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L’histoire controversée de la résistance armée palestinienne au Liban

La guerre israélienne contre Gaza a rappelé l’histoire tourmentée de la résistance armée palestinienne au Liban, qui reste un sujet de discorde
Des combattants palestiniens pro-Arafat quadrillent la zone du camp de réfugiés de Saïda, le 25 octobre 1986 (Hilal Habli/AFP)

En décembre dernier, le mouvement Hamas au Liban a exhorté les jeunes Palestiniens du pays à rejoindre un groupe nouvellement créé : les Avant-gardes du déluge d’al-Aqsa.

Dans sa déclaration, le Hamas a souligné le « rôle du peuple palestinien, où qu’il se trouve, dans la résistance à l’occupation par tous les moyens disponibles et légitimes ».

Cette déclaration a rapidement suscité l’ire des dirigeants locaux ; le Premier ministre intérimaire Najib Mikati et un ensemble de partis politiques libanais ont reproché au Hamas d’avoir lancé un appel qu’ils considéraient comme une atteinte à la souveraineté du Liban.

Depuis l’attaque menée le 7 octobre par le Hamas dans le sud d’Israël, une offensive massive d’Israël contre Gaza a tué au moins 22 400 Palestiniens, en majorité des femmes et des enfants.

Afin de dissiper les craintes des Libanais concernant son annonce, le Hamas a souligné qu’il n’avait pas l’intention de fonder un nouvel organe militaire, mais plutôt un « cadre populaire » destiné à mobiliser la jeunesse palestinienne.

Toutefois, la création par le Hamas de ce nouvel organe, qui tient son nom de l’assaut du Hamas contre Israël, Déluge d’al-Aqsa lequel a causé la mort d’environ 1 200 personnes, rappelle l’histoire tourmentée de la résistance armée palestinienne au Liban, qui reste un sujet de discorde.

En 1948, le Liban a accueilli 100 000 des 750 000 Palestiniens expulsés de leurs foyers par les sionistes lors de la Nakba, la « catastrophe » déclenchée par la création de l’État d’Israël. Ils se sont installés dans douze camps de réfugiés à travers le Liban et, jusqu’à la fin des années 1960, la résistance armée des réfugiés palestiniens dans le pays contre Israël est restée très limitée.

Traumatisés par la destruction de leur société dans la Palestine historique et accaparés par les difficultés liées à leur survie, les Palestiniens ont placé leurs espoirs en l’action des pays arabes, et en particulier en la personne du leader panarabe égyptien Gamal Abdel Nasser, pour assurer leur retour dans leur terre natale.

Les Palestiniens ont vécu dans des conditions humanitaires déplorables et ont été soumis à des mesures de contrôle strictes dans des camps de réfugiés fortement surveillés par les autorités libanaises. En vertu d’un accord de trêve signé avec Israël en mars 1949, l’État libanais a fait preuve d’une opposition farouche à toute attaque menée contre Israël à partir du Liban.

Ce statu quo a été bouleversé par la défaite humiliante de 1967, lorsqu’Israël a attaqué un ensemble de pays arabes et occupé les territoires palestiniens de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie et de la bande de Gaza ainsi que la péninsule égyptienne du Sinaï et le plateau du Golan en Syrie.

Naissance de l’OLP

Ne croyant plus en la capacité d’action des gouvernements arabes, les Palestiniens ont décidé de prendre les choses en main. Des organisations armées palestiniennes telles que le Fatah et le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) ont gagné en importance.

En 1969, Yasser Arafat, le leader charismatique du Fatah, a été élu président de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui regroupe les factions de la guérilla palestinienne. La charte de l’OLP de 1968 stipule que « la lutte armée est le seul moyen de libérer la Palestine et qu’elle est donc stratégique et non tactique ».

Les rangs du Fatah se sont grossis de recrues et sa popularité a grimpé en flèche dans le monde arabe. Au Liban, les réfugiés palestiniens ont commencé à s’entraîner au maniement des armes et les attaques de guérilla organisées par des groupes de l’OLP contre Israël depuis le sud du Liban se sont multipliées.

Israël a violemment bombardé les villages du sud du Liban pour tenter de dresser les populations locales contre l’OLP. Toujours dans le sud du Liban, l’armée libanaise a réprimé les guérilleros palestiniens (fedayin) afin de limiter leur capacité à lancer des attaques transfrontalières.

