Guerre Israël-Palestine : « Si nous ne mourons pas sous les bombes, nous mourrons de faim »
À Gaza, tout le monde n’a qu’une idée en tête en ce moment : trouver de quoi manger et boire, alors que les bombardements incessants font désormais partie du quotidien et que les habitants acceptent l’idée qu’il leur est impossible de déterminer où la prochaine frappe aérienne israélienne se produira.
Depuis le 9 octobre, Israël impose un siège total à Gaza, privant l’enclave côtière de nourriture, d’eau, de carburant, d’électricité et d’autres produits de première nécessité.
Après un mois de bombardements interrompus, les Palestiniens ont épuisé les ressources dont ils disposaient. Les groupes électrogènes sont à l’arrêt faute de carburant et même les réserves de nourriture d’urgence se tarissent.
La peur de mourir dans une frappe aérienne est passée au second plan par rapport à l’inévitable nécessité de manger.
« Oui, je peux avoir une petite quantité de nourriture pour tenir le coup aujourd’hui, mais je me demande constamment si j’aurai de quoi manger demain », raconte à Middle East Eye un habitant du camp de réfugiés de Jabaliya, qui a demandé à ne pas être identifié.
« Je suis allé chercher des dattes pour en manger une le matin, une l’après-midi et une le soir », ajoute-t-il.
« Nous sommes contraints de boire l’eau que nous trouvons, même si elle n’est pas potable »
– Un habitant du camp de réfugiés de Jabaliya
La plupart des habitants de Gaza sont touchés par la pénurie alimentaire, qui affecte particulièrement les personnes âgées et malades ainsi que les jeunes enfants.
Les supermarchés ont été vidés de leurs produits : des vidéos diffusées en ligne montrent des rayons désespérément vides.
Les magasins et les boulangeries sont régulièrement bombardés par Israël depuis le début de la guerre.
« Même les mosquées, où il y avait de l’eau, ont été bombardées. Les points d’eau et les panneaux solaires ont également disparu à cause des bombardements », explique l’habitant de Jabaliya. « Si nous ne mourons pas sous les bombes, nous mourrons de faim. C’est une peur immense. Je n’ai pas besoin d’expliquer à quel point ce serait douloureux. »
« En ces temps de crise, nous sommes contraints de boire l’eau que nous trouvons, même si elle n’est pas potable », ajoute-t-il.
La situation est de plus en plus critique.
Ceux qui sont en mesure de fournir des produits de première nécessité, tels que du pain, peuvent cesser leurs activités à tout moment si Israël bombarde leurs locaux ou s’ils viennent à manquer de carburant.
« Il n’y a plus qu’une seule boulangerie et les gens se pressent par centaines autour d’elle. Il n’y a même plus de farine pour essayer de faire du pain à la maison. C’est presque la famine ici maintenant. Les gens se contentent de biscuits et on ne peut pas survivre longtemps avec ça. »
Depuis que Middle East Eye a interrogé cet habitant de Gaza, toutes les boulangeries du nord de Gaza ont fermé, selon le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).
Philippe Lazzarini, commissaire général de l’UNRWA, a déclaré que « la faim et le désespoir se transform[aient] en colère », alors que la population est frustrée par le manque de nourriture et les conditions de vie insalubres.
« Une vaste guerre de privation de nourriture »
Selon l’Observatoire euro-méditerranéen des droits de l’homme, Israël mène « une vaste guerre de privation de nourriture » contre la population civile de Gaza.
« Israël a délibérément concentré ses attaques au cours des dernières heures sur les groupes électrogènes et les installations photovoltaïques, dont dépendent les commerces et les restaurants pour maintenir un niveau minimal d’activité », a déclaré le groupe de défense des droits de l’homme dans un communiqué publié dimanche.
D’après l’ONG, les attaques israéliennes ont également visé des zones agricoles à l’est de Gaza, des dépôts de farine et des bateaux de pêcheurs, éliminant ainsi toute source de nourriture.
Maha Hussaini, correspondante de MEE à Gaza, souligne que les pénuries alimentaires sont une réalité inévitable sur le terrain.
« Cela fait cinq jours que nous n’avons pas trouvé et mangé de pain. Il est de plus en plus difficile de trouver de la nourriture sur les marchés. Il n’y a plus de fromage, de yaourts et de mortadelle », a-t-elle indiqué sur X (anciennement Twitter).
« Une véritable catastrophe alimentaire a déjà commencé à Gaza alors qu’Israël s’obstine à couper l’approvisionnement en nourriture et en carburant », a-t-elle ajouté.
Des Palestiniens de Gaza témoignent de douleurs rénales dues à une déshydratation intense. D’autres affirment mélanger de l’eau salée à d’autres choses à boire.
Une habitante de Gaza s’est exprimée sur X : « Les rues sont pleines d’ordures, d’insectes, de mouches et de moustiques, l’air est pollué. Ma famille tombe malade à cause de l’eau, ils ont des coliques, ils vomissent, ils souffrent de diarrhée, de congestions et de douleurs rénales à cause du manque d’eau. C’est tragique et désastreux. »
Nombreux sont ceux qui en sont réduits à mendier auprès d’autres personnes qui ont de la nourriture pour subvenir à leurs besoins immédiats.
Se doucher est également devenu un luxe : les familles se rendent à la mer pour se baigner et laver les vêtements, une pratique susceptible de provoquer des irritations cutanées.
Dans les écoles, où des milliers de personnes ont trouvé refuge depuis le début de la guerre, les maladies de peau et autres affections sont fréquentes en raison du manque d’eau potable et de la promiscuité. L’UNRWA rapporte que sur un site, environ 600 personnes utilisent les mêmes toilettes.
Avant la guerre, 70 % des enfants de la bande de Gaza souffraient de divers problèmes de santé, notamment de malnutrition, d’anémie et de déficits immunitaires, un chiffre qui est passé à plus de 90 % selon l’Observatoire euro-méditerranéen des droits de l’homme.
En outre, l’aide humanitaire arrive lentement et la grande majorité de la population de Gaza n’en voit pas la couleur. L’aide humanitaire qui est entrée à Gaza au cours du dernier mois équivaut à la quantité qui entrait dans l’enclave sous blocus en une seule journée avant la guerre.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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