Aller au contenu principal

Le Ramadan interdit en France ? La fake news devenue virale qui a inquiété la communauté musulmane

Vue plus d’un million de fois, la vidéo a contraint le gouvernement à publier un démenti officiel
« Le Ramadan causerait un problème de l’identité française », affirme la vidéo incriminée (capture d’écran TikTok)
Par MEE

« Non, l’État ne va pas interdire le Ramadan ni expulser les personnes qui le font », assure dès le début d’une vidéo postée sur X la porte-parole du ministère de l’Intérieur, Camille Chaize. « Jamais le ministère de l’Intérieur n’a prévu d’interdire le Ramadan ni d’empêcher nos compatriotes de confession musulmane de participer à ce moment important. »

Cette déclaration officielle, publiée lundi 26 février, est venue rétablir les faits à la suite des vives réactions suscitées ces derniers jours par une vidéo annonçant l’interdiction du mois sacré de l’islam en France, quelques jours avant son début le lundi 11 mars.

Diffusée le dimanche 11 février sur la chaîne TikTok info_tvfr, cette dernière a été visionnée plus d’un million de fois. Une voix synthétique y « alerte » que « le ramadan qui doit avoir lieu du 10 mars jusqu’au 9 avril n’aura finalement pas lieu en France […] Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, vient de faire paraître un communiqué qui interdira le Ramadan pour cette année ».

La voix ajoute que le gouvernement envisage de « pénaliser chaque famille qui fait le Ramadan » et qu’elle « serait passible d’un avertissement et d’une amende de 350 euros. Au bout de trois avertissements, la famille ne sera plus en capacité de rester en France et sera dans l’obligation de quitter le territoire ».

« Le Ramadan causerait un problème de l’identité française », indique la voix, ce qui justifierait son interdiction. « Une mesure », précise la vidéo, qui « ferait partie de l’extension du projet de loi immigration », promulguée le 26 janvier dernier.

« Interdiction imaginaire »

Si de nombreux internautes n’ont pas été dupes et ont immédiatement remis en cause la véracité de la vidéo, d’autres s’en sont inquiétés ou scandalisés.

Contacté par le journal 20 Minutes, le ministère de l’Intérieur a confirmé dans un premier temps qu’il s’agissait « bien évidemment d’une fake news », avant de publier sa vidéo de démenti.

Dans celle-ci, Camille Chaize parle d’« interdiction imaginaire » et d’un « mensonge éhonté », rapporte Nice Matin.

Ni Gérald Darmanin ni le ministère n’ont publié un communiqué annonçant l’interdiction du Ramadan cette année en France. Le ministre n’a pas non plus signé un tel décret, comme le confirme une recherche au Journal officiel. La mesure ne figure pas non plus dans la loi immigration, précisent plusieurs sites d’information.

France : forte hausse des actes anti-musulmans en 2023, dont plus de la moitié depuis le 7 octobre
Lire

Cette fake news intervient dans un contexte sensible en France, où de nombreux musulmans estiment que leur communauté est victime de discriminations et montrée du doigt par une partie de la classe politique et des médias, suscitant une méfiance accrue à son encontre.

Le voile islamique en particulier fait l’objet de crispations en France depuis des décennies. En 2023, Gérald Darmanin s’est opposé à son port pendant les compétitions sportives et, à la veille de la rentrée scolaire, le ministre de l’Éducation nationale a indiqué dans une circulaire que le port de l’abaya au sein des écoles, collèges et lycées publics constituait une manifestation ostensible d’appartenance religieuse interdite par la loi de 2004.

Deux ans auparavant, la France avait adopté, sous l’impulsion du président Emmanuel Macron, la loi « confortant le respect des principes de la République » afin de lutter contre le « séparatisme », laquelle, pour ses détracteurs, a injustement stigmatisé la communauté musulmane et « institutionnalisé l’islamophobie d’État en France ».

Ce lundi, à l’occasion du Forum de l’islam de France (FORIF), Gérald Darmanin a annoncé une hausse de 30 % des actes antimusulmans en 2023 par rapport à l’année précédente, dont plus de la moitié commis depuis le début de la guerre à Gaza le 7 octobre, tout en reconnaissant que ces actes étaient « manifestement encore sous-estimés ».

Quelques jours avant, il avait fait expulser dans une procédure éclair l’imam de Bagnols-sur-Cèze Mahjoub Mahjoubi, accusé d’avoir tenu des propos polémiques dans ses prêches. Celui-ci a dénoncé « une injustice » et a déposé un recours en référé-liberté.

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].