Caftan, hammam et amariya : dans la magie des mariages marocains
Colorés, riches et savoureux : voici quelques-uns des qualificatifs qui décrivent le mieux les mariages marocains traditionnels. Chaque union au Maroc est un incroyable voyage pour les sens, même si les traditions peuvent varier quelque peu d’une famille à l’autre.
Les cérémonies s’étendent souvent sur plusieurs jours et chaque soirée a pour thème un événement spécifique. Des facteurs divers et variés régissent le déroulement du mariage, des revenus de la famille à son degré de modernité ou de conservatisme.
De nombreuses traditions nuptiales du pays, des vêtements à la danse, ont traversé les siècles et témoignent de la richesse de la culture marocaine.
Dans ce pays d’Afrique du Nord fort d’une population d’environ 37 millions de personnes, chaque communauté – berbérophones, arabophones, de confession musulmane, juive ou encore chrétienne – met à l’honneur son héritage lors des mariages.
Cet article fait partie d’une série sur les traditions nuptiales du Maghreb et du Moyen-Orient, notamment de la Palestine, de l’Algérie ou encore de la Turquie.
La rencontre initiale
Traditionnellement, les jeunes couples se rencontrent après avoir été repérés lors d’un mariage, au hammam ou par le biais d’une connaissance commune.
Le premier contact entre les familles est généralement établi par les femmes : une parente du futur marié entamera la conversation à ce sujet et se rendra au domicile de la femme convoitée.
Lors de la visite, des parentes de l’homme à marier observeront la jeune femme pour voir si elle pourrait lui convenir. Dans certains villages plus reculés, on raconte que parfois, la future mariée est invitée à mâcher des fruits secs pour inspecter ses dents, à suivre des yeux une aiguille pour s’assurer qu’elle a une bonne vue et à parler pour voir si elle n’a pas de troubles de la parole.
Aujourd’hui, les choses ont légèrement évolué, et dans des contextes plus modernes, les jeunes gens posent souvent des questions sur leur passé réciproque en matière de relations amoureuses.
La khoutouba
Une fois que les parentes du jeune homme ont approuvé son choix, les hommes de sa famille rendent visite à celle de la future mariée. Chargés de cadeaux pour cette dernière, ceux-ci officialiseront les fiançailles.
Cette tradition se déroule généralement dans un cadre intime, durant lequel un aîné de la famille du futur marié demande officiellement la main de la jeune femme. La réponse est apportée sur-le-champ et les parents donnent leur bénédiction pour l’union.
Connu sous le nom de khoutouba (fiançailles), cet événement marque le début officiel des cérémonies de mariage et est commémoré par la lecture de la sourate al-Fatiha du Coran.
À ce stade, les familles discutent dans le moindre détail de l’organisation et de la logistique du mariage, y compris le budget, la dot et la date du grand jour.
Ensuite, les familles doivent signer le contrat de mariage selon la loi islamique, une étape considérée comme l’une des plus importantes du processus nuptial. La signature de l’acte se fait en présence d’un adoul (notaire).
Les préparatifs du mariage
Une fois le contrat de mariage signé, les jeunes mariés ont carte blanche pour commencer les préparatifs de l’heureux événement.
Certaines femmes peuvent porter jusqu’à sept tenues différentes avant le jour du mariage, toutes plus somptueuses et élaborées les unes que les autres.
La plupart feront appel à une negafa, une planificatrice de mariage et habilleuse, pour les aider à organiser la cérémonie et les différentes tenues.
Alors que traditionnellement, celles-ci étaient faites sur mesure, aujourd’hui, la plupart des femmes se contentent de louer leurs tenues de mariage en raison des coûts exorbitants des robes personnalisées.
Lors d’un mariage marocain, une attention particulière est portée à la décoration, aux couleurs choisies et aux bijoux que porte la mariée.
Une tradition essentielle de la plupart des mariages marocains est l’amariya – un palanquin orné de pierres précieuses porté par des hommes dans lequel prend place la mariée. L’amariya était historiquement de conception simple, en bois et réservée aux familles nobles et à l’élite. Aujourd’hui, elle est utilisée lors de presque tous les mariages et est beaucoup plus tape-à-l’œil.
Plusieurs semaines avant le jour J, la coutume veut que les membres de la famille se regroupent pour préparer les bons petits plats et pâtisseries qui seront servis aux invités et amis.
Caftans et vêtements
Les tenues brodées et ornées des mariages marocains traditionnels en constituent l’un des aspects les plus emblématiques.
Si les motifs varient en couleur, l’un des plus populaires est le caftan vert et or porté pour la cérémonie du henné. Dans la tradition marocaine, le vert symbolise la chance.
Alors qu’un caftan blanc, symbole de pureté, est réservé au mariage, d’autres modèles sont portés les jours qui précèdent.
