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Ce mystérieux Monsieur « D » qui succède à Yossi Cohen à la tête du Mossad

Connu pour le moment sous le nom de « D », l’homme dont la nomination plaît à l’establishment de l’agence de renseignement devrait se montrer plus prudent que son prédécesseur
Bien qu’il soit considéré comme un agent extrêmement efficace, Yossi Cohen est également un personnage controversé en raison de ses relations étroites avec Netanyahou et de sa volonté d’apparaître sur la scène publique, au grand désarroi de la plupart des anciens chefs du Mossad, qui fuyaient les projecteurs (AFP)
Bien qu’il soit considéré comme un agent extrêmement efficace, Yossi Cohen est également un personnage controversé en raison de ses relations étroites avec Netanyahou et de sa volonté d’apparaître sur la scène publique, au grand désarroi de la plupart des anciens chefs du Mossad, qui fuyaient les projecteurs (AFP)
Par Yossi Melman à TEL-AVIV, Israël

La décision de Benyamin Netanyahou de nommer un homme – connu uniquement sous le nom de « D » pour le moment – comme treizième directeur du Mossad survient à un moment crucial et dramatique, à quelques semaines de la passation de pouvoir à la Maison-Blanche.

Son nom complet sera bientôt publié, une fois officiellement confirmé par un comité d’examen sous la direction de l’ancien juge de la Cour suprême Eliezer Goldberg et par le cabinet.

Actuel chef adjoint de l’agence de renseignement israélienne, il remplacera le chef sortant Yossi Cohen, qui quittera ses fonctions en juin 2021 après cinq ans et demi de service.

Le président élu Joe Biden et son équipe ont exprimé leur espoir de parvenir à des accords avec l’Iran qui aboutiraient à la levée des sanctions et au retour à l’accord initial sur le nucléaire signé en juillet 2015 entre les six grandes puissances et Téhéran.

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Dans sa démarche, Trump a été encouragé voire poussé par Netanyahou et Cohen, qui s’étaient opposés à l’accord dès le départ sous la précédente administration de Barack Obama, époque à laquelle Biden était vice-président.

Netanyahou et Cohen avaient fait pression contre l’accord et comploté avec le Congrès républicain contre Obama. Le président sortant Donald Trump a retiré son pays de l’accord en 2018 et imposé des sanctions plus sévères et plus paralysantes à la République islamique.

Maintenant, « D » aura une mission difficile : fournir au Premier ministre des renseignements précis et une image représentative de la réalité, même si cela lui déplaît. Son test ultime sera de montrer de quel bois il se chauffe, de tenir tête à Netanyahou et de prouver sa détermination et son professionnalisme pour défier le Premier ministre si nécessaire.

Un réformateur

La décision de nommer le chef adjoint du Mossad était attendue et ce choix est raisonnable.

Il y avait trois candidats majeurs en lice pour remplacer Cohen. En plus de « D », une autre personne connue sous le nom de « D » et une personne appelée « A ». Tous trois venaient plus ou moins du même milieu.

Ils ont servi dans l’armée israélienne comme officiers subalternes avant d’être démobilisés. Quelques années plus tard, ils ont été recrutés par le Mossad dans des unités opérationnelles mais affectés à des tâches différentes.

« D » est âgé de 56 ans. Il a effectué son service militaire au sein de Sayeret Matkal, l’unité d’élite et prestigieuse d’opérations spéciales en charge d’opérations de reconnaissance et d’installation de matériel de renseignement derrière les lignes ennemies.

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Il a rejoint le Mossad il y a trente ans. Après avoir terminé sa formation de base de dix-huit mois en tant qu’officier chargé des dossiers, il a rejoint la division Tsomet (de l’hébreu signifiant « jonction »), responsable de la localisation, de l’identification, du recrutement et du déploiement des agents.

Il y est resté depuis, à l’exception d’un bref passage de deux ans comme commandant adjoint de la division Keshet (« arc »), responsable de la surveillance et des infiltrations.

Les responsables du Mossad décrivent « D » comme un réformateur ouvert aux idées de changement structurel, organisationnel et professionnel, comme un homme qui n’est pas figé dans ses habitudes et qui n’est pas conservateur.

