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L’installation d’enceintes par Israël dans le complexe de la mosquée al-Aqsa suscite l’inquiétude

La Jordanie, gardienne des lieux saints chrétiens et musulmans à Jérusalem, dénonce une « provocation »
Des musulmans palestiniens quittent le complexe de la mosquée al-Aqsa après avoir accompli la prière du vendredi dans un contexte de pandémie de coronavirus, le 21 août 2020 (AFP)
Par Aseel Jundi à JÉRUSALEM-EST occupée

La police israélienne a installé mercredi dernier des enceintes dans le complexe de la mosquée al-Aqsa, à Jérusalem-Est occupée, une mesure condamnée par les Palestiniens et la Jordanie, gardienne de la mosquée, dénonçant une violation du lieu saint. 

Les nouvelles enceintes, installées près de la porte des Ablutions à l’ouest du complexe, sont le troisième dispositif de ce genre installé au Haram al-Sharif ou ses alentours depuis 2017.

Les premières enceintes ont été installées cette année-là sur le toit de l’école Omariya, située près de la porte de Bani Ghanim, au nord-ouest du complexe. Les deuxièmes ont été posées dimanche 6 septembre au sommet de l’école de la charia d’al-Aqsa, près de la porte des Tribus, au nord-est.

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Grâce à cette nouvelle installation, les autorités israéliennes pourront émettre sur le côté nord du complexe de la mosquée al-Aqsa, de l’intérieur et de l’extérieur, en concurrence avec les haut-parleurs du Waqf (fiducie) islamique, en charge du site religieux.

Le système d’enceintes devrait permettre aux forces israéliennes de faire des annonces et de donner des instructions aux personnes présentes dans la mosquée, notamment aux fidèles musulmans et aux colons juifs qui font régulièrement irruption dans le complexe en violation de l’accord limitant la prière non musulmane sur le site.

L’initiative israélienne est considérée par les Palestiniens et les fidèles musulmans comme le dernier effort en date déployé dans le but de menacer l’intégrité du complexe en tant que lieu de culte musulman et ouvrir potentiellement la voie à un empiètement accru des forces israéliennes.

Des mesures « illégales »

Ekrima Sabri, ancien grand mufti de la mosquée al-Aqsa, affirme à Middle East Eye qu’Israël cherche à imposer sa souveraineté sur le Haram al-Sharif et à compromettre le Waqf islamique, la fiducie affiliée à la Jordanie historiquement chargée de la gestion du lieu saint.

Alors même que le complexe de la mosquée al-Aqsa est le troisième site le plus sacré au monde pour les musulmans, certains Israéliens pensent qu’il a été construit là où se trouvaient autrefois les Premier et Second Temples juifs – tandis que des personnalités israéliennes d’extrême droite prônent ouvertement la destruction d’al-Aqsa afin qu’un Troisième Temple puisse être bâti à sa place.

« Les mesures de l’occupation [Israël] contre al-Aqsa sont invalides et illégales », indique Sabri à Middle East Eye. « Nous ne les reconnaissons pas. Nous tenons le gouvernement israélien pour responsable de la violation du caractère sacré d’al-Aqsa, puisqu’il est directement responsable de toute agression et qu’il protège les colons qui font irruption sur le site, les encourageant à venir plus nombreux. »

« Nous assistons actuellement à un processus de création d’une infrastructure et d’une administration parallèles à al-Aqsa »

– Ziad Abhais, chercheur

Sabri suppose que l’objectif des nouvelles enceintes surplombant al-Aqsa est de renforcer l’emprise de la police israélienne sur la mosquée et la surveillance des fidèles palestiniens.

Ziad Abhais, chercheur spécialiste de Jérusalem, affirme quant à lui que les enceintes pourraient être utilisées par les forces israéliennes pour faire des annonces visant à « contrôler et [à] terroriser » les Palestiniens et aider éventuellement à disperser les grands rassemblements. 

Elles pourraient également servir à fermer unilatéralement la mosquée sans coordination avec les autorités du Waqf, pour adresser des déclarations en hébreu aux colons ou encore pour diffuser des prières juives. 

« Nous assistons actuellement à un processus de création d’une infrastructure et d’une administration parallèles à al-Aqsa », commente-t-il.

Installées de force

En 2005, Israël a cerné le complexe de la mosquée al-Aqsa avec un réseau de plus de 200 capteurs thermiques visant à surveiller chaque mouvement au niveau des toits, des murs et des halls.

Jeudi 3 puis dimanche 6 septembre, les employés du Waqf islamique ont refusé d’ouvrir le minaret de la porte des Tribus à la police israélienne. Cette mesure a incité le personnel de sécurité israélien à faire irruption dans le complexe par la même porte le dimanche 6 en utilisant des échelles pour monter au sommet du mur nord et installer les enceintes.

Traduction : « Dimanche, la police d’occupation israélienne a fait irruption dans le complexe al-Aqsa à Jérusalem occupée et disposé des échelles à l’entrée du minaret de la porte des Tribus, avant d’employer la force pour monter sur le toit et commencer à installer des enceintes face à la place al-Ghazali. »

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Lundi dernier, le ministère jordanien des Affaires étrangères a condamné les « violations israéliennes continues » commises dans le complexe d’al-Aqsa. 

Un porte-parole du ministère a déclaré que les « pratiques absurdes » observées sur le site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO étaient « irresponsables et constitu[aient] une provocation heurtant la sensibilité des musulmans du monde entier ».

Dans un communiqué, le ministère jordanien a également exigé la fin des violations, soulignant que la mosquée al-Aqsa était un site islamique « pur » et que l’administration jordanienne du Waqf de Jérusalem était la seule autorité chargée de superviser toutes ses affaires.

Depuis l’annonce de la conclusion d’un accord entre Israël et les Émirats arabes unis ouvrant la voie à des relations diplomatiques officielles entre les deux États, la Jordanie observe avec inquiétude la tournure des événements, qui pourrait affecter le statut de gardien du royaume hachémite à Jérusalem.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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