ostensibles à l’école. En effet, les deux tiers d’entre eux (65 %) se disent favorables au port de couvre-chefs à caractère religieux (voile, kippa) dans l’enceinte des collèges et lycées publics.

Les musulmans soutiennent en outre massivement d’autres formes de manifestations de religiosité dans l’espace scolaire telles que le port de signes religieux par les parents accompagnateurs faisant action d’enseignement (75 %) ou l’introduction de menus à caractère confessionnel (viande halal, viande casher, etc.) à la cantine (83 %).

Leur rapport particulier à la laïcité n’empêche pas la plupart des musulmans (78 %) de condamner totalement le meurtrier du professeur Dominique Bernard à Arras.

D’autres revendications passent par l’abrogation de dispositifs empêchant l’expression vestimentaire de leur religion dans l’espace public. Ils soutiennent ainsi massivement le droit des athlètes français à porter des couvre-chefs religieux aux prochains Jeux olympiques en France (75 %).

Plus de tolérance envers l’expression des identités religieuses

Une autre étude, menée par l’Institut Kantar, publiée le 30 novembre, auprès d’un échantillon de 1 000 jeunes âgés entre 18 et 30 ans, a voulu mesurer et évaluer dans quelle mesure l’inscription ou non des jeunes dans un environnement globalisé a une incidence sur leur positionnement à l’égard de la laïcité française.

Résultat : un peu plus des deux tiers des jeunes Français pensent que la laïcité devrait évoluer dans le pays. 

« Mais aucun consensus sur les modalités de cette évolution n’émerge : 35 % de ceux qui pensent que la laïcité devrait évoluer souhaitent plus de tolérance envers l’expression des identités religieuses, 42 % plus de fermeté. De même, 49 % de ceux qui veulent que la laïcité évolue voudraient tendre vers plus de coopération entre les institutions publiques et les cultes et 41 % vers plus de séparation », souligne l’institut.

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Ceux qui, subjectivement, se sentent plus à l’aise dans un monde aux frontières ouvertes sont davantage promoteurs de plus de tolérance envers l’expression des identités religieuses : 31 % contre 12 % parmi ceux qui ne s’y sentent pas à l’aise.

« Pour autant, cette position ne fait pas consensus, même parmi ceux qui se sentent à l’aise dans un monde aux frontières ouvertes : 32 % de ces derniers souhaiteraient davantage de fermeté envers l’expression des identités religieuses », nuance l’enquête.

Cette dernière tend à montrer qu’il n’existe pas de réelle corrélation entre cette inscription dans un monde globalisé et le souhait de voir évoluer la pratique de la laïcité.

« Qu’ils soient fortement ou faiblement inscrits dans le processus de la mondialisation, les jeunes Français se montrent en effet très partagés sur ce sujet. On note toutefois que les plus intégrés au processus de mondialisation demandent plus de fermeté à l’égard de l’expression des identités religieuses. »

De manière générale, 52 % des jeunes déclarent n’appartenir à aucune religion, 18 % disent être catholiques et 12 % musulmans. Pour la majorité des 18-30 ans interrogés, la relions occupe une place non importante voire nulle dans leur vie personnelle. Pour un tiers d’entre eux, cette dernière a une place importante, en particulier pour les catholiques (53 %) et les musulmans (85 %).

Enfin, autre statistique intéressante : dans cette tranche d’âge, ils sont 60 % à affirmer que la défense de la laïcité est instrumentalisée par des personnalités politiques et des journalistes qui veulent dénigrer les musulmans.

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