La fassia ou tenue de Fès est un vêtement en soie surmonté d’une coiffe incrustée de bijoux et de perles. Le cou et la poitrine de la mariée sont recouverts de rangées de perles et d’or qui descendent sur son buste. La tenue complète est lourde et peut s’avérer encombrante voire gênante pour marcher. Mais elle reste néanmoins une tradition qui se pratique encore de nos jours.
Les femmes de Rabat portent majoritairement du bleu pour leur mariage. Connu sous le nom de r’batia, leur caftan est d’une nuance de bleu vif et orné de motifs brodés en argent et de couches de bijoux argentés et en cristal.
La tenue est recouverte de pierres précieuses comme des émeraudes, des rubis et des perles.
Très différent, le style sahrouia porté par les femmes du Sahara marocain se compose d’un tissu long qui est plié plusieurs fois, donnant un aspect superposé. Des accessoires traditionnels complètent la tenue, qui ressemble aux vêtements traditionnels portés par les femmes en Mauritanie.
Certaines mariées sahraouies se parent d’un diadème fait d’ambre et de coquillages, ainsi que de colliers en perles.
Le style vestimentaire soussia, porté par les femmes amazighes, diffère selon le lieu. Si chaque tribu dispose d’une version légèrement différente de la robe soussia, les bijoux somptueux qui recouvrent l’ensemble de la tenue forment un dénominateur commun.
Les mariées de la région de Souss ont coutume de parfaire leurs tenues avec une couronne appelée tawnza et des couches de bracelets dénommés tanbalat. Les boucles d’oreilles classiques en argent brossé et incrustées de pierres portées par les femmes amazighes sont appelées takhersin.
La tenue n’est complète que lorsqu’une ceinture argentée sera nouée autour de la taille de la mariée et que celle-ci chaussera des souliers en cuir aux motifs cousus, appelés edokan.
Hammam et henné
Si la plupart des futures mariées sont généralement nerveuses à l’approche de leur cérémonie, au Maroc, elles prennent le temps de se détendre et de se faire dorloter.
Cette tradition est partagée avec d’autres femmes des deux familles, qui en profitent pour créer des liens et célébrer la nouvelle union.
Le hammam est un bain public à vapeur où les femmes se purifient en se faisant masser et exfolier la peau pendant des heures. Du rhassoul, une sorte d’argile mélangée à de l’eau, est appliqué sur la peau pour la clarifier. Certains pensent que ce mélange protège aussi la mariée du « mauvais œil ».
Lorsque cette dernière sort du hammam, elle consacre des heures à la coiffure et au maquillage, ce que beaucoup de femmes attendent avec impatience.
Les plus superstitieux cassent un œuf sur la tête de la mariée pour lui souhaiter chance et bénédictions.
Les rituels du hammam sont suivis d’une soirée de danse et de chant, connue sous le nom de henné. À cette occasion, la mariée porte un caftan vert ou doré et se fait décorer les mains et les pieds au henné.
Certains croient que cette tradition symbolise la fertilité et le bonheur conjugal. La soirée s’achève par un grand dîner composé de plats traditionnels. La famille du marié offre des cadeaux à sa nouvelle épouse, allant du sucre et du lait aux caftans et vêtements à porter lors de la nuit de noces.
Le grand jour
Les invités affluent vers le lieu du mariage tard dans la soirée, vers 21 h ou 22 h. Des boissons sucrées, comme du jus de fruits ou du thé à la menthe, sont servies tout au long de la nuit, ainsi que des pâtisseries traditionnelles.
La famille du marié se présente avec des cadeaux, dont, traditionnellement, une ceinture et des bracelets en or, des foulards en soie et un panier rempli de henné, d’encens, de meska (gomme arabique) et de fleurs. Les paniers chargés de cadeaux sont exposés lors de la réception.
Les mariés font leur entrée en grande pompe au rythme d’un orchestre. Les hommes de la famille, vêtus de leurs plus beaux habits, portent l’amariya puis prennent place près de l’avant de la salle.
Pendant la cérémonie, les mariés se donnent du lait et des dattes et procèdent à l’échange des alliances, symboles de la douceur du nouveau chapitre de leur vie.
Tout au long de la soirée, la mariée s’éclipsera plusieurs fois pour changer de tenue.
Les nouveaux époux sont transportés sur une mida, une plateforme circulaire sans toit sur laquelle ils s’assoient sous les acclamations des invités.
Le mariage se conclut par de copieuses quantités de nourriture. La pastilla, un plat qui combine des œufs brouillés, du poulet et un saupoudrage de sucre glace, figure parmi les favoris, aux côtés de plats à base de poulet et d’agneau, suivis de fruits et de crème glacée.
Traduit de l’anglais (original).
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