Menacé de se voir retirer la nationalité française, l’activiste Kemi Seba accuse l’État français d’être « négrophobe »
« Personne ne va mendier la nationalité [française]. Le gouvernement [français] atteste que les Africains, contrairement à tous les autres, dès lors qu’ils disent ce qu’ils pensent et qu’ils veulent obtenir leur souveraineté, deviennent des menaces pour les intérêts du gouvernement, pas du peuple, mais du gouvernement français. »
Sur le plateau de RT (chaîne présentant un point de vue russe) vendredi 1er mars, le Franco-Béninois Kemi Seba, qui se présente comme un « militant panafricain », a commenté la décision de Paris de lancer à son encontre une procédure pour que la nationalité française lui soit retirée.
Stellio Gilles Robert Capo Chichi, son vrai nom, est né à Strasbourg le 9 décembre 1981 de parents français d’origine béninoise. Il avait obtenu la nationalité française à la naissance.
DÉCHÉANCE DE LA NATIONALITÉ 🇫🇷 : « C’EST POUR NOUS UNE DÉCORATION DE GUERRE, ET JE NE MENDIERAI PAS POUR GARDER LEUR NATIONALITÉ»🙌🏾✊🏾 pic.twitter.com/iyNN4bcg1k
— Kemi Seba Officiel (@KemiSeba1) March 1, 2024
L’activiste a publié sur Facebook le courrier envoyé par le ministère de l’Intérieur, daté du 9 février 2024.
Dans cette lettre, Cédric Debons, sous-directeur de l’accès à la nationalité française, explique : « Des éléments portés à ma connaissance, il ressort ainsi qu’installé depuis 2017 au Bénin, après avoir vécu au Sénégal, vous vous livrez, depuis plusieurs années, à divers agissements destinés à attiser, dans les pays d’Afrique de l’Ouest, un sentiment anti-français. »
Il est par exemple reproché à Kemi Seba, « sous couvert de prises de position hostiles à la politique étrangère du pays », de « diffuser des messages […] outranciers contre la France, ses représentants et ses forces militaires » ou encore d’« organiser ou de participer à des manifestations et conférences à l’occasion desquelles » sont diffusés « des messages hostiles à la France, critiquant la présence française en Afrique », la qualifiant de « néocolonialisme ».
Une « guerre politique entre colons et colonisés »
Au nom de cette « posture constante et actuelle résolument anti-française, susceptible de porter gravement atteinte aux intérêts français et de nature à caractériser une déloyauté manifeste » à l’égard de la France, le responsable l’informe de l’engagement d’une procédure pour « perte de la nationalité française au sens de l’article 23-7 du code civil ».
Ce dernier dispose que « le Français qui se comporte en fait comme le national d’un pays étranger peut, s’il a la nationalité de ce pays, être déclaré, par décret après avis conforme du Conseil d’État, avoir perdu la qualité de Français ».
Cette démarche peut permettre de retirer sa nationalité française à un binational, même s’il est né Français.
Kemi Seba s’est fait connaître en tant que fondateur et porte-parole de plusieurs organisations accusées de développer des thèses suprémacistes noires.
Il a notamment créé la Tribu Ka, groupuscule ouvertement antisémite dont l’objectif revendiqué était « de remettre le peuple dit ‘’noir’’ là où il aurait toujours dû être, c’est à dire à la tête de l’humanité ». Il a été dissout en 2006 par le ministère de l’Intérieur.
Depuis 2017, avec son ONG Urgences panafricanistes, qui dit lutter contre le néocolonialisme français, il dénonce le franc CFA et le manque de souveraineté monétaire qui touche les pays utilisant cette devise, à travers des manifestations politiques dans l’ensemble des pays de l’Afrique francophone.
« Le gouvernement français, dépassé par le succès de notre combat anticolonialiste auprès des masses africaines et diasporiques, craque, et dans un réflexe négrophobe désespéré dont il a le secret, veut, en réaction, me retirer la nationalité française [et ainsi m’interdire de circuler auprès de la diaspora en Europe et surtout aux Antilles] », a réagi celui qui se considère comme « l’une des voix politiques africaines les plus populaires de son temps » et promet de « prochaines séquences » à « cette guerre politique entre colons et colonisés ».
L’activiste dispose d’un mois pour faire adresser d’éventuelles observations au ministère de l’Intérieur.
Passé ce délai, le ministère saisira le conseil d’État en vue d’obtenir son avis sur la proposition de perte de nationalité française. L’avis du conseil d’État est nécessaire pour prononcer la perte de nationalité d’un ressortissant français.
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