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Henné et zaffeh : au cœur d’un mariage traditionnel palestinien

Les noces palestiniennes, qui s’étendent sur plusieurs jours, sont raffinées et pleines de symbolisme. Voici quelques-unes de leurs principales caractéristiques
Les mariages palestiniens sont porteurs de traditions qui se transmettent de génération en génération (illustration : MEE)

La première chose à savoir sur les mariages palestiniens, c’est qu’ils ne se déroulent pas en un jour.

La cérémonie et les traditions qui l’accompagnent ne peuvent être contenues dans un court laps de temps et se prolongent souvent sur plusieurs jours, parfois même une semaine.

Au fil des ans, les mariages palestiniens ont évolué, en particulier pour les nombreux Palestiniens de la diaspora, qui ont pu modifier certaines traditions et en créer de nouvelles. Certaines de ces nouveautés ont voyagé jusqu’en Palestine, où l’on peut percevoir l’influence d’autres pays.

Cependant, de nombreuses pratiques emblématiques continuent de figurer en bonne place dans les mariages de Palestine, où un héritage riche en symboles est transmis de génération en génération.

Ici, dans le premier d’une série d’articles dédiés aux cérémonies de mariage au Moyen-Orient et au Maghreb, Middle East Eye s’invite à un mariage traditionnel palestinien.

Toulbeh

Une tradition rarement altérée, y compris au sein de la diaspora palestinienne, est le toulbeh, qui signifie « demande ». Cette tradition implique que la famille du marié rende visite à la famille de la future épouse pour lui demander officiellement sa main.

Cela peut se produire à tout moment avant le mariage et demeure une première étape essentielle du processus nuptial. La demande en mariage est réservée à un aîné de la famille du marié, et la réponse est également donnée par une figure respectée et plus âgée de la famille de la mariée.

Middle East Eye
La thobe (robe) brodée est un élément important du mariage palestinien (AFP)

Cette cérémonie intime se déroule à la maison, en présence principalement de la famille immédiate des deux parties. Du thé, du café et des pâtisseries traditionnelles moyen-orientales sont servies pour marquer cette première étape de l’heureuse occasion.

Sahra

Entre la formalité initiale consistant à demander la main de la mariée et le jour des noces, il y a du temps pour de nombreuses fêtes et célébrations.

La sahra (soirée en arabe) dure jusqu’aux petites heures du matin en compagnie des amis et des proches des futurs mariés.

Si certaines familles choisissent de la célébrer ensemble et d’autres séparément, la nourriture, la danse et la musique demeurent dans tous les cas des incontournables.

Ce mariage à Acre (Israël) montre des mariés pendant leur zaffeh (MEE/Zeina Abu-Meita)
Ce mariage à Acre (Israël) montre des mariés pendant leur zaffeh (MEE/Zeina Abu-Meita)

Une tradition particulière susceptible d’intriguer est le rasage public du marié.

Il a lieu pendant la sahra, durant laquelle les proches du marié le rasent de près devant les nombreux invités, qui applaudissent et chantent. L’idée sous-jacente est que le marié se retrouve avec une peau éclatante et l’air immaculé le jour de ses noces.

Henné

Cette composante typique du mariage palestinien est réservée uniquement aux femmes. La cérémonie du henné, qui réunit les amies et parentes les plus proches de la famille de la mariée, a généralement lieu lors de la sahra ou peut bénéficier d’une journée dédiée.

Aujourd’hui, le henné est parfois incorporé dans la fête prénuptiale, durant laquelle les femmes se rassemblent et chantent des chansons arabes traditionnelles qui expriment la joie, l’amour et la fête.

La nuit du henné permet aux femmes de se lier d’amitié lors de la fabrication de la pâte, laquelle est étalée sur un plateau et ornée de fleurs, avant d’être recueillie et appliquée sur les mains de la mariée.

Un couple de jeunes mariés participe à la cérémonie du henné (MEE/Hosam Salem)
Un couple de jeunes mariés participe à la cérémonie du henné (MEE/Hosam Salem)

Les femmes s’assoient en cercle et se décorent mutuellement les mains, les bras et les pieds avec la pâte de henné, formant des motifs complexes avant de la laisser sécher. Pour les Palestiniens, cette teinture naturelle, qui révèle une couleur rouille vif une fois sèche, représente le lien des êtres avec la terre et les occasions joyeuses.

Cette tradition ancienne, que l’on retrouve dans plusieurs autres cultures, permet également aux femmes de la famille de faire des préparatifs et des décorations pour le mariage – et d’avoir une fête ultime, dédiée spécifiquement à la mariée, avant les noces.

Nesreen Alkam, une jeune mariée de Ramallah, en Cisjordanie occupée, écrit ses initiales au henné sur les mains de son nouvel époux (MEE/Facebook)
Nesreen Alkam, une jeune mariée de Ramallah, en Cisjordanie occupée, écrit ses initiales au henné sur les mains de son nouvel époux (MEE/Facebook)

Avant que les mariés ne pénètrent dans leur nouvelle maison, certains appuieront leurs mains recouvertes de henné sur le cadre de la porte avant de franchir le seuil pour encourager la chance et les bénédictions.

