La France et les États-Unis en désaccord sur le Hezbollah, selon un responsable américain
Washington et Paris s’accordent sur la nécessité de réformes politiques et économiques à Beyrouth, mais ont un « léger différend » sur la façon de se comporter avec le Hezbollah, selon un haut responsable américain, qui souligne un désaccord entre les alliés occidentaux concernant leur approche du Liban.
Selon les déclarations de David Schenker, sous-secrétaire d’État aux affaires du Proche-Orient, l’administration américaine soutient les efforts français au Liban, mais les deux pays ne sont pas sur la même longueur d’onde concernant la relation avec le Hezbollah.
« Nous avons un léger différend concernant le Hezbollah et la façon de considérer cette organisation », a indiqué David Schenker lors d’une apparition virtuelle à la Brookings Institution.
« Nous ne pensons pas qu’il s’agit d’un ‘’parti politique légitime’’. Nous pensons qu’il faut choisir entre les balles et les bulletins de vote, que les partis politiques n’ont pas besoin de milice pour imposer leur soutien ou pour menacer et intimider d’autres hommes et partis politiques. »
Le président français Emmanuel Macron s’est rendu deux fois au Liban depuis l’explosion du port de Beyrouth qui a tué plus de 200 personnes et a dévasté de larges secteurs de la capitale libanaise.
Pendant ces visites, Emmanuel Macron a encouragé l’adoption de réformes majeures, en particulier dans les secteurs de l’énergie et de la banque, pour sauver l’économie libanaise qui était déjà en chute libre, sa devise ayant perdu plus de 80 % de sa valeur l’année dernière.
Mais le président français traite le Hezbollah comme n’importe quel autre parti politique libanais, évitant les discussions sur les armes ou sur l’influence régionale du groupe en dehors du cadre étatique.
Dans le même temps, Washington continue à considérer le groupe libanais à travers son prisme de la soi-disant pression maximale contre les mécènes iraniens du Hezbollah.
« Nous sommes plus de l’avis de l’Allemagne et d’autres États qui considèrent de plus en plus le Hezbollah comme un problème. Et nous encourageons la France à réexaminer soigneusement ce sujet », a déclaré David Schenker.
Bien qu’il souligne les désaccords avec Paris, le diplomate américain assure que l’administration travaille en coopération avec les responsables français pour encourager les réformes au Liban. Le président français en a fait un prérequis pour débloquer l’aide et le soutien pour un plan de sauvetage de l’économie libanaise.
« Nous sommes plus de l’avis de l’Allemagne et d’autres États qui considèrent de plus en plus le Hezbollah comme un problème »
- David Schenker, sous-secrétaire d’État aux affaires du Proche-Orient
L’initiative française se concentre sur les priorités nationales immédiates du Liban sans s’occuper des épineux problèmes politiques que représentent l’aile armée du Hezbollah et le conflit avec Israël.
Pendant ses visites, Emmanuel Macron a rencontré les représentants de diverses factions libanaises, y compris du Hezbollah, une décision qu’il a justifiée en expliquant que le groupe était une « force politique représentée au Parlement ».
La semaine dernière, il a déclaré à Politico Europe que Paris ne voulait pas affronter le mouvement chiite soutenu par l’Iran, suggérant que le gouvernement français souhaitait éviter l’escalade avec le Hezbollah.
« Ne demandez pas à la France de venir mener une guerre contre une force politique libanaise… Ce serait absurde et fou », a-t-il précisé.
« Homme de parole »
À Washington, le Hezbollah est désigné comme une organisation terroriste et l’administration Trump refuse de faire la distinction entre les ailes politique et armée du groupe.
Mardi, le Trésor américain a annoncé des sanctions contre deux anciens ministres libanais – Ali Hassan Khalil et Yusuf Finyanus –, les accusant de corruption et de liens avec le Hezbollah.
Le Hezbollah rejette les sanctions contre ces deux anciens responsables, qui viennent de partis alliés au groupe chiite plutôt que du groupe lui-même, et a qualifié ces mesures américaines de médaille d’honneur pour le soutien des deux hommes à la « résistance ».
Les sanctions de mardi – qui découlent d’un ordre exécutif contre le terrorisme – visaient le Hezbollah et l’Iran. Elle démontre une approche différente de celle de la France, qui a menacé de sanctions les responsables libanais s’ils ne mettaient pas en place des réformes, et ce indépendamment de leurs liens avec un quelconque parti politique.
Mardi, David Schenker a salué la perspective de sanctions françaises, qualifiant Macron d’« homme de parole » qui mettrait sa menace à exécution.
Le Liban cherche à constituer un nouveau gouvernement, sous la direction de Mustapha Adib, ancien ambassadeur en Allemagne, quasiment inconnu avant sa nomination au poste de Premier ministre à la fin du mois dernier. Le cabinet du Premier ministre Hassan Diab a démissionné après l’explosion.
David Schenker a refusé de commenter la nomination d’Adib, déclarant que Washington s’intéressait davantage aux principes plutôt qu’aux personnalités. « Il s’agit de réforme, de réforme, de réforme, de lutte contre la corruption, de transparence, de comptes à rendre et de dissociation », a-t-il assené.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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