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Libye : plus de 5 000 morts après le passage de la tempête Daniel dans l’est du pays

La ville de Derna, dans l’est du pays, a été déclarée « zone sinistrée » après l’effondrement de deux barrages. Une responsable de l’ONU a qualifié la situation de « calamité aux proportions gigantesques »
Des membres du Croissant-Rouge libyen déblaient des routes inondées dans la ville d’al-Baïda, dans l’est de la Libye, le 11 septembre (AFP/Croissant-Rouge libyen)
Des membres du Croissant-Rouge libyen déblaient des routes inondées dans la ville d’al-Baïda, dans l’est de la Libye, le 11 septembre (AFP/Croissant-Rouge libyen)
Par MEE

Plus de 5 000 personnes ont été tuées et des milliers d’autres victimes sont à craindre après les inondations dévastatrices provoquées par la tempête Daniel dans l’est de la Libye.

Dans la nuit de dimanche à lundi, les deux barrages sur Wadi Derna, qui retiennent les eaux de l’oued qui traverse la ville, ont lâché. Des témoins ont indiqué à des médias libyens avoir entendu une « énorme explosion » avant que des torrents puissants n’atteignent la ville, débordant sur les rives, emportant les ponts et des quartiers entiers avec leurs habitants vers la Méditerranée.

Tarek al-Kharraz, porte-parole du ministère de l’Intérieur du gouvernement qui supervise l’est de la Libye, dans l’une des deux administrations rivales à la tête du pays, a déclaré qu’au moins 5 200 personnes avaient perdu la vie à Derna après l’effondrement des deux barrages.

Images satellites de la ville de Derna, dans l’est de la Libye, avant les inondations le 7 septembre 2023 (à gauche) et pendant les inondations (à droite), le 12 septembre 2023 (AFP/Maxar Technology)
Images satellites de la ville de Derna, dans l’est de la Libye, avant les inondations le 7 septembre 2023 (à gauche) et pendant les inondations (à droite), le 12 septembre 2023 (AFP/Maxar Technology)

Les images de rangées de corps enveloppés dans des couvertures gisant sur le trottoir à l’extérieur d’un hôpital de Derna ont montré à quel point la tempête a submergé les infrastructures libyennes, déjà dévastées par des années de guerre et de troubles politiques.

Plus tôt dans la journée de mardi, un responsable de la Croix-Rouge avait déclaré que 10 000 personnes étaient portées disparues, plus de 48 heures après le passage de la tempête.

« Nos équipes sur le terrain continuent d’évaluer la situation, [mais] d’après ce que nous voyons et les informations qui nous parviennent, le bilan humain est considérable », a souligné Tamer Ramadan, de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, à des journalistes en Tunisie.

« Nous n’avons pas de chiffre précis pour l’instant », a-t-il souligné, précisant que « le nombre de disparus s’élève à 10 000 personnes à ce jour ».

Abandon des services publics

La partie de la Libye touchée par la tempête Daniel est contrôlée par le maréchal autoproclamé Khalifa Haftar

Le militaire de 79 ans, qui contrôle également de vastes pans de l’est du pays, bénéficie d’un solide soutien de la Russie, des Émirats arabes unis et de l’Égypte, ainsi que d’une couverture diplomatique de la part de la France

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La Libye est en proie à des troubles depuis 2011 et un soulèvement soutenu par l’OTAN qui a renversé le dirigeant de longue date Mouammar Kadhafi. Des années d’instabilité politique, de corruption et de guerre ont engendré l’abandon de services publics clés tels que les hôpitaux, les infrastructures sanitaires et les équipes de secours nécessaires pour intervenir en cas de catastrophe. 

Selon Hichem Chkiouat, ministre et membre du comité en charge des situations d’urgence au sein du gouvernement de l’est du pays, Derna est l’une des villes les plus touchées et a subi des dégâts sans précédent.

« Je n’exagère rien en disant que 25 % de la ville a disparu. De très nombreux bâtiments se sont effondrés », a-t-il expliqué aux journalistes, avant de déclarer Derna zone sinistrée.

Au moins 30 000 personnes ont été déplacées à Derna ainsi que 3 000 à al-Baïda et plus de 2 000 à Benghazi, d’autres villes situées plus à l’ouest, a indiqué mercredi l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). 

Des routes coupées, des éboulements de terrains et des inondations ont empêché les secours d’atteindre rapidement la population qui a dû se débrouiller par des moyens rudimentaires pour récupérer des corps enterrés par dizaines dans des fosses communes, selon des images diffusées sur les réseaux sociaux.

L’OIM a expliqué que Derna n’était plus accessible que par deux entrées au sud (sur sept habituellement). Selon elle, des pannes d’électricité généralisées et des perturbations du réseau de télécommunication limitent les communications.

Si la tempête Daniel a également touché la Turquie, la Bulgarie et la Grèce, c’est la Libye qui a été la plus lourdement frappée par ce qu’une responsable de l’ONU a qualifié de « calamité aux proportions gigantesques ».

Une vidéo publiée sur les réseaux sociaux montre des employés d’un hôpital de la ville d’al-Baïda en train d’essayer d’évacuer l’eau qui a inondé le bâtiment.

D’autres vidéos montrent des immeubles d’habitation dans la ville d’Al Marj entourés par les eaux, tandis que des images aériennes révèlent d’immenses étendues de terre submergées.

Les inondations ont suscité une réaction internationale : un nombre croissant de pays déploient des équipes de secours et une aide humanitaire dans l’État d’Afrique du Nord.

Lors d’une conférence de presse tenue mardi, le Premier ministre libyen Abdel Hamid Dbeibah a déclaré que « de multiples propositions d’aide » avaient commencé à arriver.

Les États-Unis ont affirmé se coordonner avec les autorités libyennes et les Nations unies pour apporter un soutien et fournir des fonds d’urgence par l’intermédiaire d’organisations humanitaires.

Le ministère turc des Affaires étrangères a indiqué avoir envoyé trois avions d’aide humanitaire et de personnel de secours dans la nuit de lundi à mardi.

Les Émirats arabes unis, le Qatar, la Jordanie et l’Algérie, ont également annoncé l’envoi d’aide aux régions touchées par la tempête et les inondations qui ont suivi.

La Turquie et le Qatar soutiennent traditionnellement le gouvernement de Tripoli, tandis que les Émirats arabes unis soutiennent Haftar. Mais un rapprochement entre Ankara et Abou Dabi a permis d’apaiser le conflit en Libye, même si des tensions subsistent.

Selon les météorologues, la tempête Daniel s’est formée plus tôt ce mois-ci au-dessus de la mer Ionienne, près de la Grèce et de la Bulgarie, avant de se diriger vers le sud de la Méditerranée. 

La tempête est arrivée en Libye avec des vents dépassant les 80 km/h et des pluies diluviennes.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation et actualisé.

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