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Un ancien ambassadeur de France accuse le Maroc de « chantage »

Pour Gérard Araud, ex-représentant permanent de la France aux Nations unies, le royaume fait du « chantage » à la France sur les dossiers de la relation bilatérale et du Sahara occidental
Les déclarations de l’ancien diplomate ont suscité une vague de réactions dans les médias marocains et sur les réseaux sociaux (AFP)
Les déclarations de l’ancien diplomate ont suscité une vague de réactions dans les médias marocains et sur les réseaux sociaux (AFP)
Par MEE

Le tweet de l’ancien représentant permanent de la France aux Nations unies, Gérard Araud, a provoqué de nombreuses réactions chez les internautes et les médias marocains.

Réagissant à un tweet sur les relations entre Paris et Rabat, l’ex-diplomate a accusé le Maroc d’exercer du « chantage » à l’égard de la France sur le dossier du Sahara occidental.

« En gros, c’est l’habituel chantage marocain sur le Sahara occidental à la suite de la volte-face américaine alors que, pendant des décennies, la France a été seule pour défendre les intérêts marocains au Conseil de sécurité », a tweeté Gérard Araud, qui a également été en poste à Washington comme ambassadeur.

Il répondait au message publié par le média marocain Morocco Intelligence qui évoquait la crise diplomatique entre les deux pays : « Face à cette crise silencieuse, la direction des Affaires étrangères a fait annuler plusieurs rencontres de parlementaires français au Maroc, attendant un positionnement clair de la France sur la question du Sahara marocain », lit-on notamment dans ce tweet.

Sur son fil Twitter, l’ex-diplomate a poursuivi la discussion avec des internautes qui l’ont interpellé.

L’un d’eux lui demande : « Pourriez-vous s’il vous plaît expliquer plus en détail votre affirmation selon laquelle il y a eu une volte-face américaine dans le contexte du Sahara occidental ? Je suis intéressé à [sic] comprendre ce qui vous a conduit à cette conclusion. »

« Ce n’est pas ma “conclusion”, c’est un fait. Après avoir combattu le Maroc sur ce sujet au Conseil de sécurité pendant des décennies face à la France amie du Maroc, les États-Unis sous Trump ont changé de position à 180 degrés », a argumenté Araud.

« La France fait constamment chanter le Maroc »

Un autre internaute lui demande aussi : « Pourquoi la France ne reconnaît-elle pas la marocanité du Sahara tout simplement ? A-t-elle peur de l’Algérie ? »

« Je ne pense pas que 150 pays dans le monde ont peur de l’Algérie. Ils respectent les résolutions du Conseil de sécurité », répond Gérard Araud.

Ces déclarations ont suscité une vague de réactions dans les médias marocains.

Pour le site marocain Hespress, « les réponses de Gérard Araud n’ont pas convaincu les internautes, qui ont signalé que la France ne défendait que ses intérêts à elle, et qu’elle voulait se donner le beau rôle alors qu’en réalité, c’est elle qui est à l’origine de ce mal. Les internautes lui ont ainsi rappelé le vol des terres marocaines du Sahara oriental par la France pour les intégrer à l’Algérie ».

Dans sa version arabophone, le même site fait parler Abbas al-Wardi, professeur de droit public à l’université Mohammed V de Rabat, pour qui « les déclarations d’Araud sont contradictoires et porteuses de formules erronées car c’est la France qui a profité du Maroc jusqu’à maintenant, que ce soit par des investissements ou accords économiques majeurs ».

« La France fait constamment chanter le Maroc sur de nombreux dossiers », poursuit le professeur.

Le site Maroc Hebdo rappelle, pour sa part, que « [Gérard] Araud avait déjà défrayé la chronique en février 2014 après que l’acteur espagnol Javier Bardem, qui venait alors de sortir un documentaire engagé en faveur de la séparation du Sahara marocain, eut assuré qu’il lui aurait confié trois ans plus tôt “que le Maroc est une maîtresse avec laquelle on dort toutes les nuits, dont on n’est pas particulièrement amoureux mais qu’on doit défendre” ».

« Ce n’est pas mon genre »

« [Gérard Araud] avait par la suite démenti, mais cela avait contribué à compliquer les relations avec Paris dans un contexte où la justice française avait quasiment en même temps tenté de convoquer le directeur général de la surveillance du territoire national [DGST, les renseignements intérieurs marocains], Abdellatif Hammouchi, pour une accusation de torture de l’ancien kickboxeur Zakaria Moumni », poursuit Maroc Hebdo.

Le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement marocain, Mustapha El Khalif, avait à l’époque qualifié ces propos de « scandaleux » et d’« inadmissibles ».  

Cette récente polémique intervient quatre jours après les déclarations de l’écrivain Tahar Ben Jelloun sur la chaîne israélienne i24 révélant le différend entre Emmanuel Macron et le roi Mohammed VI.

L’auteur y évoque une discussion téléphonique entre les deux chefs d’État concernant les accusations adressées au Maroc selon lesquelles Rabat a mis sous écoute le président français via le logiciel espion Pegasus.

« Je vous donne ma parole d’honneur que je ne vous ai pas fait écouter, ce n’est pas mon genre», aurait assuré Mohammed VI à Macron.

Réponse de Tahar Ben Jelloun : Macron aurait « répondu quelque chose que je ne peux pas dire ici… [Macron a répondu] d’une manière très maladroite », que le souverain n’aurait pas du tout appréciée.

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