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Israël : un projet de loi prévoit d’autoriser le Shin Bet à espionner les journalistes

Selon le syndicat des journalistes israélien, ce texte « porte une atteinte disproportionnée à la liberté de la presse et au principe de la confidentialité des sources et des informations »
Une femme consulte le site web du logiciel espion israélien Pegasus dans un bureau de la capitale chypriote Nicosie, le 21 juillet 2021 (AFP)
Une femme consulte le site web du logiciel espion israélien Pegasus dans un bureau de la capitale chypriote Nicosie, le 21 juillet 2021 (AFP)
Par MEE

L’agence de sécurité israélienne, connue sous le nom de Shin Bet, va être autorisée à espionner les journalistes en vertu d’un nouveau projet de loi.

D’après un article paru dans le quotidien israélien Haaretz, un projet de loi autorisera le Shin Bet à effectuer des fouilles secrètes d’ordinateurs et de téléphones portables à l’insu de leurs propriétaires.

Selon la future législation, les avocats, les médecins, les psychologues et les membres du clergé seront toutefois exclus de fouilles de ce type. Concernant ces professions, d’autres procédures seront requises pour pouvoir consulter leurs données si des perquisitions étaient nécessaires.

La législation devrait accorder au Shin Bet des prérogatives supplémentaires, notamment en lui permettant un accès complet aux bases de données des autorités de l’État : police, caisse d’assurance nationale et ministères.

Confidentialité des sources

Selon le texte législatif, le Shin Bet sera également autorisé à recevoir des informations de « presque toutes les bases de données nécessaires à l’accomplissement de ses tâches ». Le pouvoir d’approuver de telles mesures appartiendra au Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou.

Mais la législation prévoit qu’en cas de « besoin urgent », le chef du Shin Bet pourra obtenir des informations provenant de bases de données, sans même l’autorisation du Premier ministre.

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Le Shin Bet pourra également recourir au logiciel espion Pegasus, sous le contrôle minimal de la Knesset et sans contrôle des tribunaux.

Le projet de loi a été publié par le gouvernement le mois dernier. Le 15 janvier était la date butoir pour soumettre des objections. Les objections seront examinées avant qu’une version finale soit présentée au gouvernement.

Le syndicat des journalistes a soumis lundi au Premier ministre un certain nombre d’objections considérant que la loi enfreint la liberté de la presse et le droit du public à l’information.

Selon le syndicat, les amendements apportés à la loi pourraient permettre la diffusion d’informations sensibles appartenant aux journalistes, ce qui, selon lui, « porte une atteinte disproportionnée à la liberté de la presse et au principe de la confidentialité des sources et des informations, y compris les informations concernant les journalistes ».

Le syndicat a également déclaré qu’en saisissant les appareils des journalistes pour effectuer des recherches, les journalistes se retrouveront privés d’accès à leurs archives et à leurs outils de travail.

Localiser les journalistes

La professeur Tahila Schwartz Altshuler, de l’Institut israélien de la démocratie, a déclaré que le Shin Bet risquait de se trouver en situation de conflit d’intérêts, en particulier dans le cadre d’enquêtes sur le Premier ministre, qui est une personnalité politique. Elle a également ajouté que la Knesset « n’a pas pris la peine d’inscrire la confidentialité journalistique dans la loi, ou même de définir cette profession ».

Le juriste Gil Gan-Mor, de l’Association des droits civils en Israël, a également averti que le Shin Bet pourrait désormais surveiller les journalistes critiques et les réprimer.

L’année dernière, il a été révélé que le Shin Bet utilisait une base de données collectée auprès des opérateurs de téléphonie mobile pour surveiller l’activité des journalistes, dans le cadre d’enquêtes criminelles ou liées à la sécurité.

Cette information a été révélée par le gouvernement dans sa réponse à une pétition déposée par un groupe de défense des droits civils auprès de la Cour suprême.

Grâce à ces bases de données, l’agence de sécurité israélienne est en mesure de localiser les journalistes à l’aide de leur téléphone portable et de savoir avec qui ils se sont entretenus et pendant combien de temps.

Traduit de l’anglais (original) par Imène Guiza.

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