Qu’est-ce que la thérapie par ventouses, médecine alternative populaire chez les sportifs ?
À Birmingham, les nageurs qui fendaient l’eau aux Jeux du Commonwealth 2022 (du 28 juillet au 8 août) ont impressionné les spectateurs avec leurs mouvements parfaits.
Mais certains ont aussi remarqué les cercles ressemblant à des ecchymoses qui parsemaient le dos et le haut des bras de plusieurs athlètes.
Ces marques proviennent d’une ancienne pratique de guérison, populaire au Moyen-Orient et dans le monde islamique, connue sous le nom de ventouses (hijama en arabe, cupping en anglais). En arabe, le mot vient de la racine hajm, qui signifie succion et expansion.
D’abord popularisé auprès du public mondial par le champion olympique de natation américain Michael Phelps à Rio 2016, une forme de hijama consiste à « aspirer » le sang, à l’aide de ventouses posées sur le corps. Ceux qui vantent ses avantages allèguent que cela soulage la douleur nerveuse, les migraines et les problèmes de dos, entre autres.
Il y a même des hadiths, propos attribués au prophète Mohammed, dans lesquels il recommande la hijama comme traitement de maladies.
Néanmoins, malgré sa popularité, les avantages de la hijama ne sont pas scientifiquement prouvés.
Certaines études mentionnent une amélioration de la circulation sanguine et d’autres avantages après les traitements par ventouses, mais selon le consensus médical, cet impact perçu peut être le résultat de l’effet placebo et on manque de recherches fiables sur le sujet.
Middle East Eye plonge en profondeur dans cette pratique ancienne de guérison enracinée en Arabie et en Asie, et aujourd’hui de plus en plus populaire parmi les athlètes.
Les deux types de ventouses
Il existe deux principaux types de ventouses : sèches et humides. Pour la technique sèche, des ventouses stériles sont chauffées et placées à quelques centimètres l’une de l’autre sur la zone à traiter. On dit que la thérapie augmente le flux sanguin, réduit l’inflammation et stimule le système immunitaire.
Pour les athlètes, le traitement est censé augmenter leur seuil de douleur et aider les muscles à récupérer plus rapidement après l’effort.
Les ventouses sont le plus souvent appliquées sur le dos, mais elles peuvent également être utilisées ailleurs, notamment les jambes, les bras et même le visage.
« Si vous pensez à la physiologie du corps humain, le dos a le moins de graisse ; c’est plus maigre et un point d’accès facile à tous les organes qui sont logés dans notre torse », explique Naeema Khan, qui travaille comme praticienne hijama depuis près de dix ans en Angleterre, à Middle East Eye.
Les ventouses chauffées créent un mouvement semblable à un vide, aspirant doucement et soulevant la peau, donnant l’impression d’un pincement doux. La force d’aspiration peut varier en fonction des besoins.
Les ventouses restent sur le corps pendant 5 à 15 minutes, et à mesure que la peau se soulève, les vaisseaux sanguins se dilateraient, stimulant à la fois les muscles et la circulation sanguine.
« C’est comme lorsque le corps a été blessé, sa réponse inflammatoire entre naturellement en jeu, libérant des anticorps pour guérir la région concernée », explique la praticienne. « Les ventouses servent à reproduire un processus similaire. »
L’aspiration des ventouses est ce qui crée l’effet circulaire maintenant reconnaissable comme une ecchymose.
Pour la technique humide, l’épiderme est scarifié avant que des ventouses ne soient placées sur la zone traitée, un processus également appelé saignée.
C’est cette méthode que l’on appelle la hijama, et elle est encore pratiquée dans de nombreuses régions du monde arabe et islamique.
Il existe d’autres variantes de cette pratique, notamment les ventouses de massage – de l’huile est appliquée et les ventouses sont manœuvrées sur le corps dans un mouvement semblable à un massage – et les ventouses éclair – les ventouses chauffées sont appliquées rapidement et à plusieurs reprises sur les zones ciblées.
Une pratique ancienne
Les premières références aux ventouses proviennent de l’Égypte ancienne, où la procédure est mentionnée pour la première fois dans le texte médical historique connu sous le nom de papyrus Ebers. Daté de -1550, le texte fait référence à la forme humide du traitement, qui est décrite comme étant capable d’« éliminer la matière étrangère du corps ».
Avant -400, l’historien grec Hérodote mentionne les ventouses humides et sèches comme traitements pour les problèmes digestifs et les maux de tête. À peu près à la même époque, le médecin grec Hippocrate suggère son utilisation pour le traitement des affections gynécologiques ainsi que des maladies respiratoires.
D’autres références anciennes aux ventouses apparaissent dans les manuscrits sur soie de Mawangdui en Chine, une collection d’anciens écrits médicaux et physiologiques datant de 168 avant notre ère. L’alchimiste taoïste Ge Hong du IVe siècle mentionne également cette pratique.
