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Trois instruments de musique dont vous ignoriez l’origine moyen-orientale

Le Moyen-Orient possède un riche patrimoine musical et peut se targuer d’avoir inventé certains des instruments les plus célèbres au monde
Des musiciens jouent de la cornemuse lors d’une cérémonie marquant la bataille de la Somme pendant la Première Guerre mondiale (AFP)
Des musiciens jouent de la cornemuse lors d’une cérémonie marquant la bataille de la Somme pendant la Première Guerre mondiale (AFP)

En matière de patrimoine musical, l’importance du Moyen-Orient ne fait aucun doute, et la gamme musicale de la région semble infinie, des chansons orchestrales d’Oum Kalthoum aux sonorités brutes et tumultueuses du mahraganat.

Et ce patrimoine musical n’est en aucun cas une nouveauté ou une importation de l’étranger : au Moyen-Orient, la musique a une longue histoire.

La composition musicale la plus ancienne au monde qui ait survécu dans son entièreté, l’épitaphe de Seikilos, chanson grecque du Ier siècle de notre ère, a été trouvée dans un cimetière de l’actuelle Turquie.

Plus ancien encore est l’hymne à Nikkal (aussi connu sous le code h.6), vieux de 3 500 ans et probablement joué pour la première fois dans une région qui couvre maintenant le Proche-Orient et le Sud de la Turquie.

La plus ancienne preuve de notation musicale se trouve également dans la région, sur des tablettes d’argile sumériennes datant d’environ 6 000 ans.

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Avant l’islam, la poésie était souvent chantée par des nomades parcourant de longues distances à dos de chameaux, tandis qu’après, les musulmans ont incorporé des instruments tels que les percussions dans le cadre des célébrations et des préparatifs de bataille.

Plusieurs grands érudits de l’islam étaient également musiciens, dont al-Farabi, un philosophe qui a écrit sur la théorie musicale, et al-Ghazali, qui a observé les bienfaits thérapeutiques de la musique, tout en mettant en garde contre une écoute excessive.

« Par conséquent, le plaisir et le divertissement sont des remèdes du cœur contre l’épuisement, ils doivent donc être autorisés », a écrit le grand érudit persan.

Dès lors, il n’est pas surprenant que plusieurs instruments de musique aient été inventés dans la région.

Ici, Middle East Eye en examine trois dont les origines moyen-orientales vous surprendront peut-être :

La cornemuse

Habituellement repérée aux côtés d’hommes vêtus de tartans et de kilts, la cornemuse fait désormais partie intégrante de la culture écossaise.

Si plusieurs théories existent sur la façon dont l’instrument aurait atteint le pays depuis son lieu de naissance au Moyen-Orient, de nombreux historiens s’accordent à dire que ce sont les envahisseurs romains qui l’ont apporté après avoir conquis certaines régions de la Grande-Bretagne au Ier siècle de notre ère.

La première référence à cet instrument se trouve en Égypte, dès 400 avant notre ère. À l’époque, les premières cornemuses étaient faites en peau et ossements de chien.

Bien qu’elle soit largement associée à l’Écosse, la cornemuse est en fait originaire du Moyen-Orient (AFP)
Bien qu’elle soit largement associée à l’Écosse, la cornemuse est en fait originaire du Moyen-Orient (AFP)

D’autres récits suggèrent que la cornemuse aurait été utilisée pour la première fois à Alacahöyük, en Anatolie, vers 1000 avant notre ère.

Historiquement, cependant, la cornemuse est un instrument associé à l’Égypte. Elle est mentionnée par le dramaturge grec Aristophane (Ve siècle avant notre ère) : « Vous les joueurs de cornemuse qui êtes ici de Thèbes, avec des tuyaux en os soufflez le postérieur d’un chien. »

En Grèce, l’instrument portait le nom de « piovala » et était évoqué dans la littérature. Il sera plus tard représenté sur des pièces de monnaie romaines.

Des joueurs de cornemuse faisant partie d’un orchestre militaire jordanien répètent avant une cérémonie à l’aéroport de Marka à Amman (AFP)
Des joueurs de cornemuse faisant partie d’un orchestre militaire jordanien répètent avant une cérémonie à l’aéroport de Marka à Amman (AFP)

Bien que la cornemuse ait pris plusieurs formes depuis, le principe est demeuré le même.

