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Les mercenaires d’Erik Prince devaient attaquer les navires d’armes turcs en Libye

L’affaire de la vingtaine de mercenaires occidentaux qui ont débarqué en Libye en juin 2019 commence à s’éclaircir
Des hélicoptères de l’Armée nationale libyenne de Khalifa Haftar participent à un défilé militaire dans la ville de Benghazi le 7 mai 2018 (AFP)

De nouvelles informations viennent éclairer l’opération d’envergure de mercenaires occidentaux en Libye rapportée par Middle East Eye la semaine dernière.

Comme précédemment indiqué, trois pistes importantes étaient à explorer : l’implication d’Erik Prince, fondateur de la compagnie militaire privée Blackwater, la connexion maltaise et l’ombre d’une opération aérienne. De fait, il s’est avéré que cette opération se basait sur ces trois points précis.

Le New York Times et le Times of Malta ont rapporté dans leur édition du 26 mai les détails d’un complot présumé soutenu par les Émirats arabes unis (EAU) visant à envoyer des mercenaires et des équipements militaires à la Libye depuis Malte, en faisant émerger de nouveaux détails très intéressants.

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Comme expliqué précédemment, le chef de l’Armée nationale libyenne (ANL) Khalifa Haftar n’a jamais caché son utilisation d’entreprises militaires privées dans le cadre de ses efforts pour prendre la capitale libyenne Tripoli.

Très tôt dans le conflit, ce sont les avions d’attaque au sol Airtractor appartenant à l’une des entreprises d’Erik Prince qui ont été utilisés pour supporter les opérations contre le groupe État islamique (EI) menées par Haftar il y a quelques années.

Dans ce cadre, deux sociétés émiraties ont fourni, pour ce qui sera appelé plus tard « Project Opus », trois hélicoptères SA341 Gazelle et trois hélicoptères Super Puma AS332, originaires d’Afrique du Sud. Les hélicoptères devaient être armés de mitrailleuses moyennes de 7,62 mm et destinés aux forces de l’ANL, qui sont soutenues par les Émirats arabes unis ainsi que par des mercenaires russes du groupe Wagner et par l’Égypte.

Ces six hélicoptères militaires ont été achetés à l’Afrique du Sud en juin 2019, ils ont ensuite été transportés par camions au Botswana, puis de là livrés démontés par voie aérienne à Benghazi.

Le journal The Botswana Gazette avait publié le 29 juin 2019 des photos sur sa page Facebook avec une légende incorrecte : « Les hélicoptères BDF [Botswana Defense Forces] VIP SUPER PUMA H22 en route vers SSKIA [Sir Seretse Khama Airport, aéroport de Gaborone au Botswana] ce matin ».

« Project Opus »

En réalité, les hélicoptères ont été transportés par voir terrestre puis acheminés par avions cargo angolais Il-76, selon les confidences d’une source de Middle East Eye.

Ces hélicoptères faisaient partie du parc de l’entreprise de locations d’avions Starlite Aviation qui appartient à Steve Lodge, ancien pilote d’hélicoptère de combat sud-africain.

Lodge était en réalité le chef du commando envoyé en Libye en juin 2019 et devait donc assurer l’arrivée des appareils, leur montage et la conduite des opérations aériennes. Selon le quotidien Malta Today, le groupe cherchait aussi à acheter un hélicoptère de combat américain Cobra pour des missions d’attaque au sol.

La vingtaine de mercenaires, dont des Français, des Australiens, des Britanniques, des Américains et des Sud-Africains, avait d’abord été regroupée à Amman en Jordanie, puis envoyée à Benghazi en Libye fin juin 2019.

Le groupe disposait d’une couverture légale, nous apprend Malta Today, qui serait celle d’une étude géophysique et hyperspectrale par voie aérienne de la Jordanie. Cette couverture avait permis les différents transbordements d’équipements et leur acheminement à Amman.

Si le commando a fait traverser le Botswana à ses appareils par route, c’est probablement à cause de la législation stricte en Afrique du Sud interdisant les activités de mercenariat.

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Cette aventure a duré jusqu’au 2 juillet, quand le commando a choisi l’exfiltration vers Malte par bateau à cause d’un différend qui avait éclaté avec Khalifa Haftar sur la qualité des hélicoptères envoyés.

Selon Malta Today, une des missions de l’opération Opus était de faire de l’interdiction maritime et conduire des assauts contre des navires venant de Turquie et transportant des armes aux forces du Gouvernement d’union nationale (GNA) à Tripoli.

Selon un article paru dans le New York Times le 25 mai, le commando a été exfiltré de Benghazi vers Lavalette à bord de deux bateaux semi-rigides loués à la société du trafiquant d’armes maltais James Fenech, Sovereign Charterers. Une des deux vedettes avait d’ailleurs été retrouvée à Zuwetina en Libye après avoir été abandonnée à cause d’une avarie par le commando.

Les deux entreprises qui ont financé et dirigé cette opération, Lancaster 6 et Opus Capital, appartiennent ou sont proches de la constellation d’entreprises militaires d’Erik Prince. James Fenech lui-même avait été l’associé de Prince dans la création de Blackwater Ammunition, une entreprise de fabrication de munitions en Italie.

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