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Protestant contre la loi sur l’État-nation, Avraham Burg veut se déchoir de sa qualité de juif israélien

« Je dis aujourd’hui à l’État d’Israël : je n’appartiens pas à votre nouveau peuple juif », a déclaré l’ancien président de la Knesset
Avraham Burg dit d’interdire « d’être classé comme membre de cette nation, ce qui impliquerait pour moi d’appartenir au groupe des maîtres » (AFP)
Avraham Burg dit d’interdire « d’être classé comme membre de cette nation, ce qui impliquerait pour moi d’appartenir au groupe des maîtres » (AFP)
Par MEE

« Je ne me sens plus identifié à la nationalité juive, au collectif juif. » L’assertion est signée Avraham Burg, ex-député israélien, ancien président de la Knesset, qui fut conseiller du Premier ministre Shimon Peres, président de l’Agence juive et de l’Organisation sioniste mondiale.

Celui qui a été trois fois ministre vient de demander à la justice israélienne de ne plus le considérer comme juif. Il a aussi demandé au tribunal de district de Jérusalem d’effacer son inscription en tant que juif sur le registre de population du ministère de l’Intérieur.

Pour Avraham Burg, qui se confie à Mediapart, tout a basculé avec l’adoption de la loi sur l’État-nation du peuple juif en juillet 2018.

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« Ce qui définit Israël, désormais, c’est le seul monopole juif. Sans l’équilibre constitutionnel des droits et libertés. En vertu de cette loi, un citoyen d’Israël qui n’est pas juif est assigné à un statut inférieur. Comparable à celui qui a été assigné aux juifs pendant des générations. Ce qui fut odieux pour nous, nous l’infligeons maintenant à nos citoyens non juifs », explique l’ancien responsable israélien.

À ses yeux, « cette législation est en fait une nouvelle définition des relations entre majorité et minorité en Israël ».

« Elle constitue aussi un changement dans ma définition existentielle. Dans mon identité », poursuit-il.

« Dans ces conditions, ma conscience m’interdit désormais d’appartenir à la nationalité juive, d’être classé comme membre de cette nation, ce qui impliquerait pour moi d’appartenir au groupe des maîtres, statut que je refuse. Je ne veux pas appartenir à un collectif défini par les promoteurs de cette loi. »

La tradition sioniste a toujours été ethnocentriste

La loi de 2008 stipule qu’Israël est la « patrie historique » et le « foyer national » du peuple juif, que seuls les juifs ont le droit d’exercer l’autodétermination nationale en Israël et considère la colonisation juive comme un « intérêt national » que l’État doit promouvoir.

À l’époque, le centre juridique pour les droits des minorités arabes en Israël, Adalah, expliquait que cette loi comporte des éléments clés de l’apartheid, ce qui « est non seulement immoral mais aussi absolument interdit par le droit international ».

« La nouvelle loi consacre constitutionnellement l’identité d’Israël en tant qu’État-nation du peuple juif – malgré les 1,5 million de citoyens palestiniens de l’État, les habitants de Jérusalem-Est et du plateau du Golan – et garantit le caractère ethno-religieux exclusif d’Israël comme juif », précisait Adalah.

« Je dis aujourd’hui à l’État : je n’appartiens pas à votre nouveau peuple juif. Je demande donc au tribunal que mon nom soit retiré du registre national du peuple juif. Je suis un juif historique. Je crois à l’égalité, à l’universalisme, à l’humanisme, aux droits des minorités. Ce nouveau judaïsme, je n’en fais pas partie », explique Avraham Burg à Mediapart.

Pour l’historien israélien Shlomo Sand, la loi sur l’État-nation du peuple juif « s’inscrit dans la tradition sioniste, qui a toujours été ethnocentriste ».

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« Cette loi ne définit pas l’État comme une démocratie israélienne, où des Palestiniens seraient citoyens à part entière, avec une approche inclusive, mais comme un État juif. Cette loi suppose donc que cet État n’appartient pas à ses citoyens et que certains d’entre eux ne peuvent donc pas s’identifier avec lui », explique l’historien à MEE.

« Or, un État est aussi un objet d’identité et d’identification. Avec cette loi, tout ce qui était déjà là en matière d’inégalité entre les citoyens devient clair et officiel. Un peu plus clair dirais-je. Cet État appartient donc à tous les juifs du monde mais pas aux citoyens arabes. »

« Un témoignage de la fragilité »

« Au-delà de la discrimination à l’encontre de la communauté arabe d’Israël, je redoute que les promoteurs de cette loi n’aient un autre dessein : orienter Israël vers une base constitutionnelle différente de celle qui figure dans la déclaration de 1948 [annonçant la naissance d’Israël] et fonder davantage le pays sur les valeurs du sionisme religieux, sur la suprématie d’un groupe dont le noyau serait constitué des élus religieux », craint Burg.

Pour lui, cette loi est « aussi un témoignage de la fragilité et de l’absence de confiance en soi des défenseurs de cette nouvelle identité. Ils sont si nombreux à manquer de confiance en eux-mêmes, à être incapables de convaincre leurs concitoyens, qu’ils ont eu besoin d’une loi aussi violente pour assurer leur domination ».

« Pour moi, cette loi est un texte d’extrême droite, populiste, ultra-fondamentaliste. Elle s’inscrit dans une bataille entre un Israël libéral et un Israël conservateur. Une bataille qui se livre aussi dans d’autres pays. Aux États-Unis, en Pologne, en Hongrie, en Russie, en Turquie ».

L’ancien ministre et député dit aujourd’hui attendre la décision du tribunal qui doit examiner sa demande de radiation en tant que juif de l’état civil, et cela risque de prendre des mois. « Il faut d’abord que la Cour suprême rejette tous les appels contre la loi sur l’État-nation », rappelle-t-il.

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