Pour fonctionner, la poche de l’instrument sert de réservoir hermétique pour retenir l’air qui y est insufflé. L’instrument comporte en outre un chalumeau – la partie de la cornemuse qui crée la mélodie – et un ou plusieurs bourdons, les cylindres en bois qui accordent l’instrument.

Dans l’Égypte ancienne, les cornemuses étaient fabriquées avec un seul bourdon et un seul chalumeau. Un deuxième bourdon a été ajouté vers les années 1500 et un troisième dans les années 1700, ce qui a ouvert la voie aux cornemuses que nous connaissons aujourd’hui.

Au fur et à mesure de l’expansion de l’Empire britannique, la cornemuse s’est répandue dans le monde entier et une partie de la popularité contemporaine de l’instrument pourrait être due au grand nombre de joueurs de cornemuse formés pour le service militaire pendant les guerres mondiales.

Le tambourin

Le tambourin est constitué d’une peau de tambour tendue sur un cadre circulaire en bois où sont disposés des disques métalliques circulaires qui viennent se heurter les uns contre les autres, produisant un son de cliquetis caractéristique.

Si l’origine exacte de l’instrument est sujette à débat, un consensus existe autour de l’idée selon laquelle il serait apparu pour la première fois au Moyen-Orient.

Les archéologues ont également mis au jour de petites figurines et des statues sumériennes représentant des femmes tenant des tambourins, datant d’aussi loin que 2000 avant notre ère.

Les anciens Égyptiens et Assyriens utilisaient également l’instrument lors de cérémonies religieuses, fournissant le rythme des danses rituelles.

Instrument de percussion polyvalent – utilisé même par Mozart –, le tambourin apparaît également dans certains des textes religieux les plus sacrés de la région.

Un homme joue du tambourin devant l’échoppe d’un couturier à Mossoul, en Irak (AFP)
Un homme joue du tambourin devant l’échoppe d’un couturier à Mossoul, en Irak (AFP)

Dans le livre de l’Exode, la sœur aînée de Moïse, Miriam, est décrite comme jouant du tambourin pour célébrer la fuite des Israélites d’Égypte. D’autres mentions de l’instrument dans la Bible l’associent aux occasions joyeuses et aux célébrations.

L’instrument a ensuite fait son chemin vers l’Europe avec le retour des croisés au XIIIe siècle, où il était joué principalement par les femmes pour les divertissements du soir.

Plus tard dans les années 1800, l’instrument a été utilisé dans les orchestres militaires, en particulier au Royaume-Uni et aux États-Unis lors de rassemblements et de défilés.

Compte tenu de sa conception simple, l’instrument a développé de nombreuses variantes au cours des siècles, mais l’idée essentielle reste toujours fidèle à ses anciennes origines moyen-orientales.

Le luth

Ressemblant légèrement à une guitare, le luth est un instrument à cordes doté d’un dos incurvé, profond, rond et creux. Chaque corde de l’instrument est attachée à une cheville qui permet au joueur de resserrer ou de desserrer la tension, créant une note spécifique.

On pense que le nom « luth » dérive du mot arabe « al-oud », qui fait référence au bois utilisé pour fabriquer l’instrument.

Très populaire à travers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à ce jour, la référence au bois dans son nom sert à distinguer le luth d’instruments similaires fabriqués à partir de peaux d’animaux.

Ali Khalifeh, luthier, ajuste les cordes d’un luth dans un magasin de Damas, la capitale syrienne, le 17 juillet 2017 (AFP)
Ali Khalifeh, luthier, ajuste les cordes d’un luth dans un magasin de Damas, la capitale syrienne, le 17 juillet 2017 (AFP)

Descendant de l’ancienne Mésopotamie il y a environ 5 000 ans, cet instrument polyvalent, apprécié pour ses sonorités harmoniques, a fait son chemin vers l’Europe avec la conquête musulmane de l’Espagne au VIIIe siècle.

À partir du XIVe siècle, il était suffisamment populaire pour apparaître fréquemment sous ses différentes formes dans la peinture.

Antoun Tawil, l’un des derniers luthiers traditionnels de Syrie, montre une collection de luths (AFP)
Antoun Tawil, l’un des derniers luthiers traditionnels de Syrie, montre une collection de luths (AFP)

Il a connu une chute de popularité à la Renaissance en raison de l’essor de nouveaux instruments à cordes comme la guitare et la basse.

Alors que ses sonorités apaisantes continuent de faire du luth un incontournable de la musique de la région, le développement des services de streaming sur internet a permis sa réintroduction auprès du public européen.

Traduit de l’anglais (original).

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