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À Gaza, les survivants de l’attaque de l’hôpital al-Ahli décrivent des scènes « surréalistes » et « épouvantables »

Des Palestiniens déplacés par les bombes israéliennes s’étaient réfugiés dans la cour de l’hôpital en pensant avoir trouvé un endroit sûr. Beaucoup d’entre eux sont aujourd’hui morts ou grièvement blessés
Des Palestiniens déplacés s’étaient réfugiés dans la cour de l’hôpital al-Ahli en pendant avoir trouvé un endroit sûr. Beaucoup d’entre eux sont aujourd’hui morts ou grièvement blessés (MEE/Muhammad Zanon)
Une très jeune victime de la frappe sur l’hôpital al-Ahli al-Arab (MEE/Muhammad Zanon)
Par Aseel Mousa et Ahmed Dremly et Maha Hussaini à GAZA, Palestine occupée

« Surréalistes » et « horribles » : voilà comment un médecin de l’hôpital al-Ahli al-Arab de Gaza décrit à Middle East Eye les scènes dont il a été témoin au lendemain d’une frappe aérienne imputée à Israël, qui a tué au moins 471 Palestiniens dans la nuit de mardi à mercredi selon les autorités locales.

« Dans les attaques précédentes contre Gaza, nous n’avions jamais vu une telle brutalité et des blessures d’une telle nature », assure Mohammed Gniem.

Un homme se tient près des corps, à l’arrière d'un camion, à l’hôpital al-Ahli al-Arab (MEE/Muhammad Zanon)
Un homme se tient près des corps, à l’arrière d'un camion, à l’hôpital al-Ahli al-Arab (MEE/Muhammad Zanon)

Des photos et des vidéos de l’hôpital al-Ahli al-Arab montrent des incendies en train de ravager les couloirs de l’établissement, du verre brisé et des morceaux de corps éparpillés dans l’enceinte de l’hôpital.

« C’est tellement surréaliste que ça aurait pu être un cauchemar. Même au cinéma, s’ils voulaient créer une scène d’horreur, ils ne feraient pas une scène comme celle-là », poursuit le médecin.

« Nous n’arrivons toujours pas à croire que ce qui s’est passé soit la réalité. C’est un hôpital ! Protégé par le droit international humanitaire. Toute personne déplacée qui s’y rend, tout travailleur du secteur médical, est censé y être protégé. »

Enfants soufflés

Ce massacre constitue la plus grande perte de vies humaines dans le conflit en cours, qui a vu plus de 3 400 Palestiniens tués à Gaza et en Cisjordanie occupée, et plus de 1 400 personnes tuées en Israël.

Le siège et les frappes aériennes israéliennes sur Gaza se poursuivent depuis le 7 octobre, après une attaque surprise menée par le Hamas contre Israël.

Scène à l’intérieur de l’hôpital après le bombardement (MEE/Muhammad Zanon)
Scène à l’intérieur de l’hôpital après le bombardement (MEE/Muhammad Zanon)

Des milliers de Palestiniens déplacés s’abritaient dans la cour de l’hôpital al-Ahli, dans la ville de Gaza, pensant qu’ils se trouvaient dans un endroit sûr. Beaucoup d’entre eux sont aujourd’hui morts ou grièvement blessés.

Un témoin de l’attaque, qui vit à 1 kilomètre de l’hôpital, raconte à MEE que le bruit de l’explosion était « intense et terrifiant ». « J’avais l’impression que la frappe avait touché ma maison. »

Le Gazaoui s’était rendu à l’hôpital deux jours avant et y avait vu « un grand nombre de personnes, soit des patients, soit des personnes qui avaient dû évacuer leur habitation et avaient trouvé refuge à l’hôpital ».

« La cour était pleine de monde. Le bruit de l’explosion était fou. »

« Je n’ai jamais rien vu de semblable à ce que j’ai vu la nuit dernière », témoigne aussi à MEE Amr Abu Nada, un journaliste de la bande de Gaza assiégée. « C’était le massacre le plus odieux. La plupart des enfants tués ont été soufflés. Je me suis évanoui en prenant des photos, c’était tellement horrible. »

« Je me suis évanoui en prenant des photos, c’était tellement horrible »

- Amr Abu Nada, journaliste

Selon Amr Abu Nada, les professionnels de la santé de l’hôpital al-Chifa ont demandé aux journalistes d’évacuer la tente des médias afin qu’ils puissent entreposer les corps des personnes tuées dans le bombardement.

« C’était épouvantable, surtout pour les parents qui cherchaient leurs enfants parmi les morts », poursuit-il. « L’histoire la plus douloureuse, c’est celle de ce patient, blessé à l’hôpital d’al-Chifa, qui s’était rendu à l’hôpital al-Ahli, où il a été tué. »

Un témoin oculaire, qui souhaite rester anonyme, rapporte à MEE qu’Israël « avait menacé de bombarder l’hôpital pendant les premiers jours de l’attaque ». « Mais nous n’avions jamais pensé qu’ils le feraient réellement. L’explosion était massive et inattendue. Ils n’ont même pas donné d’avertissement. »

L’hôpital, géré par l’Église épiscopale de Jérusalem, avait reçu l’assurance de l’Église anglicane qu’il pouvait poursuivre ses opérations en toute sécurité après avoir reçu un missile d’avertissement d’Israël, a déclaré un représentant du ministère palestinien de la Santé lors d’une conférence de presse.

Système de santé détruit

« Des bombes sont tombées dans la cour de l’hôpital où des centaines de familles se réfugiaient pour échapper aux bombardements extérieurs. Ils pensaient que l’hôpital serait un endroit sûr », ajoute le témoin.

Pour Mohammed Gniem, ce bombardement a détruit le système de santé de Gaza.

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« Avant le massacre, notre hôpital était déjà au bord du gouffre. Les chambres étaient remplies de personnes en train de guérir des massacres précédents, et chaque couloir était rempli de personnes déplacées qui cherchaient un endroit sûr », raconte le médecin. « Notre personnel devait se débrouiller, soignant les blessés là où l’espace le permettait, à même le sol, avec le peu de matériel qui nous restait. ».

« Mais le massacre a mis notre système de santé à genoux. Nous étions déjà suspendus à un fil : épuisement des fournitures médicales et du carburant, pannes de courant nous laissant sans électricité ni oxygène… »

« Essayez d’imaginer un hôpital déjà au maximum de sa capacité. Ajoutez ensuite un afflux de 500 blessés et morts. Ce que nous avons vu était déchirant. La nature des blessures était vraiment horrible. Les enfants qui sont arrivés ressemblaient à des fragments, à des morceaux de corps », répète-t-il.

Le médecin raconte avoir vu des enfants éventrés, « leurs restes sortaient de leurs corps. Et toutes ces blessures sont survenues alors que le personnel était épuisé et que l’hôpital était plein. »

Traduit de l’anglais (original).

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