Cisjordanie : Israël bombarde Jénine lors d’une campagne militaire à grande échelle

Israël a lancé ce lundi matin une campagne militaire à grande échelle dans la ville de Jénine en Cisjordanie occupée, menant des frappes aériennes sur plusieurs bâtiments pendant que des véhicules blindés avançaient vers le camp de réfugiés.

Au moins 8 Palestiniens ont été tués et 50 autres blessés, selon le ministère palestinien de la Santé. 

Selon les médecins, le nombre de victimes pourrait être plus élevé parce qu’il y a un grand nombre de blessures graves et que les ambulanciers ne sont pas en mesure d’atteindre certaines zones car ils sont bloqués par les bulldozers israéliens.

Selon les médias locaux, un responsable de l’hôpital gouvernemental de Jénine a déclaré : « Nous n’avions pas connu ce nombre de blessés graves depuis 2002. »

L’opération a commencé vers 1 h heure locale (23 h GMT) lorsque plusieurs maisons de Jénine ont été bombardées depuis les airs. Au moins dix frappes de drones ont été réalisées selon l’armée israélienne.

Un habitant de Jénine a déclaré à Middle East Eye que les bâtiments bombardés appartenaient à des civils, notamment le Freedom Theatre, un centre culturel populaire de la ville.

Mahmoud al-Saadi, directeur du Croissant-Rouge palestinien à Jénine, a déclaré à l’AFP qu’il y avait « des bombardements aériens et une invasion depuis le sol ».

« Plusieurs maisons et sites ont été bombardés... de la fumée s’élève de partout. »

Traduction : « Scènes de frappes aériennes israéliennes sur le camp de réfugiés de Jénine ! »

Hafeth Abu Sabra, un témoin oculaire du camp de réfugiés de Jénine, a décrit à MEE des scènes d’horreur dans les rues de la ville.

Il raconte que les forces israéliennes détruisent les infrastructures et les biens publics alors que des tireurs d’élite sont stationnés à l’intérieur de véhicules blindés et sur les toits, tirant à balles réelles sur des Palestiniens non armés se tenant près de l’entrée du camp.

« Deux civils ont été directement touchés devant moi », déclare-t-il à MEE alors que des bruits de tirs de tireurs d’élite sont entendus en arrière-plan pendant l’entretien.

Selon lui, l’un d’entre eux a été grièvement blessé à la tête par la balle d’un tireur d’élite et est probablement mort en se rendant à l’hôpital, bien que les autorités sanitaires palestiniennes n’aient pas confirmé son décès.

« Il se tenait juste debout et ne faisait rien. Il n’était pas armé et ne lançait même pas de pierres sur les véhicules blindés », déclare Abu Sabra.

Il ajoute que les entrées et les ruelles du camp sont assiégées de toutes parts, rendant les déplacements très difficiles pour les civils coincés à l’intérieur.

L’armée israélienne a déclaré dans un communiqué qu’elle menait un « effort antiterroriste ciblé » et « étendu » dans la région de Jénine.

Le porte-parole de l’armée, Daniel Hagari, a déclaré aux médias qu’ils « n’étaient pas venus occuper le camp de réfugiés » et que l’opération ne visait pas l’Autorité palestinienne (AP).

Une source militaire a indiqué que plus de 1 000 soldats étaient impliqués dans l’opération, dont des membres de l’armée de terre et de l’armée de l’air, selon le site d’information israélien Walla.

Les Brigades de Jénine, le groupe armé le plus important de la ville créé en 2021, ont déclaré dans un communiqué qu’elles répondaient par une contre-opération visant à stopper l’avancée israélienne à Jénine.

De violents affrontements armés et de fortes explosions ont été entendus dans toute la ville, y compris dans le camp de réfugiés de Jénine, alors que les troupes israéliennes encerclaient la zone.

Traduction : « Le moment où un explosif a détoné en visant un bulldozer de l’armée israélienne. »

Plusieurs engins explosifs posés par des Palestiniens ont explosé, ciblant probablement des véhicules de l’armée israélienne. Aucune victime israélienne n’a été signalée.

Les médias locaux ont déclaré que des bulldozers blindés israéliens avançaient vers le camp de réfugiés de Jénine, détruisant les rues pour les débarrasser des bombes potentielles posées sur les bords des routes. Des chars israéliens ont été repérés à la périphérie de Jénine.