Gastronomie

Ce n’est un mariage palestinien authentique que si la quantité de nourriture servie pourrait alimenter une petite nation.

Dans de nombreuses régions de Cisjordanie, le mansaf est le plat traditionnellement servi lors des grands événements, qu’ils soient heureux ou malheureux. Le mansaf est préparé différemment selon la région, mais il se compose généralement de morceaux d’agneau servis sur un dôme de riz, lui-même recouvert d’une couche de pain.

Le mansaf est habituellement accompagné de yaourt ou de jamid, un yaourt fermenté jordano-bédouin à base de lait de chèvre.

Le mansaf est partagé entre amis, membres de la famille et invités lors d’occasions spéciales (Reuters)
Le mansaf est partagé entre amis, membres de la famille et invités lors d’occasions spéciales (Reuters)

Le fattah, un aliment qui évoque la fête dans tout le Moyen-Orient, est également un incontournable des mariages palestiniens.

Un autre favori, originaire d’Hébron, est le qidra, qui signifie « pot ». Ce plat, qui se compose de riz, d’agneau et de pois chiches, est assaisonné avec de la muscade, de la cannelle, de la cardamome, de l’ail, des clous de girofle et du citron vert, ce qui lui donne une saveur vive.

Le qidra est généralement fabriqué dans un pot en argile et cuit dans un four à bois en grande quantité de manière à pouvoir nourrir la famille élargie et les amis. Pour accentuer la dimension festive une fois la nourriture cuite, le pot est ouvert de manière spectaculaire, laissant son arôme se répandre avant d’être consommé.

Tatriz

La thobe (robe traditionnelle) richement brodée constitue un aspect fondamental des mariages palestiniens, reflétant le patrimoine de la mariée.

Bien que la broderie soit largement présente dans les vêtements et l’artisanat palestiniens, les motifs les plus ornés sont consacrés au mariage.

Certains des dessins qui ornent les robes honorent la ville natale de la mariée, tandis que d’autres motifs et symboles sont dotés d’une signification particulière. Des pièces de monnaie, des bijoux et des tissus somptueux sont également incorporés dans les créations, qui sont souvent conçues à la main par les femmes de la famille.

La fabrication de la thobe brodée de la mariée peut commencer des mois voire des années avant le jour du mariage.

Musique, zaffeh et dabkeh

L’une des caractéristiques les plus distinctives d’un mariage palestinien est la zaffeh, ou marche nuptiale. Il s’agit d’une procession durant laquelle des chanteurs, musiciens, danseurs et invités accompagnent le cortège matrimonial : ils peuvent escorter le marié jusqu’à la maison de sa future épouse, ou le couple jusqu’à l’église ou la mosquée.

Dans les mariages plus modernes, une zaffeh marquera l’entrée des mariés dans la salle de mariage.

Tout au long de la cérémonie nuptiale, des chansons honorent la mariée et expriment la joie du jeune couple. Beaucoup commémorent également la Palestine, sa culture et son patrimoine.

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Le sahjih est une danse particulièrement populaire parmi les hommes à cette occasion. Pendant la danse, lors de laquelle les participants sont alignés, un chanteur entonnera un couplet qui fait l’éloge du marié, tandis que les invités et autres danseurs lui répondront, faisant écho à ses paroles.

La dabkeh, une danse énergique pratiquée lors de célébrations sur fond de chansons folkloriques palestiniennes, est également au cœur du mariage. Dansée à la fois en cercle et en ligne, elle nécessite un jeu de jambes habile et présente de nombreuses variations en fonction de la région d’origine de la famille.

La zaghrouta (ou youyous), le son de célébration émis par les femmes, marque également les mariages palestiniens – comme de nombreuses unions au Moyen-Orient et au Maghreb. Ce son puissant sert à animer les invités.

Dans certaines régions de la Palestine, les femmes participent en outre à une cérémonie des bougies, durant laquelle elles exécutent une danse spéciale où elles se transmettent des bougies allumées, symboles de joie et de lumière.

Frad

À la fin du mariage, la mariée ira généralement vivre avec son époux dans leur nouvelle maison.

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Cependant, les traditions se poursuivent après le jour du mariage en tant que tel car, selon la coutume, la mariée rend visite à sa famille une semaine plus tard pour un dîner appelé le frad.

Les proches du marié assistent également au dîner, ce qui offre aux deux familles une occasion supplémentaire de tisser des liens.

Assister à un mariage palestinien, c’est être témoin d’un microcosme de la culture palestinienne et de tout ce qui lui est cher : la famille, l’amour, la musique, la communauté et la terre.

Comme le dit le poète Moussa Hafidh : « Si les mariages palestiniens venaient à s’arrêter, notre héritage prendrait fin. »

Traduit de l’anglais (original).

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