Au sein de la division Tsomet, « D » a suivi la voie habituelle et a recruté des agents dans des endroits et des groupes qui représentaient des priorités absolues pour le Mossad : l’Iran et le Hezbollah. À l’été 2018, il a été promu adjoint de Yossi Cohen, ce qui indiquait qu’il était le prochain sur la liste.

La nomination de « D » plaît à l’establishment du Mossad. D’anciens hauts responsables du Mossad décrivent un homme honnête et juste, tandis que Tamir Pardo, ancien chef de l’agence, qui a travaillé avec le nouvel élu, a salué une nomination « extraordinaire ».

Cette nomination a également comme particularité de recevoir un consensus sans réserve, contrairement aux nominations litigieuses de hauts responsables de l’armée et des services de sécurité en Israël.

Dans les pas de Yossi Cohen

La carrière de « D » est à bien des égards similaire à celle de Cohen, qui a également débuté au Mossad en tant qu’agent de recrutement avant de devenir chef de la division Tsomet.

Yossi Cohen, 59 ans, devait terminer son mandat fin 2020, mais il a accédé contre toute attente à la demande du Premier ministre qui voulait le voir rester six mois de plus.

L’une des raisons pourrait être la volonté de mener à bien l’opération d’assassinat de Mohsen Fakhrizadeh – le scientifique qui a dirigé le programme nucléaire militaire iranien –, initiée il y a deux ans. L’attaque contre Mohsen Fakhrizadeh, survenue il y a trois semaines dans la banlieue de Téhéran, est attribuée au Mossad.

Cohen est associé à des succès tels que le vol en 2018 des principales archives nucléaires de l’Iran conservées à Téhéran, qui a perturbé la construction de centrifugeuses perfectionnées, ainsi qu’à des cyberattaques, dont celle survenue il y a quelques mois qui a paralysé la navigation vers le port iranien de Bandar Abbas.

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Bien qu’il soit considéré comme un agent extrêmement efficace pour le renseignement et les opérations secrètes, Yossi Cohen est également un personnage controversé en raison de ses relations étroites avec Netanyahou et de sa volonté sans précédent de s’exprimer et d’apparaître sur la scène publique, au grand désarroi de la plupart des anciens chefs du Mossad, qui fuyaient les projecteurs. 

Parmi les autres attaques attribuées au Mossad sous la direction de Cohen figurent les assassinats de deux ingénieurs palestiniens qui auraient travaillé en Tunisie et en Malaisie pour améliorer les capacités du Hamas dans le domaine des drones et des mini sous-marins.

Il est raisonnable de supposer que « D » était au courant des secrets de la plupart de ces opérations du Mossad et d’autres opérations au cours des deux années où il a été l’adjoint de Cohen.

Une nouvelle stratégie

Au cours des cinq prochaines années, le Mossad sous la direction de « D » poursuivra son rôle traditionnel d’agence de renseignement étranger d’Israël.

Il aspirera probablement à augmenter le nombre de pays arabes et musulmans qui normaliseront leurs relations avec Israël – Oman, l’Arabie saoudite et l’Indonésie mènent la charge pour suivre la trace des accords conclus cette année par les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc.

« D » soutiendra les opérations de collecte de renseignements contre l’Iran et le Hezbollah et tentera d’améliorer les liens et les opérations conjointes avec les services étrangers dans le monde entier – 150 services sont déjà en liaison avec le Mossad.

Bien que « D » soit considéré comme un disciple de Cohen, qui se lancera très probablement en politique et pourrait également prendre le poste d’ambassadeur d’Israël à Washington, cela ne signifie pas qu’il suivra aveuglément le mode de pensée de son prédécesseur.  

« D » devrait se montrer plus prudent et plus modéré que son mentor dans l’exercice de son pouvoir et sa disposition à prendre des risques.

Mais surtout, il devra trouver un moyen de garantir que la relation spéciale avec la CIA n’est pas perdue alors que Biden s’apprête à adopter une approche plus souple vis-à-vis de l’Iran.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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