Rita L’Oujdia, l’artiste qui met le Maroc sur la carte mondiale de la musique
Hors des caméras, Rita L’Oujdia, une artiste née au Maroc qui a grandi en France, s’est empressée d’attraper son maillot de l’équipe nationale marocaine.
S’exprimant depuis son domicile londonien, la chanteuse de 21 ans a été emportée par la percée spectaculaire réalisée par les Lions de l’Atlas lors de la Coupe du monde, même si leur parcours s’est arrêté en demi-finale contre leur ancienne puissance coloniale.
« J’étais au Maroc et j’ai dansé, j’ai crié, j’étais avec les gens », raconte la chanteuse à Middle East Eye. « Nous avons tissé des liens si forts et nous étions si fiers. Je voulais tellement que la France perde. »
Si le rap égyptien et la musique indépendante libanaise ont attiré l’attention du monde entier, une nouvelle vague d’artistes marocains est aujourd’hui sous les feux de la rampe.
« Il était temps », confie Rita L’Oujdia.
L’histoire de Rita L’Oujdia avec la musique a commencé très jeune : celle qui a fréquenté une école de musique dès l’âge de 4 ans a grandi en admirant les artistes prometteurs de son pays et en s’inspirant d’eux.
Elle a appris seule à jouer du piano et de la guitare
« On a toujours eu le talent au Maroc. Les gens qui sont connus maintenant, ils font ça depuis longtemps. Le Maroc est tellement diversifié et riche sur le plan culturel, il est selon moi naturel de voir émerger cette nouvelle scène musicale », soutient-elle.
Comparable à la star espagnole Rosalía ou à l’artiste argentine Nathy Peluso, Rita L’Oujdia fait elle-même partie de cette nouvelle vague d’artistes prêts à placer le Maroc sur la carte mondiale de la musique, un moment auquel elle se prépare depuis toujours.
Durant son enfance à Lyon, où ses parents l’ont élevée avec son frère aîné, elle s’enregistrait en train de chanter sur le téléphone de sa mère. Elle a appris seule à jouer du piano et de la guitare à l’aide de tutoriels sur YouTube.
Rita L’Oujdia a fréquenté une école de musique dès son plus jeune âge, devenant ainsi la première de sa famille à entreprendre une démarche artistique scolaire.
À l’école, elle a volontairement choisi de pratiquer d’un instrument que nombre de jeunes écoliers redoutent : la flûte à bec.
« J’adore cet instrument », confie-t-elle en souriant. « J’ai voulu faire de la flûte à bec parce que mon père en pratiquait et jouait des mélodies arabes à l’oreille. »
L’héritage de Rita L’Oujdia inspire une grande partie de son travail et constitue pour elle une grande source de fierté.
Son amour pour le Maroc transparaît à travers sa musique et son quotidien : la chanteuse insuffle à ses mélodies sa propre identité, repoussant ainsi les limites de la créativité.
Mais elle s’identifie également aux sentiments de nombreuses personnes vivant dans la diaspora, qui peuvent parfois avoir l’impression de ne pas être « assez » imprégnés de leur propre identité culturelle.
« Je n’ai pas eu beaucoup d’amis maghrébins dans mon enfance, il y avait beaucoup de Français blancs », dit Rita.
« Lorsque je retournais au Maroc quand j’étais enfant, j’étais toujours considérée comme pas assez marocaine. Les Français, ils choisissent. Parfois, je suis l’incarnation de la France et d’autres fois, je suis la femme la plus arabe qu’ils aient jamais rencontrée. J’ai toujours été perçue différemment, ça ne me plaisait pas. »
Ce sentiment a en partie influencé le nom de scène de la chanteuse, Rita L’Oujdia. Oujda, dont sa famille est originaire, est une ville du nord-est du Maroc, à la frontière avec l’Algérie. En choisissant ce nom, elle renforce explicitement et délibérément sa marocanité, sans se demander si elle est ou non « assez marocaine » – elle l’est déjà.
Chanteuse polyglotte
À bien des égards, cette immense fierté à l’égard de sa propre culture a été le point de départ de sa fascination pour d’autres cultures, langues et genres.
La chanteuse polyglotte peaufine sa maîtrise des langues dans ses textes tout en mêlant de manière réfléchie des éléments musicaux culturels issus de diverses communautés à travers le monde.
« J’ai toujours voulu apprendre plus de langues et c’est tellement lié à la musique », confie-t-elle. « La musique me fait apprendre des langues, c’est sûr. »
Particulièrement fascinée par la musique latine et espagnole, la jeune chanteuse allait tous les ans en vacances avec sa famille à Oropesa Del Mar, près de Valence (Espagne).
Son dernier titre, Mujer Cobra, mêle des éléments de reggaeton, de flamenco, de chaabi marocain et de raï dans une seule et même chanson, où elle alterne sans transition entre espagnol et darija marocain.
Dans beaucoup de ses chansons, la chanteuse emploie un mélange d’anglais, d’arabe, d’espagnol et de français, parfois même toutes ces langues à la fois.
C’est ainsi que la chanteuse, qui se décrit comme « un mélange de cultures », affirme être fidèle à elle-même.
Malgré son talent pour le chant multilingue et sa capacité à tisser des liens entre différentes cultures dans sa musique, Rita L’Oujdia veille à se concentrer sur la représentation de son héritage marocain.
Elle affirme travailler sur l’ajout de paroles en arabe dans ses chansons.
« Je veux voir un jour quelqu’un de Caroline du Nord chanter des paroles en darija »
– Rita L’Oujdia, chanteuse
« Quand j’ai commencé à penser à changer mon style de musique et d’écriture en y mettant plus de marocanité, l’objectif était vraiment de représenter la culture marocaine et notre langue, de montrer cela. »
Outre son succès sur YouTube, Rita L’Oujdia a également réussi à s’imposer dans un espace largement dominé par les hommes.
Elle rêve de collaborer avec le rappeur hispano-marocain Morad et l’icône pop libanaise Nancy Ajram. Et pour approfondir sa passion pour le mélange des styles musicaux internationaux, elle aspire à combiner bossa nova brésilienne et darbouka, ou encore reggaeton et raï.
Mais son objectif principal sera toujours de diffuser la culture marocaine aussi loin que possible.
« Je veux voir un jour quelqu’un de Caroline du Nord chanter des paroles en darija. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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