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Israël planifierait une opération à Rafah après l’Aïd, malgré les avertissements américains

Après avoir prévenu qu’il lancerait une offensive terrestre à Rafah avec ou sans le soutien politique des États-Unis, Israël serait actuellement en train de planifier son invasion de la ville du sud de Gaza après la fête musulmane qui devrait se terminer le 12 avril
Des Palestiniens inspectent les dégâts causés à une mosquée par un bombardement israélien à Rafah, dans le sud de la bande Gaza, le 12 février 2024 (Mohammed Abed/AFP)

Citant des responsables égyptiens en contact avec des dirigeants de l’armée israélienne, le journal libanais pro-Hezbollah Al-Akhbar a indiqué qu’Israël n’était pas disposé à faire de nouvelles concessions au Hamas à la suite des dernières difficultés observées lors les négociations sur un cessez-le-feu.

Israël serait actuellement en train de planifier son invasion de la ville de Rafah, dans le sud de Gaza, après l’Aïd al-Fitr, la fête musulmane de trois jours qui marque la fin du Ramadan et qui devrait se terminer le 12 avril.

Al-Akhbar affirme qu’Israël s’attend à ce que l’opération dure entre quatre et huit semaines et que l’armée israélienne évacuera à l’avance tous les civils de la ville vers des zones spécifiques à l’intérieur de Gaza. L’évacuation sera surveillée par Israël pour s’assurer qu’aucun combattant du Hamas ou otage ne se cache parmi les civils, selon les responsables égyptiens.

Le journal libanais signale en outre que les responsables égyptiens craignent que cette opération ne conduise à une escalade plus large dans toute la région, et affirme que le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a refusé la demande du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou de maintenir une ligne directe pour rester en contact.

Si Israël va de l’avant et mène son offensive terrestre à Rafah, il risque de détériorer encore davantage la relation avec son parrain américain, qui l’a plusieurs fois averti contre les conséquences d’une telle opération.

Fait marquant, les États-Unis se sont abstenus pour la première fois lundi au Conseil de sécurité de l’ONU lors du vote d’une résolution appelant à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza, laquelle a pu ainsi être adoptée.

L’abstention américaine a suscité la colère de Benyamin Netanyahou, qui a aussitôt annulé la venue d’une délégation israélienne à Washington censée justement répondre aux préoccupations américaines concernant une offensive à Rafah.

Un haut responsable américain a cependant indiqué mercredi que les services du Premier ministre israélien « [avaient] fait savoir qu’ils aimeraient trouver une nouvelle date » pour organiser cette réunion.

« Limiter les dégâts »

Les États-Unis s’opposent à un assaut terrestre sur Rafah, où une grande partie de la population de Gaza s’est réfugiée après avoir fui les bombardements dans le nord.

Déjà embarrassés par les plus de 32 500 morts à Gaza, les États-Unis insistent sur le risque de pertes civiles et un isolement accru d’Israël, prônant des « alternatives » visant les derniers bastions du Hamas palestinien.

« Le type de mission que nous pourrions soutenir est une campagne limitée beaucoup plus ciblée à même d’atteindre les mêmes objectifs mais sans causer de dommages massifs à la population civile », a déclaré le porte-parole du département d’État, Matthew Miller.

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Benyamin Netanyahou a toutefois prévenu qu’il lancerait une opération à Rafah avec ou sans le soutien politique des États-Unis, et ce au moment même où le secrétaire d’État américain Antony Blinken se trouvait à Tel Aviv.

Pour Stephen Wertheim, chercheur au Carnegie Endowment for International Peace, les États-Unis « s’efforcent de limiter les dégâts d’une telle opération » à Rafah, déjà intensément bombardée depuis plusieurs jours.

Les États-Unis ont affiché un soutien sans faille à Israël depuis le début de la guerre qui a suivi l’attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre sur le sol israélien et continuent de lui fournir quantité d’armes.

Mais face à l’ampleur des victimes civiles et la situation humanitaire dramatique, ils ont augmenté leur pression sur Israël, le sommant en particulier de permettre l’acheminement de davantage d’aide humanitaire.

Les États-Unis ont aussi haussé le ton en imposant récemment des sanctions contre quelques colons accusés de violences en Cisjordanie occupée.

« L’administration Biden cherche de plus en plus à prendre ses distances avec Israël et surtout avec Netanyahou », souligne Michael Singh, du Washington Institute, un centre de recherche dans la capitale.

Mais le président Joe Biden a clairement fait savoir qu’il n’utiliserait pas son principal moyen de pression : l’aide militaire à Israël.

Une résolution « envoie un signal, mais elle n’a aucun impact tangible sur la capacité d’Israël à poursuivre le conflit », souligne Michael Singh, tandis que les restrictions en matière d’armement « auraient un coût beaucoup plus élevé » sur les plans stratégique et politique.

Un durcissement des critiques mais pas de « volte-face »

Au-delà de la conduite de la guerre, les États-Unis et Israël divergent aussi fondamentalement sur l’après-conflit et le dégagement d’une voie vers la création d’un État palestinien, auquel Netanyahou est farouchement opposé.

Le chef de la majorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer, fervent partisan d’Israël et proche de Joe Biden, a lancé un pavé dans la mare en critiquant personnellement le Premier ministre israélien et en exhortant à la tenue d’élections, un « bon discours » selon le président américain.

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Des responsables américains ont vite assuré qu’il ne parlait pas au nom du gouvernement. Mais d’aucuns s’interrogent pour savoir s’il n’a pas dit tout haut ce que beaucoup au sein de l’administration Biden pensent tout bas.

À quelques mois de la présidentielle de novembre, Joe Biden est confronté à une pression politique de plus en plus grande émanant de la population musulmane et arabe américaine ainsi que des jeunes électeurs et l’aile gauche de son parti.

Selon un sondage Gallup publié mercredi, seuls 36 % des Américains approuvent les actions d’Israël, contre 50 % en novembre.

James Ryan, directeur exécutif du Middle East Research and Information Project, dit s’attendre à ce que « les critiques se durcissent » mais pas à « un grand volte-face » des États-Unis vis-à-vis d’Israël.

Avec l’Agence France Presse.

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