L’intensification des activités militaires de l’OLP depuis le Liban a exacerbé les divisions dans le pays. Une majorité de chrétiens était opposée à la présence armée de l’OLP sur le territoire libanais, soutenant qu’elle violait la souveraineté du pays.

Le fait que la majorité des réfugiés palestiniens étaient musulmans a fait craindre aux membres de la classe politique chrétienne maronite une possible détérioration du délicat équilibre sectaire du pays. Le système politique libanais se caractérise par une démocratie consociative dans laquelle le pouvoir est attribué à des communautés confessionnelles spécifiques. Le poste éminent de la présidence a été attribué aux chrétiens maronites, tandis que les postes moins influents de Premier ministre et de président du Parlement sont détenus respectivement par la communauté sunnite et par la communauté chiite.

Photo non datée des archives de l’Autorité palestinienne qui montre le leader palestinien Yasser Arafat en 1978 dans le sud du Liban (AFP)
Photo non datée des archives de l’Autorité palestinienne qui montre le leader palestinien Yasser Arafat en 1978 dans le sud du Liban (AFP)

Plus sensibles à la cause palestinienne, la plupart des musulmans du Liban ont soutenu la présence des guérilleros de l’OLP dans leur pays. Pour certains politiciens musulmans, une OLP armée était une source de force sur laquelle ils pouvaient compter pour faire pression sur les dirigeants maronites afin qu’ils concèdent du pouvoir aux musulmans. Au Sud-Liban, de nombreux Libanais considéraient les guérilleros palestiniens comme un moyen de dissuasion contre les nombreuses incursions d’Israël au Liban, menées en violation de l’accord de trêve.

Les affrontements entre l’armée libanaise et les factions armées de l’OLP se sont intensifiés en 1969, et les désaccords entre les diverses composantes libanaises sur la manière d’aborder la situation ont entraîné une impasse de sept mois dans les négociations sur la constitution d’un gouvernement.

Un pas vers la sortie de cette impasse est venu d’Égypte, lorsque Nasser a parrainé les accords du Caire visant à réglementer les relations entre l’OLP et les autorités libanaises.

Tournant majeur dans les relations libano-palestiniennes, les accords du Caire ont accordé à la guérilla de l’OLP le droit d’attaquer Israël à partir du Liban, et ses lignes de transport et d’approvisionnement ont été facilitées par l’armée libanaise. Les unités de l’OLP étaient autorisées à avoir des postes spécifiques au Sud-Liban et à gérer leurs camps de réfugiés de manière indépendante des autorités libanaises.

En 1971, le Liban est devenu l’unique base des combattants de l’OLP après qu’une répression violente à leur encontre de la part de la Jordanie l’année précédente, appelée Septembre noir, a mis fin à leur présence dans le royaume hachémite.

Progressivement, l’autorité de l’OLP s’est étendue aux zones situées en dehors des camps de réfugiés de Beyrouth et du Sud-Liban. Certaines zones du sud du pays sont surnommées « Fatah Land », tandis qu’une « République de Fakhani » a vu le jour à l’ouest de Beyrouth, en référence au quartier de la capitale où se trouve le principal QG de l’OLP.

Guerre civile

En l’absence de toute avancée sur la question palestinienne, les raids de l’OLP se sont poursuivis. En mai 1972, un attentat visant l’aéroport israélien près de Lydd (Lod) a fait 25 morts. L’opération a été menée par trois membres de l’Armée rouge japonaise et planifiée par le FPLP. Israël a réagi en juillet en assassinant l’intellectuel du FPLP Ghassan Kanafani dans un attentat à la voiture piégée à Hazmieh, dans la banlieue de Beyrouth, qui a également tué sa nièce.

En septembre, des militants palestiniens ont pris en otage onze membres de l’équipe olympique israélienne à Munich, exigeant qu’ils soient échangés contre 200 prisonniers palestiniens détenus par Israël. L’attaque et l’affrontement armé qui ont suivi ont causé la mort de onze Israéliens, cinq Palestiniens armés et un policier ouest-allemand. L’opération a été revendiquée par l’obscure organisation Septembre noir, mais a été préparée par des responsables de l’OLP, Salah Khalaf et Mohammad Dawoud Awdah.