Des civils non armés sont également descendus dans les rues pour affronter les troupes israéliennes, brûlant des pneus et jetant des pierres sur des véhicules de l’armée.

Un correspondant de MEE sur place rapporte que ces scènes rappellent l’invasion israélienne de Jénine en 2002, au plus fort de la deuxième Intifada, qui a fait plusieurs dizaines de morts côté palestinien et détruit une grande partie de la ville.

Traduction : « Les bulldozers israéliens continuent de détruire les rues et les véhicules autour et à l’intérieur du camp de Jénine en Cisjordanie occupée. »

Les factions palestiniennes ont condamné l’opération et déclaré qu’Israël était responsable de l’escalade.

Le Commandement conjoint palestinien, un groupe de coordination des factions armées à Gaza, a publié une déclaration assurant que la résistance palestinienne « partout » ne « permettra[it] pas » à Israël d’isoler Jénine par ses attaques.

« La nature de la réponse de la résistance palestinienne sera déterminée par la conduite de l’occupation et l’ampleur de l’opération », peut-on lire dans le communiqué.

Selon la radio de l’armée israélienne, cette dernière a déployé le Dôme de fer en prévision d’éventuelles roquettes en provenance de Gaza ou du Liban.

Le porte-parole du président palestinien, Nabil Abu Rudeineh, a accusé Israël dans un communiqué de commettre un « nouveau crime de guerre contre notre peuple sans défense ».

Le vice-gouverneur de Jénine, Kamal Abu el-Rub, a pour sa part rappelé que les Palestiniens étaient les propriétaires légitimes de la terre et avaient donc le droit de se défendre contre toute attaque israélienne.

« La volonté du peuple palestinien sera toujours plus grande que les crimes de l’occupation israélienne », a-t-il affirmé à MEE.

De son côté, le ministre israélien de la Défense, Yoav Galant, a prévenu : « Nous adopterons une approche offensive contre le terrorisme. Quiconque nuit aux citoyens d’Israël paiera un lourd tribut. »

Au cours des deux dernières années, Israël a multiplié les raids meurtriers sur Jénine, tuant plus de 100 Palestiniens dans cette ville du nord de la Cisjordanie depuis 2022.

Le dernier raid, il y a deux semaines, a causé la mort d’au moins six personnes mais s’est heurté à une résistance acharnée côté palestinien, laquelle a obligé l’armée à déployer des hélicoptères d’attaque Apache pour évacuer des véhicules militaires coincés pendant des heures dans une embuscade tendue par des combattants locaux.

Deux jours plus tard, un drone israélien a tué trois Palestiniens près de Jénine, première attaque aérienne en Cisjordanie occupée en près de vingt ans.

Le camp de Jénine, qui se trouve au cœur de la ville, s’étend sur un demi-kilomètre carré et abrite quelque 13 000 réfugiés.

En 2002, Israël a lancé une campagne militaire de dix jours dans la ville qui a causé la mort d’au moins 52 Palestiniens et dévasté son camp de réfugiés, détruisant des centaines de maisons appartenant à des civils et déplaçant des milliers de personnes.

Tariq Zaid, un journaliste de Jénine, explique à MEE que bien que l’opération d’aujourd’hui soit de grande ampleur, la situation est légèrement différente de ce qu’elle était en 2002.

« En 2002, Israël savait que l’invasion conduirait à l’effondrement de l’Autorité palestinienne et, à l’époque, elle voulait éliminer l’AP parce qu’elle considérait que Yasser Arafat faisait partie de la résistance », développe-t-il.

Aujourd’hui, en revanche, Israël ne souhaite par l’effondrement de l’AP.

Zaid ajoute que la résistance palestinienne à Gaza et au Liban doit également être prise en considération par Israël pour déterminer l’ampleur des attaques à Jénine.

« Ce gouvernement [israélien] veut se débarrasser des Palestiniens, mais ils ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent car ils tiennent compte de de la résistance à Gaza, ce qui devrait les faire réfléchir avant toute action susceptible de provoquer une réaction de ce front. »

Lubna Masarwa a contribué à cet article.

Traduit de l’anglais (original).