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Henné, couscous et karakous : dans l’intimité des mariages algériens

Bien qu’il n’existe pas de norme en matière de rituels de mariage d’un bout à l’autre de l’Algérie, de nombreuses régions empruntent des éléments hérités de la royauté et de l’élite historique
La plupart des traditions observées lors des mariages algériens sont héritées de l’élite historique et de la royauté (Illustration/MEE)
La plupart des traditions observées lors des mariages algériens sont héritées de l’élite historique et de la royauté (Illustration/MEE)

Des bijoux aux couleurs chatoyantes qui ornent les tenues de mariage au maquillage soigneusement appliqué sur le visage de la mariée pour éloigner le mauvais œil, de nombreuses traditions observées lors des mariages algériens sont héritées de l’élite historique et de la royauté.  

Aujourd’hui, les traditions nuptiales varient d’un bout à l’autre du pays, les différentes régions apportant leur propre touche à cette occasion et aux nombreuses cérémonies qu’elle implique. 

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Alors qu’à Tlemcen, la mariée porte la chedda, héritée des princesses de la dynastie zianide, à Alger, elle est vêtue d’un karakou, adopté dans les hautes sphères de la société ottomane.

La chedda, qui doit son nom à la forme conique de la coiffe qui l’accompagne, est remplacée dans la capitale par la chéchia, un couvre-chef plat. 

Malgré les nuances, il existe tout de même plusieurs éléments communs à tout le pays qui forment un mariage algérien classique. Après que la femme a accepté la demande en mariage et la dot, la fête peut commencer. 

Cet article fait partie d’une série sur les mariages au Maghreb et au Moyen-Orient.

Le hammam pour purifier les corps

Le hammam, ou bain thermal, a une dimension quasiment sacrée lorsqu’il s’agit de préparer un mariage algérien. Ce rituel symbolise la purification du corps et incarne les vertus de la fertilité et les esprits positifs.

Quel que soit le milieu d’une personne, cette étape de la préparation du mariage est une partie importante de la purification du corps et de l’esprit.

Le bain thermal, ou hammam, est la première étape des rituels de mariage et symbolise la pureté (AFP)
Le bain thermal, ou hammam, est la première étape des rituels de mariage et symbolise la pureté (AFP)

La future mariée s’y baigne et sa peau est exfoliée avec des savons et des huiles de la plus haute qualité. Ses cheveux sont trempés dans des ingrédients nourrissants puis enveloppés.

Cette journée d’opulence et de détente organisée avant le mariage est réservée principalement à la future mariée et à son plus proche entourage. 

Tout aussi intime, la soirée du henné permet à la future mariée de célébrer l’heureux événement avec ses proches avant le début de la procession nuptiale publique. 

Lors de la soirée du henné, des plantes séchées du Gourara sont écrasées avec un pilon, dans le même mortier que celui utilisé pour les noyaux de dattes et les parfums. La poudre est ensuite mélangée à de l’eau et soigneusement appliquée sur les mains et les pieds de la mariée.

Ce rituel est considéré comme une bénédiction et certains pensent que cette tradition remonte à la fille du prophète Mohammed.

La grande escorte

Les festivités du mariage commencent dans le voisinage de la mariée. La parade extravagante qui transporte la mariée de chez elle jusqu’au lieu du mariage ou à la maison du marié symbolise l’alliance entre les deux familles et le début d’un nouveau chapitre. 

Lors de cet événement marquant, on retrouve généralement des chevaux et des chameaux. Dans certaines régions du pays, le marié monte à cheval en guise de rite de passage, tandis que dans d’autres, comme en Kabylie, c’est la mariée qui arrive à cheval. 

Une jeune nomade algérienne dans la peau d’une mariée (AFP)
Une jeune nomade algérienne dans la peau d’une mariée (AFP)

L’un des rituels les plus enthousiasmants pratiqués pendant l’escorte est une tradition équestre appelée fantasia, au cours de laquelle des cavaliers professionnels sur des selles extravagantes tirent des coups de fusil vers le ciel. 

Cet art équestre qui allie performance culturelle et arts martiaux est également pratiqué ailleurs dans la région, notamment en Libye, en Tunisie et en Mauritanie

La tradition de la fantasia remonte aux tribus arabo-amazighes du XVIIe siècle, qui la pratiquaient lors d’assauts de cavalerie et de célébrations. Cette pratique apparaît également au Maroc.  

Certaines mariées trônent majestueusement dans un palanquin aux formes élaborées sur la bosse d’un dromadaire et saluent leurs proches, leurs amis et leur famille. 

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Dans presque toutes les régions, la mariée est dissimulée de la tête aux pieds par un voile durant l’escorte. Elle porte un vêtement ample accompagné d’un voile, appelé hayek. Le hayek est généralement de couleur crème ou blanche. Mais il est traditionnellement de couleur pervenche clair à Bou Saada (oasis au nord du Sahara), bleu pourpre à Laghouat (monts de l’Atlas saharien) et ou encore parsemé de bordeaux à El Oued (nord-est du Sahara). 

Dans le nord de l’Algérie, le marié porte un burnous, une longue cape brune en laine, avec une capuche suffisamment longue pour couvrir le visage. 

En règle générale, la mariée porte également un mendil, un foulard qui descend en cascade le long de son corps et qui est ensuite retiré par le futur époux. Ce moment intime se déroule généralement en privé plutôt que devant les invités. 

La musique est un élément clé de la procession, qui contribue à son ambiance et son atmosphère joyeuses. Des joueurs de hautbois et de tambourin suivent le couple, une tradition appelée hadwa.