Israël a réagi par une incursion terrestre au Sud-Liban le même mois, tuant au moins neuf soldats de l’armée libanaise et faisant dix blessés. Israël a également lancé une série d’assassinats visant des personnalités de l’OLP. En avril 1973, un commando israélien a tué les responsables palestiniens Kamal Nasser, Kamal Adwan et Mohammad Youssef Najjar après avoir pris d’assaut leurs appartements à Beyrouth.

Des Palestiniens fuient le 13 août 1976 les ruines du camp de réfugiés palestiniens de Tel al-Zaatar après sa prise d’assaut par des forces armées libanaises d’extrême droite le 12 août (Xavier Baron/AFP)
Des Palestiniens fuient le 13 août 1976 les ruines du camp de réfugiés palestiniens de Tel al-Zaatar après sa prise d’assaut par des forces armées libanaises d’extrême droite le 12 août (Xavier Baron/AFP)

Ces événements n’ont fait qu’aggraver les divisions entre les Libanais quant à la position officielle du Liban sur la question palestinienne. La majorité des musulmans et de la gauche ont accusé l’armée de ne pas assumer pleinement ses responsabilités dans la défense du Liban contre les attaques israéliennes qui se multipliaient, tandis que les factions chrétiennes se sont ralliées à l’establishment militaire. Dans ce qui semblait être une réitération des événements de Septembre noir, l’armée a lancé une tentative ratée d’élimination des groupes armés de l’OLP en mai 1973.

Les divisions entre les Libanais quant à la place de l’OLP dans leur pays et à la répartition du pouvoir politique entre les communautés confessionnelles ont finalement débouché sur une guerre civile totale le 13 avril 1975. Les factions armées palestiniennes ont joué un rôle prépondérant dans la première phase du conflit, appelée plus communément la guerre de « deux ans ». Les groupes de l’OLP se sont alliés à des milices de gauche et musulmanes qui ont combattu le Front libanais, une coalition de factions armées chrétiennes de droite soutenues par Israël.

Tout au long de l’année 1976, les milices du Front libanais ont assiégé les camps de réfugiés palestiniens dans les zones à prédominance chrétienne à l’est de Beyrouth et se sont livrées à des combats violents avec les combattants de l’OLP. Les camps ont finalement été détruits par les miliciens chrétiens, qui ont massacré de nombreux réfugiés non armés et expulsé les survivants vers Beyrouth-Ouest, peuplé majoritairement de musulmans. Un massacre dans le camp de Tel al-Zaatar, le plus grand de ces camps, a fait entre 1 500 et 2 000 morts. Selon certaines sources, le nombre de morts depuis le début du siège du camp aurait dépassé les 4 000.

La même année, des combattants de la faction palestinienne pro-syrienne al-Saiqa se sont joints à des groupes de gauche libanais dans une grande offensive contre les positions du Front libanais dans la ville chrétienne de Damour, au sud de Beyrouth. La ville a été dépeuplée et entre 80 et 250 de ses habitants ont été massacrés.

La première phase de la guerre civile s’est achevée à l’automne 1976, avec le déploiement de troupes syriennes au Liban dans le cadre d’un plan de la Ligue arabe visant à mettre fin au conflit.

Invasion du Liban

En parallèle, l’OLP a multiplié les raids contre Israël à partir du Liban, notamment lorsque les négociations de paix entre Israël et l’Égypte, entamées à la suite de la visite du président Anouar al-Sadate à Jérusalem en novembre 1977, ont relégué au second plan la question du sort des Palestiniens. Trois ans plus tôt, l’OLP avait laissé entendre qu’elle était prête à accepter une solution à deux États dans son programme en dix points de juin 1974.

En mars 1978, un commando de l’OLP parti par la mer du Liban a débarqué à Haïfa, dans le nord d’Israël, et s’est emparé d’un bus avant d’affronter des policiers, tuant plus de 30 personnes. Israël a envahi le Sud-Liban pour repousser les combattants de l’OLP au nord du fleuve Litani. Les combats ont fait un millier de morts parmi les Libanais et les Palestiniens – des civils pour la plupart – et tué dix-huit soldats israéliens. Israël a retiré ses troupes de la quasi-totalité du sud en juin, à la suite de l’adoption de la résolution 425 du Conseil de sécurité des Nations unies et au déploiement des forces de maintien de la paix de l’ONU dans la région.

