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Ces Français musulmans qui s’exilent pour fuir l’islamophobie en France

Très peu de médias et de chercheurs s’intéressent au phénomène de l’exode de Français de confession musulmane fuyant l’ambiance islamophobe en France. Un exil décortiqué par le New York Times
Les actes antimusulmans étaient en hausse de 52 % en 2020 par rapport à l’année précédente (AFP/Thierry Antoine)Ces Français musulmans qui fuient l’islamophobie en France
Les actes antimusulmans étaient en hausse de 52 % en 2020 par rapport à l’année précédente (AFP/Thierry Antoine)
Par MEE

De plus en plus de Français de confession musulmane quittent leur pays pour échapper à un environnement qu’ils jugent anxiogène. C’est ce que décrit une enquête du New York Times, parue – en anglais et en français – le 13 février dernier. L’article raconte l’exil de ces Français qui ne se sentent plus chez eux, dans un pays où l’islamophobie n'en finit plus de prendre des proportions inquiétantes.

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D’après les chercheurs consultés par le grand quotidien américain, « on trouve un nombre croissant de Français musulmans qui affirment que la discrimination a été un puissant facteur de leur départ, et qu’ils se sont sentis contraints de quitter la France en raison d’un plafond de verre de préjugés, d’un questionnement persistant au sujet de leur sécurité et d’un sentiment de non-appartenance ».

Cette ambiance délétère est accentuée, ces derniers mois, par le contexte électoral de la présidentielle d’avril, explique l’enquête, où « les trois principaux rivaux du président Emmanuel Macron – qui devraient cumuler près de 50 % des voix, selon les sondages – mènent des campagnes anti-immigration, attisant la crainte que la nation serait confrontée à une menace civilisationnelle de la part d’envahisseurs non-européens ».

« Le thème est au cœur de leurs programmes, bien qu’en réalité le nombre d’immigrés en France reste derrière la plupart des autres pays d’Europe », note par ailleurs le New York Times.

Dans les débats électoraux, le phénomène de l’exil de ces Français musulmans est complètement ostracisé. « Ni les politiciens ni les médias n’évoquent ce flux, alors même qu’il témoigne, selon les chercheurs, de l’échec de la France à garantir un ascenseur social, même aux membres les plus brillants de l’une de ses plus importantes minorités, et d’une “fuite des cerveaux’’ touchant ceux qui pourraient servir de modèles d’intégration », ajoute le quotidien américain.

Témoignages poignants

Le New York Times  rappelle que « les actes antimusulmans étaient en hausse de 52 % en 2020 par rapport à l’année précédente, d’après les plaintes relevées par la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Les incidents se sont multipliés depuis dix ans, avec un pic en 2015. En 2017, une rare enquête publique révélait que les jeunes hommes perçus comme Arabes ou Noirs étaient vingt fois plus susceptibles d’être soumis à un contrôle d’identité par la police ».

Par ailleurs, « sur le marché du travail, les candidats avec des noms arabes ont 32 % moins de chances d’être contactés pour un entretien d’embauche, selon un rapport gouvernemental publié en novembre dernier ».

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Le journal explique que « les Français musulmans, 10 % de la population selon les estimations, occupent une place étrangement disproportionnée dans la campagne [électorale] – même si leurs voix se font peu entendre. C’est une indication non seulement du profond traumatisme infligé par les attentats de 2015 et 2016, qui ont fait des centaines de victimes, mais aussi d’années de débats en France autour des questions identitaires et de ses rapports non résolus avec ses anciennes colonies ».

Le New York Times cite les « expressions chocs » de certains candidats, telles que « les zones de non-France » évoquées par Valérie Pécresse (Les Républicains) ou encore le programme du polémiste d’extrême droite Éric Zemmour, qui déclarait en 2010 que les employeurs « avaient le droit » de refuser de recruter des Noirs et des Arabes.    

Le journal américain ne se contente pas des analyses de chercheurs, il va également à la rencontre de Français de confession musulmane pour sonder leur désarroi de nouveaux exilés.

C’est le cas par exemple de l’écrivain Sabri Louatah, auteur de la série de quatre romans à succès (adaptée en série pour la télévision) Les Sauvages, qui suit la campagne électorale française depuis Philadelphie, aux États-unis. Il s’y est installé avec sa famille après les attentats de 2015 en France.

« Une mixité décomplexée inimaginable en France »

« Avec le raidissement de l’opinion qui a suivi à l’égard de tous les Français musulmans, il ne se sentait plus en sécurité dans son propre pays. Un jour, on lui a craché dessus et on l’a traité de “sale Arabe’’ », raconte le New York Times, qui rapporte le témoignage de cet écrivain de 38 ans : « C’est vraiment les attentats de 2015 qui m’ont fait partir, j’ai compris qu’on n’allait pas nous pardonner. »

« C’est vraiment les attentats de 2015 qui m’ont fait partir, j’ai compris qu’on n’allait pas nous pardonner »

- Sabri Louatah, écrivain

Elyes Saafi, responsable marketing de la branche londonienne de la société financière américaine StoneX, qui a grandi dans l’Est de la France avant de s’exiler, témoigne : « Quelque chose qui m’a marqué ici [à Londres], c’est le fait d’avoir des repas, des dîners corporate, où il y a un buffet végétarien, un buffet halal, mais que tout le monde se mélange […] Le CEO a un turban sur la tête, et malgré tout, il vient et côtoie ses employés. »

Lui et sa femme Mathilde, qui ont trouvé à Londres « une mixité décomplexée qui est inimaginable en France », ne veulent plus rentrer. « Au Royaume-Uni, je ne suis pas inquiète d’élever un enfant arabe », explique Mathilde.

D’après un des rares chercheurs travaillant sur le départ des Français de confession musulmane, Jérémy Mandin, beaucoup de ces derniers ont été déçus par le fait « d’avoir joué selon les règles, d’avoir fait tout ce qu’on leur avait dit et, au final, de ne pas accéder à une vie désirable ».

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