Iran : l’exécution de dix femmes bahá’ies hante toujours cette communauté persécutée
Il y a 40 ans, dix femmes de foi bahá’ie, âgées pour la plupart de moins de 30 ans, ont été pendues en public sur une place de la célèbre ville de Chiraz, dans le sud de l’Iran.
La plus jeune n’avait que 17 ans. Elles avaient été inculpées entre autres d’espionnage mais pour leurs partisans dans le monde, elles ont été suppliciées car elles étaient bahá’ies, une foi qu’elles ont refusé d’abjurer même sous la menace de la mort.
— Baha'i World News Service (@BahaiNews) June 18, 2023
Traduction : « Dix femmes bahá’ies ont été pendues à Chiraz – il y a 40 ans – une par une en raison de leur conviction dans une foi qui promeut l’égalité, l’unité et la justice. »
Les racines spirituelles de cette religion monothéiste remontent au début du XIXe siècle en Iran. Celle-ci promeut l’unité de tous et l’égalité. L’islam se considère comme la dernière religion révélée après le judaïsme et le christianisme.
Ce dimanche marquait le 40e anniversaire de l’exécution, le 18 juin 1983, de ces dix femmes bahá’ies. Leur mise à mort est considérée comme l’une des violations les plus flagrantes contre cette communauté persécutée et discriminée dans la vie quotidienne depuis l’avènement au pouvoir de la République islamique en 1979 en Iran.
« Un choc terrible »
Pour les bahá’is, nombre de femmes puisent leurs forces dans la tragédie de 1983 et elles en veulent pour preuve les puissantes manifestations de femmes contre les autorités depuis septembre.
« Au fil des décennies, d’innombrables femmes ont parcouru ce chemin tortueux vers l’égalité des sexes en Iran », expique Simin Fahandej, représentante de la Communauté internationale bahá’ie (BIC) auprès de l’ONU à Genève, notant « les sacrifices de celles qui ont choisi de défendre leurs principes au péril de leur vie ».
Les dix femmes avaient été arrêtées en octobre et novembre 1982, torturées, privées d’avocat et placées devant le choix ultime de se convertir à l’islam pour sauver leur vie, selon la BIC.
Elles avaient refusé de signer les déclarations qui leur étaient préparées et ont été conduites le 18 juin 1983 de leur prison à la place Chogan à Chiraz où elles ont été pendues l’une après l’autre.
Deux jours plus tôt, six hommes bahá’is avaient eux aussi été exécutés sur la même place. Certains étaient des parents des dix femmes. Plus de 200 bahá’is au total ont été exécutés dans la frénésie de pendaisons dans les années qui ont suivi la révolution islamique de 1979, selon le BIC.
« Ce fut un choc terrible pour moi », raconte Ruhi Jahanpoor, qui a d’abord été détenue avec les femmes. Libérée, elle a échappé à une nouvelle arrestation avant de pouvoir s’enfuir à l’étranger.
« Il y a une immense fierté dans la foi et le courage désintéressé des dix femmes et dans leur force face à une pression physique et psychologique extrême », a déclaré à l’AFP Anthony Vance, directeur du Bureau américain bahá’i des affaires publiques.
Soosan Sabet, la cousine germaine d’une des femmes exécutées, Akhtar Sabet, 25 ans, se souvient d’une « personne pure, gentille, amicale et sociable » qui travaillait comme infirmière.
« Il y a une immense fierté dans la foi et le courage désintéressé des dix femmes et dans leur force face à une pression physique et psychologique extrême »
- Anthony Vance, directeur du Bureau américain bahá’i des affaires publiques
« Même en prison, elle a aidé des personnes âgées et malades. Elle préparait leur petit-déjeuner, prodiguait des soins médicaux et lavait leurs vêtements », a déclaré Sabet à l’AFP.
« Pendant l’interrogatoire, on lui a demandé à plusieurs reprises d’abjurer et de se convertir à l’islam afin d’être libérée de prison. » Mais Akhtar Sabet a refusé et a été pendue.
« Leur vie était leur foi et leur foi était leur vie », souligne Ruhi Jahanpoor.
La commémoration de leur pendaison, que la communauté célèbre avec une campagne intitulée « Notre histoire est singulière », est particulièrement importante pour les bahá’is à un moment où ceux qui restent subissent une nouvelle vague de répression.
Arrestations et raids
La foi bahá’ie n’est pas reconnue par les autorités iraniennes contrairement à d’autres confessions minoritaires non musulmanes, notamment le christianisme, le judaïsme et le zoroastrisme. C’est pourtant la plus grande minorité religieuse non musulmane du pays.
Les bahá’is dénoncent une discrimination quotidienne rendant difficile l’ouverture d’entreprises et l’enterrement de leurs morts. De plus, on leur refuse systématiquement l’accès à l’enseignement supérieur en Iran.
La persécution s’est également intensifiée l’été dernier avec des arrestations et des raids, selon Anthony Vance.
Mahvash Sabet et Fariba Kamalabadi, anciennes membres d’un groupe bahá’i aujourd’hui dissous, ont purgé des peines de dix ans chacune de 2008 à 2018 avant d’être de nouveau arrêtées et condamnées à dix ans supplémentaires.
« La répression est aujourd’hui généralisée car elle touche presque tous les aspects de la vie quotidienne des bahá’is », estime Anthony Vance.
Par Stuart Williams.
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