Drame de Melilla : au Maroc, le très critiqué Conseil national des droits de l’homme blanchit les autorités
Le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) au Maroc, institution officiellement « indépendante », a présenté mercredi 13 juillet à Rabat les premières conclusions de sa mission d’information sur les événements du 24 juin.
Ce jour-là, à la frontière entre la ville marocaine de Nador et l’enclave espagnole de Melilla, 23 migrants ont perdu la vie, d’après des chiffres officiels. Il s’agit du bilan le plus meurtrier jamais enregistré lors des nombreuses tentatives effectuées par des migrants subsahariens pour pénétrer à Melilla et dans l’autre territoire espagnol, Ceuta. Ces deux enclaves constituent les seules frontières de l’Union européenne avec le continent africain.
Le rapport de sept pages, présenté en conférence de presse par la présidente du CNDH, Amina Bouayach, dédouane les forces de l’ordre marocaines et rejette indirectement la faute sur la Guardia Civil (gendarmerie) espagnole.
Selon le document, « les décès enregistrés ont été causés par asphyxie mécanique sur suffocation provoquée par la bousculade et l’agglutination du nombre important de victimes dans un espace hermétiquement clos, avec mouvement de foule en panique ».
L’espace en question est le tourniquet du poste-frontière de Barrio Chino, où des centaines de migrants ont tenté de forcer le passage vers l’Espagne, avant de se retrouver coincés entre policiers marocains d’un côté et Guardia Civil de l’autre.
Une violence « inouïe »
Le CNDH concède tout de même que « l’autopsie demeure la seule voie à même de vérifier avec précision les causes des décès dans chaque cas ».
Alors que la communauté internationale a dénoncé la réaction des polices espagnole et marocaine, le CNDH indique dans son rapport que « la commission n’a pu déterminer si l’origine des blessures de certains migrants qu’elle a visités provenait des chutes et des bousculades ou de blessures résultant d’un recours disproportionné à la force ».
Tout en reconnaissant que l’assaut des migrants avait été « violent », Eduardo de Castro González, le président (maire) de Melilla et plus haute autorité politique de cette ville autonome, avait aussi dénoncé une « réponse disproportionnée » du Maroc.
« Nous sommes restés entassés par terre pendant des heures sous le soleil, sans eau, sans ambulance, avec des plaies ouvertes »
- Mohamed, un migrant
Pourtant, les images publiées sur les réseaux sociaux témoignent d’un usage de la force de la part des policiers marocains à l’encontre, parfois, de migrants à terre, sans défense.
Certains d’entre eux, rencontrés par Middle East Eye à Rabat et Casablanca, affirment avoir été victimes d’une violence « inouïe » des deux côtés de la frontière.
« Les Marocains étaient sûrement plus violents dans leur comportement. Ils n’hésitaient pas à asséner des coups de bâton sur le crâne de personnes allongées sur le sol. De l’autre côté, les Espagnols nous bombardaient de bombes lacrymogènes, parfois à des distances très réduites, donc très dangereuses, afin de nous immobiliser pour nous refouler au Maroc », se souvient Mohamed Ibrahim, un migrant soudanais de 24 ans qui n’a pas réussi à atteindre le centre d’hébergement temporaire de Melilla, et s’est retrouvé à Casablanca après avoir été « jeté » par les autorités marocaines à Béni Mellal (centre).
Mais pour les migrants rencontrés par MEE, les causes des décès sont ailleurs. Selon eux, l’absence d’assistance et de secours aux blessés a alourdi le bilan humain.
« Nous sommes restés entassés par terre pendant des heures sous le soleil, sans eau, sans ambulance, avec des plaies ouvertes », ajoute Mohamed.
Le CNDH abonde partiellement en ce sens, pointant la seule responsabilité de la Guardia Civil en émettant l’« hypothèse » selon laquelle « la réticence ou l’hésitation des autorités espagnoles à fournir l’assistance et les secours nécessaires » pourrait être à l’origine d’une aggravation du nombre de décès et de blessés.
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