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Un nouvel affrontement majeur entre l’OLP et Israël a pourtant éclaté en juillet 1981. Au cours des deux semaines de combats, l’aviation israélienne a rasé un immeuble résidentiel de Fakhani, tuant 300 personnes. Les bombardements de l’OLP sur le nord d’Israël ont fait six morts et près d’une centaine de blessés israéliens. Les combats ont pris fin à la suite d’un accord de cessez-le-feu négocié par l’envoyé américain Philip Habib.

En juin 1982, Israël a rompu le cessez-le-feu et lancé une invasion massive du Liban sous prétexte d’un attentat manqué contre l’ambassadeur d’Israël à Londres, Shlomo Argov. L’attentat a été revendiqué par un groupe dissident de l’OLP dirigé par Sabri al-Banna, alias Abou Nidal.

L’invasion israélienne a entraîné la mort de 19 000 Libanais et Palestiniens – principalement des civils – et plus de 370 Israéliens, dont la plupart servaient dans l’armée. L’invasion a contraint l’OLP à quitter son siège de Beyrouth dans le cadre d’un nouvel accord négocié par Philip Habib. L’invasion a marqué la fin de la présence significative et active de l’OLP au Liban, environ 12 000 combattants se sont relocalisés dans différents pays arabes.

Le départ

Deux semaines seulement après le départ de l’OLP, les Forces libanaises, une milice chrétienne, ont massacré entre 1 000 et 3 000 réfugiés palestiniens et Libanais dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila, dans le sud de Beyrouth. Ces atrocités ont été perpétrées en dépit des promesses faites par Philip Habib aux dirigeants palestiniens quant à la sécurité des réfugiés après l’évacuation de Beyrouth de leurs combattants.

Au printemps 1985, alors qu’Israël finalisait un retrait partiel du Sud-Liban à la suite d’attaques armées menées par diverses factions libanaises, les combattants de l’OLP sont retournés dans les camps de réfugiés de la région. Ils se sont regroupés et ont commencé à préparer la reprise des activités armées contre les troupes d’occupation israéliennes restées au Sud-Liban.

Mais les combattants de retour se sont heurtés au mouvement Amal, qui représentait la communauté chiite du Liban et jouissait d’une grande popularité dans le Sud-Liban. Bien qu’il ait mené ses propres opérations militaires contre l’armée israélienne dans le sud du pays, Amal s’opposait catégoriquement à la reprise des raids de l’OLP à partir du territoire nouvellement libéré.

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Pour de nombreux habitants du sud, les activités armées de l’OLP organisées à partir de leurs villes et villages étaient inefficaces et ne faisaient que susciter des représailles israéliennes destructrices. D’autres étaient lassés des pratiques oppressives, d’avant 1982, de l’OLP à l’égard des habitants du sud. Le mouvement Amal a assiégé les camps de réfugiés palestiniens dans le sud du Liban et à Beyrouth, un épisode connu sous le nom de « guerre des camps », qui s’est déroulé en plusieurs phases entre 1985 et fin 1987.

Une série d’événements au cours des années suivantes a contribué à l’essoufflement de l’activité armée palestinienne au Liban. Les accords du Caire ont été abrogés par le Parlement libanais en mai 1987. En octobre 1989, les députés libanais ont finalement signé un accord négocié par la Syrie et l’Arabie saoudite pour mettre fin à la guerre civile dans le pays. Afin de rétablir son autorité sur l’ensemble du pays, l’armée libanaise s’est déployée sur de vastes zones du Sud-Liban en juillet 1991, obligeant les combattants de l’OLP à se replier dans des camps de réfugiés.

Trois mois plus tard, les États-Unis ont organisé la conférence de paix de Madrid pour mettre fin au conflit israélo-arabe et, en septembre 1993, l’OLP a signé les accords d’Oslo avec Israël, renonçant ainsi à la lutte armée.

Si les accords du Caire ont été abrogés, la plupart des camps de réfugiés palestiniens au Liban sont toujours gérés par l’OLP. La réinstallation de l’autorité gouvernementale à l’intérieur des camps est laissée à l’appréciation du dialogue libano-palestinien.

Traduit de l’anglais (original).

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