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Guerre Israël-Palestine : la France veut expulser une militante de la cause palestinienne

Venue en France pour une série de conférences, la Palestinienne Mariam Abu Daqqa a été placée en résidence surveillée. Pour le ministère de l’Intérieur, en tant que membre d’une organisation classée « terroriste » par l’UE, elle présente une « menace pour l’ordre public »
La militante de 72 ans a affirmé que 29 membres de sa famille étaient « décédés sous les bombes israéliennes à Gaza » ces derniers jours (AFP/Christophe Simon)
La militante du Front populaire de libération de la Palestine âgée de 72 ans a affirmé que 29 membres de sa famille étaient « décédés sous les bombes israéliennes à Gaza » ces derniers jours (AFP/Christophe Simon)
Par MEE

« Mariam Abu Daqqa est une grande personnalité palestinienne, connue et respectée pour ses engagements. Dans l’environnement difficile de la bande de Gaza [en guerre depuis le 7 octobre], elle est une infatigable combattante des droits des femmes et un soutien indéfectible aux prisonnières politiques palestiniennes. »

Dans un communiqué publié le lundi 16 octobre, l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) a protesté avec la plus grande vigueur contre l’arrêté d’expulsion pris par le ministre de l’Intérieur français contre Mariam Abu Daqqa.

Cette militante du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), organisation classée « terroriste » par l’Union européenne (UE), est arrivée en France en septembre pour une tournée de conférences dans plus de quinze villes, à l’invitation d’un collectif marseillais et de plusieurs associations, dont l’AFPS.

Elle a été arrêtée lundi matin aux alentours de 6 h 30 à Marseille, alors qu’elle se rendait à la gare ou elle devait prendre un train pour Toulouse, sa prochaine étape.

D’après Régine Fiorani, membre du collectif Palestine en résistance, citée dans le quotidien La Provence, la militante était hébergée à Marseille chez Pierre Stambul, porte-parole de l’Union juive française pour la paix (UJFP). « L’arrestation a eu lieu à 500 mètres du domicile de Pierre Stambul. Tous les deux ont été arrêtés par la police de l’air et des frontières. »

Assignée à résidence

Mariam Abu Daqqa a indiqué lundi être assignée à résidence dans le sud-est de la France après un arrêté d’expulsion qui ne peut être exécuté immédiatement.

« Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive : j’ai un visa valide. Je ne suis pas une terroriste mais une activiste de gauche qui ne vient [en France] que pour parler des droits des femmes et des Palestiniens. Je pensais que nous étions en démocratie ici », a-t-elle déclaré lundi à sa sortie d’un commissariat du centre de Marseille où elle doit se présenter quotidiennement.

À sa sortie du commissariat, Mariam Abu Daqqa était accompagnée de Pierre Stambul, selon qui « l’arrêté d’expulsion est une décision illégale car on ne peut pas expulser quelqu’un vers un pays en guerre ».

Le ministère de l’Intérieur a indiqué que la militante était « membre du bureau politique du FPLP à Gaza » et que « le contexte actuel [le programme de conférences] est susceptible de constituer un trouble à l’ordre public qu’il s’agit de prévenir ».

Le ministère a motivé sa décision en invoquant « la menace qu’elle représente pour l’ordre public dans le contexte de vives tensions » liées à la guerre en Israël-Palestine déclenchée après l’attaque du Hamas le 7 octobre, selon cet arrêté daté de dimanche.

« Elle a obtenu un visa [de 50 jours] en bonne et due forme pour sa tournée. Ses engagements associatifs et politiques sont public », rappelle l’AFPS.

La militante préside aussi le conseil d’administration de l’association féministe Palestinian Development Women Studies Association (PWWD). Ce collectif né en 2006 apporte un soutien administratif et moral aux femmes palestiniennes avec le soutien d’Oxfam, confédération internationale de citoyens contre la pauvreté. 

« Je n’aimerais pas rester en France dans ces conditions mais si je peux faire valoir mes droits, j’attendrai » que la justice se prononce, a estimé cette militante de 72 ans qui a affirmé que 29 membres de sa famille étaient « décédés sous les bombes israéliennes à Gaza » ces derniers jours.

Jusqu’à présent, au moins 2 808 personnes ont été tuées dans les bombardements israéliens à Gaza, dont plus de 1 000 enfants selon l’ONG Defence for Children International (DCI). Au moins un millier de personnes sont toujours portées disparues sous les décombres et plus de 9 600 ont été blessées.

Le ministère palestinien de la Santé a indiqué qu’un Palestinien était tué toutes les cinq minutes à Gaza, tandis qu’un charnier d’urgence a été aménagé pour répondre au nombre élevé de morts.

L’extrême droite mobilisée

Mariam Abu Daqqa « continuait sa tournée avec un courage admirable, tout en étant particulièrement bouleversée par les informations qui lui arrivaient de la bande de Gaza. En voulant la faire taire, le ministre de l’Intérieur commet non seulement une faute politique, mais un acte particulièrement inhumain qui fait honte à la France », poursuit l’AFPS.

« Depuis le début de sa tournée, ses conférences ont fait l’objet, de la part de la préfecture, de plusieurs mesures d’intimidation ou d’interdiction », rappelle l’association. 

Vendredi 13 octobre, la militante, docteure en philosophie, avait réussi à donner à Martigues une conférence sur ses combats « malgré les appels du député des Bouches-du-Rhône Franck Allisio [RN, extrême droite] et de la préfecture à une nouvelle interdiction ».

« Des recours vont être déposés pour contester ces décisions iniques, qui viennent s’ajouter à la longue liste des mesures prises par le gouvernement français pour tenter de faire taire les voix de la solidarité avec le peuple palestinien », souligne l’AFPS.

« Très clairement, c’est une volonté de l’empêcher de parler », juge le collectif Palestine en résistance.

La semaine dernière, Mariam Abou Daqqa a été interdite d’accès à l’Assemblée nationale. Elle devait y assister à la projection du film Yallah Gaza le 9 novembre.

« Alertée par plusieurs parlementaires », la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a estimé que « la présence de Mme Abu Daqqa serait une inqualifiable provocation à l’égard de toutes les victimes de l’antisémitisme de par le monde ».

En Allemagne, l’association Litprom, qui promeut des auteurs étrangers publiés en langue allemande et qui devait remettre cette semaine un prix à l’auteure palestinienne Adania Shibli lors de la Foire du livre de Frankfort, a annoncé qu’elle n’organiserait finalement pas de cérémonie.

Adania Shibli avait remporté ce prix cette année avec son livre Un détail mineur, qui revient sur un viol et un meurtre perpétrés par des soldats israéliens en 1949.

Traduction : « PEN International regrette la décision de Litprom de reporter la cérémonie de remise de prix à l’écrivaine palestinienne #AdaniaShibli qui devait recevoir le LiBeraturpreis pour son roman Un détail mineur. Nous pensons que les plateformes littéraires devraient garantir que le dialogue – en particulier en période de tension accrue – reste libre et offre un espace égal à toutes les voix. »

Litprom a justifié son choix par « la guerre déclenchée par le Hamas », tout en assurant chercher « un format et un cadre appropriés pour l’événement à un moment ultérieur », et tout en assurant que la remise du prix à Adania Shibli « n’a[vait] jamais été remise en question », a assuré l’association dans un communiqué.

La Foire est « complètement solidaire d’Israël », a déclaré son directeur Jürgen Boos dans un communiqué. Le programme a été dans la foulée réorganisé afin de donner aux voix juives une place prédominante.

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