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Guerre Israël-Palestine : le combat des mères de Gaza pour rester fortes pour leurs enfants

Alors que les bombes israéliennes pleuvent sur Gaza, les mères palestiniennes tentent de protéger leurs enfants de la guerre qui fait rage autour d’eux
Une femme se recueille près de corps d’enfants palestiniens tués lors de frappes israéliennes, le 17 octobre 2023 dans un hôpital du sud de la bande de Gaza (Reuters)

À trois reprises au cours de la première semaine de combats, Alaa Hasham, une mère de famille de 30 ans originaire de Gaza, a réuni ses deux enfants autour d’elle et rassemblé quelques effets personnels pour passer d’un abri à l’autre.

Dehors, sous un ciel hostile, tout n’était que destruction. Maisons, écoles, hôpitaux, mosquées : tout a été bombardé, rasé par les frappes aériennes israéliennes qui ne cessent de déferler depuis l’offensive du 7 octobre menée par le Hamas contre Israël. 

Alaa Hasham vit sa période la plus difficile en tant que mère de famille. Le premier jour de la guerre, elle a quitté son logement à Gaza, partiellement endommagé. À minuit, elle est montée dans une ambulance avec son mari, son fils de 9 ans et sa fille de 5 ans. 

Alors qu’il les conduisait chez un ami, l’ambulancier a reçu un appel d’une personne dont la maison avait été bombardée. Il fallait intervenir de toute urgence. Le chauffeur s’est excusé en demandant à Alaa Hasham et sa famille de sortir de l’ambulance pour qu’il puisse se rendre à l’immeuble bombardé.

« Mais c’est dangereux par ici », a-t-elle répondu au chauffeur. « C’est dangereux partout », a-t-il souligné. Désespérée, la mère de famille s’est souvenue qu’un oncle vivait juste au coin de la rue. L’ambulance l’y a déposée. 

« Je suis totalement dévastée de voir mes enfants constamment apeurés. Je suis dévastée et je ne peux pas les aider »

– Haneen Samir, habitante de Gaza

Le 13 octobre, l’armée israélienne a donné 24 heures à tous les civils du nord de la bande de Gaza – plus d’un million de personnes – pour évacuer les lieux et rejoindre le sud de l’enclave assiégée. Cet ordre a été réitéré par le secrétaire d’État américain Antony Blinken, tandis que l’ONU a averti qu’il serait impossible de mettre en œuvre cette mesure « sans des conséquences humanitaires dévastatrices ».

Beaucoup ont refusé de partir de chez eux, craignant de voir se répéter la Nakba de 1948, lorsque des centaines de milliers de Palestiniens ont été expulsés de leur terre pour ne plus jamais y revenir. Le Hamas a demandé aux Gazaouis de « ne pas bouger de leurs maisons et de leurs lieux de vie », selon les termes employés par l’un des porte-parole du groupe, Eyad al-Bozom.

Compte tenu des frappes d’Israël sur l’un des principaux axes routiers vers le sud, le périple était semé d’embûches et de sérieuses difficultés, en particulier pour ceux qui n’avaient pas de voiture. Les familles ont partagé les véhicules et fait des navettes. Certains automobilistes demandaient jusqu’à 100 dollars pour emmener des passagers vers le sud, justifiant cette somme en affirmant qu’ils couraient un danger de mort sur la route.

À la suite de l’ordre d’évacuation, diffusé sur les réseaux sociaux de l’armée israélienne et largué depuis les airs sous forme de tracts, des centaines de milliers de personnes ont quitté leur domicile dans le nord de la bande de Gaza. Le courant avait déjà été coupé et l’enclave assiégée manquait déjà de nourriture et d’eau potable, ce qui aggravait une situation humanitaire déjà désastreuse.  

Une fillette dont la famille affirme n’avoir trouvé aucun endroit sûr dans le sud de Gaza retourne dans le nord de l’enclave, le 17 octobre 2023 (Reuters)
Une fillette dont la famille affirme n’avoir trouvé aucun endroit sûr dans le sud de Gaza retourne dans le nord de l’enclave, le 17 octobre 2023 (Reuters)

Alaa Hasham et sa famille ont pu s’installer chez un ami dans le sud de la bande de Gaza. Ils se trouvent désormais avec plus d’une trentaine d’autres personnes dans le même bâtiment.