En médecine chinoise, les ventouses se concentrent sur les canaux d’énergie connus sous le nom de méridiens. Les ventouses sont utilisées pour stimuler des méridiens spécifiques dans le corps afin d’aider à éliminer le blocage du « qi », la bonne énergie.
Dans l’islam, des hadiths préconisent l’utilisation de ventouses pour toutes sortes d’affections et pour la prévention des maladies.
« Il existe un remède se déclinant en trois substances – une boisson de miel, une coupure avec un couteau pour les ventouses et la cautérisation par le feu. J’interdis à ma oumma [communauté] de cautériser par le feu », aurait déclaré le prophète Mohammed dans un hadith.
L’utilisation des ventouses dans l’islam s’accompagne de certaines recommandations diététiques, notamment de jeûner avant le traitement et d’éviter les produits à base de lait. Cette recommandation vise à aider à recalibrer les fonctions du corps.
Ibn Sina et les ventouses
Le célèbre médecin persan Ibn Sina (980-1037) fait partie des médecins arabes et musulmans qui ont recommandé la pratique, notamment dans son livre Kitab Al-Qanun fi al-Tibb ou Le Canon de la médecine.
Ibn Sina, comme d’autres érudits musulmans de l’époque, croyait que la santé du corps et celle de l’esprit allaient de pair.
Les ventouses étaient utilisées pour traiter les affections cutanées, les troubles sanguins et les problèmes de fertilité. En tant que traitement préventif, elles servaient à se libérer de la toxicité présente dans le corps, que ce soit du mauvais sang ou quelque chose de plus sinistre, comme les effets de la magie noire ou des mauvais esprits, parfois appelés djinns.
À propos de cette pratique et de son lien avec le cycle lunaire, Ibn Sina écrit : « Les ventouses ne sont pas privilégiées au début du mois, car les différentes conditions du corps ne seront pas agitées alors, ni à la fin du mois, car d’ici là, les conditions auront diminué. Les ventouses sont à privilégier au milieu du mois lorsque les substances [sang] s’accumulent et s’agitent. »
La hijama est encore souvent préconisée pour les jours de pleine lune, parfois appelés jours de sunna, car ce sont les jours recommandés par le prophète.
« Lorsque la lune est pleine, elle a une attraction plus forte sur la surface gravitationnelle de la Terre », explique Naeema Khan.
« De la même manière qu’elle a un effet sur les marées, en les tirant et les ramenant, quand elle est à son apogée, elle peut avoir un effet d’attraction sur tous les liquides sur Terre, y compris notre sang. Ainsi, quand le sang est plus près de la surface de notre peau, il est recommandé de pratiquer la hijama comme libération. »
Des siècles après Ibn Sina, le médecin juif Moïse ben Maimon, plus connu sous le nom de Moïse Maïmonide (1138-1204), a commenté la pratique dans son livre Principes de la santé physique et morale de l’homme, et au XIVe siècle, elle s’était répandue dans l’Italie du début de la Renaissance, où elle était considérée comme un moyen populaire de traiter la goutte.
L’écrivain britannique George Orwell a été traité par des ventouses pour sa pneumonie dans un hôpital français en 1929. On dit qu’il a essayé à la fois des ventouses humides et sèches.
Cornes d’animaux et autres ventouses
Bien que le verre et le plastique soient les types de ventouses les plus utilisés aujourd’hui, les ventouses originelles étaient fabriquées à partir de cornes d’animaux. Les cornes creusées auraient été utilisées pour libérer du pus ou du poison en utilisant la même méthode. Les cornes de buffle sont encore utilisées dans certains pays, comme en Indonésie.
Les ventouses peuvent également être faites de caoutchouc, de bambou, de céramique, de métal et de silicone, et peuvent être de différentes tailles, ce qui les rend adaptées à une utilisation sur différentes parties du corps.
Traditionnellement, le feu était utilisé pour chauffer les ventouses afin de créer l’aspiration, mais aujourd’hui, les pompes à vide à main sont la méthode la plus sûre.
Une pratique inoffensive ?
Les ventouses ne se substituent en aucun cas au traitement médical prescrit par un médecin, et même ses praticiens la considèrent comme une thérapie complémentaire.
Les praticiens formés et agréés demanderont toujours si un patient a des affections médicales sous-jacentes et s’il ou elle prend des médicaments, avant de proposer un traitement.
Les femmes enceintes ou les personnes qui souffrent d’hémophilie ou d’anémie ne doivent pas subir de traitement par ventouses, et il ne doit pas être effectué sur des plaies ouvertes ou des fractures.
Dans les mains de personnes non qualifiées, des cas de brûlure de la peau ont pu se produire du fait de l’utilisation de ventouses trop chaudes.
En France, pour pratiquer la technique des ventouses (sèche ou humide) en toute légalité, le praticien devra être un médecin diplômé inscrit à l’Ordre des médecins, ou un infirmier par délégation sur ordonnance.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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