Aujourd’hui, la plupart des mariages contemporains poursuivent la procession dans un cortège : la mariée monte dans un véhicule décoré et est suivie par les amis en voiture qui klaxonnent et célèbrent l’heureux événement.

Plusieurs rangées de colliers de perles 

S’il devait y avoir un mot pour décrire les tenues de mariage algériennes, celui-ci serait « royal ».

Les costumes de mariage, tels que la gandoura « fergani » ou le caftan « El Kadi », sont connus pour leurs somptueuses broderies d’or cousues sur du velours. La soie dorée est également populaire parmi les jeunes mariés dans des villes telles que Tlemcen, Alger, Constantine et Annaba. 

L’un des biens les plus précieux de la mariée algérienne le jour de son mariage est le « trousseau de la mariée », qui contient ses bijoux et ses tenues de rechange, pouvant être au nombre de sept.

Une mariée algérienne peut avoir jusqu’à sept tenues différentes, qui mettent en valeur son héritage et rendent hommage à la ville dont elle est originaire (Wikimedia Commons)
Une mariée algérienne peut avoir jusqu’à sept tenues différentes, qui mettent en valeur son héritage et rendent hommage à la ville dont elle est originaire (Wikimedia Commons)

Les biens nuptiaux sont considérés comme faisant partie de la dot (mahr). Mis bout à bout, ils représentent un investissement conséquent et sont considérés comme une sécurité financière.

La rotation des tenues est appelée la tasdira : la mariée arbore des tenues emblématiques qui rendent hommage à sa ville, à ses origines ancestrales et à son héritage. Certaines de ces tenues peuvent même être inspirées de la culture du marié.

Dans les villes de Tlemcen et Mostaganem, certaines mariées portent une fouta, un tissu enroulé autour de la taille dont la couleur et le motif sont uniques. Lorsque la mariée est parée de sa nouvelle tenue, une boule de henné, une teinture naturelle associée aux célébrations, est placée au centre de sa paume et laisse une marque de couleur rouille.

Des Algériennes décorent les mains d’une mariée avec du henné lors de sa cérémonie de mariage (AFP)
Des Algériennes décorent les mains d’une mariée avec du henné lors de sa cérémonie de mariage (AFP)

En matière de bijoux, la complexité est souvent appréciée. À Tlemcen, plusieurs rangées de colliers de perles couvrent toute la poitrine de la mariée, ce qui peut être lourd. Dans des villes comme Tamanrasset, de grands pendentifs triangulaires constituent la pièce maîtresse. 

Dans les mariages traditionnels algériens, l’or est généralement associé aux habitants des villes, tandis que l’argent est lié aux sociétés plus nomades et aux personnes vivant dans un environnement rural. 

Les changements de tenue ne se limitent pas à la mariée, puisque les proches en revêtent également plusieurs. 

Même s’il ne change pas autant de vêtements que la mariée en général, le marié est vêtu de tissus de la plus haute qualité. Habituellement, la djellaba portée par le marié est de couleur blanc cassé ou jaune pâle. À Djanet (extrême sud), les hommes choisissent de porter un bazin blanc, avec un turban décoré d’un dégradé d’indigo. 

Aujourd’hui, l’influence d’autres cultures peut être observée dans les choix vestimentaires. Certains choisissent d’intégrer un smoking à leur assortiment de tenues de mariage, qu’ils associent à des éléments plus traditionnels. 

Délices de mariage 

Dans les mariages algériens, la nourriture est faite pour être partagée. Après la procession resplendissante et quelque peu épuisante, la famille et les amis se réunissent autour d’une pastilla au poulet, une sorte de feuilleté farci aux amandes grillées.

Le couscous est également un plat incontournable des célébrations de mariage, préparé avec amour par un groupe de femmes proches de la mariée. Le plat est souvent accompagné d’un ragoût copieux, qui varie selon la région. 

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Les chants folkloriques sont très présents dans les mariages algériens et des musiciens expérimentés sont invités à prendre part aux festivités. 

Les femmes agitent doucement un mouchoir au son de l’oud et de la musique andalouse. Un style de poésie mélodique appelé melhoun s’est également répandu dans les diverses régions d’Algérie, bien qu’il soit associé aux grandes villes. 

Les chants et les danses sont transmis de génération en génération. L’une des traditions les plus célèbres est celle du rahaba, une danse qui nécessite des battements de tambour rythmés et des paroles chantées de mémoire et à haute voix. 

Souvent, les chants entonnés servent à célébrer le couple de jeunes mariés, à leur adresser des vœux de bonheur ou à louer le prophète Mohammed. De nombreux chants ont des racines arabes ou amazighes, que les familles ont à cœur de commémorer à cette grande occasion. 

Dans les mariages plus modernes, certaines familles choisissent de faire venir un chanteur de raï, un genre musical populaire venu d’Oran, pour se produire à leur mariage, tandis que d’autres préfèrent des airs arabes et touaregs diffusés en fond sonore. 

La musique traditionnelle est un élément clé des mariages algériens et rend souvent hommage à l’héritage du couple (AFP)
La musique traditionnelle est un élément clé des mariages algériens et rend souvent hommage à l’héritage du couple (AFP)

Si les mariages algériens peuvent durer plusieurs jours et nécessiter des semaines de planification laborieuse, il convient également de noter que certains couples choisissent d’organiser un mariage plus discret en signant simplement le contrat de mariage devant leur famille proche. 

Les détails du déroulement d’un mariage en bonne et due forme font souvent l’objet de débats passionnés, mais les traditions et les rituels en question sont préservés depuis des siècles et revêtent une importance particulière pour les familles et la culture du pays. 

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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