« Je fais de mon mieux pour veiller au bien-être de mes enfants, nous nous sommes mis d’accord chez nous pour ne pas parler d’informations ou d’images choquantes devant les enfants », explique-t-elle par téléphone à Middle East Eye.

La mère de famille ment à ses enfants en leur disant que les civils ne peuvent pas être blessés par les attaques israéliennes. « Je ne veux pas qu’ils soient constamment terrifiés, ce n’est pas bon pour leur santé mentale », souligne-t-elle. 

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Pendant la journée, Alaa Hasham lit des histoires à ses enfants et joue avec eux et avec les autres enfants réfugiés au même endroit.

Elle encourage ses enfants à parler de leurs angoisses. Bien qu’ils n’aient jamais vécu ailleurs qu’à Gaza, ses enfants possèdent la nationalité allemande par leur père germano-palestinien. Son fils lui demande pourquoi ils vivent toujours dans l’enclave assiégée alors qu’ils pourraient aller ailleurs. 

Alors que son fils exprime sa peur, sa tristesse et sa frustration, sa fille reste silencieuse. Lorsqu’Alaa lui demande comment elle va, elle lui répond qu’elle veut juste qu’on la laisse tranquille.

Alaa Hasham n’a que deux tenues pour chacun de ses enfants. « Je dis à mes enfants d’essayer de garder leurs vêtements propres le plus longtemps possible car je dois les laver à la main », explique-t-elle à MEE. L’eau étant requise pour d’autres usages, se doucher n’est plus une priorité. 

Selon le bilan communiqué ce mercredi,  6 546 personnes ont été tuées à Gaza par les frappes aériennes israéliennes, dont plus de 2 700 enfants  Plus de 1 400 Israéliens, dont près d’un millier de civils, ont aussi été tués.

Enfants de la guerre 

Dans les zones de guerre, comme l’indique le pédiatre britannique Donald Winnicott, les jeunes enfants interprètent souvent le niveau de danger auquel ils sont exposés en fonction de la réaction des personnes qui veillent sur eux et cherchent à se rassurer auprès d’elles.

Interrogée par MEE, Yasmine Ghanem, psychiatre, estime qu’il est extrêmement difficile de couper les enfants de Gaza de ce qui se passe autour d’eux, car les bruits des explosions retentissent en permanence sur tout le territoire. 

« Ce que les parents peuvent faire, c’est expliquer à leurs enfants ce qui se passe avec des mots simples et garder leur calme, même si la situation est difficile », explique-t-elle. 

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Alors qu’Alaa Hasham et sa famille prenaient la route vers le sud, Haneen Samir (28 ans) a tenté d’évacuer son domicile à Gaza pour rejoindre les milliers de Palestiniens réfugiés à l’hôpital al-Shifa, dans le centre de Gaza. Néanmoins, à son arrivée, elle s’est retrouvée face à une masse de personnes vivant dans des conditions épouvantables. Elle a donc décidé de rentrer chez elle.

« J’ai vu des femmes et des enfants qui passaient la nuit dehors, d’autres qui patientaient dans de longues files d’attente pour aller aux toilettes. J’ai décidé que cet environnement était inapproprié pour moi et pour mes enfants », raconte la mère de famille à MEE.

Mère de trois enfants, Haneen Samir doit en outre prendre soin d’une fille née avec une malformation cardiaque. « Sara a besoin de nombreux médicaments, certains doivent être dissous dans de l’eau chaude et potable. C’est pourquoi je ne peux pas quitter mon domicile et me rendre dans un endroit où il n’y a pas d’accès à l’eau potable. »

Alors qu’une invasion terrestre israélienne se profile à l’horizon et que les frappes aériennes se poursuivent, Haneen Samir et sa famille devront rester dans le nord de Gaza. 

« Je suis totalement dévastée de voir mes enfants constamment apeurés », confie-t-elle à MEE. « Je suis dévastée et je ne peux pas les aider. » 

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation. 

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