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Palestine : de nombreux Français partent combattre contre le Hamas aux côtés d’Israël

La question de la complicité de ces Français dans les exactions de l’armée israélienne est à nouveau à l’ordre du jour alors que nombre d’entre eux quittent l’Hexagone pour participer aux combats contre les groupes armés palestiniens à Gaza
Un soldat israélien à bord d’un véhicule blindé alors que l’armée prend position près de la frontière avec Gaza, dans le sud d’Israël, le 9 octobre 2023 (AFP/Jack Guez)
Par MEE

Alors qu’Israël s’est officiellement déclaré en état de guerre depuis l’attaque de grande envergure lancée par le Hamas palestinien depuis Gaza le samedi 7 octobre, des milliers de réservistes sont mobilisés pour rejoindre les unités blindées dans le sud de pays, qui devraient prendre part à l’attaque terrestre annoncée contre la bande côtière sous blocus.

Selon Daniel Hagari, porte-parole de l’armée israélienne, près de 300 000 réservistes ont été appelés en soutien. Parmi eux, de nombreux Français disposant aussi de la nationalité israélienne qui ont commencé à quitter l’Hexagone, selon plusieurs médias locaux et internationaux.

C’est le cas de David, jeune réserviste de 20 ans, interrogé à l’aéroport de Paris Charles-de-Gaulle par BFMTV, qui se dit prêt à « protéger [son] pays et les gens d’Israël » et à « honorer [son] serment ».

Ou encore de ce jeune homme âgé de 22 ans interrogé par le média 20 Minutes, qui, sous le couvert de l’anonymat, affirme qu’il n’a pas hésité « une seule seconde ». « Je ne pouvais pas laisser ma famille et mes amis là-bas, je culpabilisais, j’avais l’estomac noué. Je dois les protéger. »

Selon le Times of Israel, les dizaines de milliers de volontaires sur place font cependant face à des pénuries de matériels ou des équipements vétustes. Parmi les plaintes rapportées par le journal israélien, il manque par exemple des plaques de céramiques visant à empêcher les balles de traverser les gilets pare-balles.

Le porte-parole de l’armée Daniel Hagari a toutefois démenti toute pénurie, indiquant qu’il s’agissait d’un « problème de logistique ».

Complicité

Ce nouveau cycle de violence entre Israéliens et Palestiniens a remis à l’ordre du jour la question de la complicité de ces Français dans les exactions de l’armée israélienne.

Une parlementaire de La France insoumise (LFI, gauche radicale), la députée des Hautes-Pyrénées Sylvie Ferrer, a ainsi interrogé, ce mardi 10 octobre, lors des questions à l’Assemblée nationale, le Garde des sceaux concernant la participation de Français dans l’armée israélienne via un volontariat civil.

« Ces programmes font l’objet de publicité sur le territoire hexagonal, comme lors de leur présentation le 26 mai 2017 à la grande synagogue de la Victoire à Paris par un officier de Tsahal [l’armée israélienne]. Par ailleurs, il existe un certain nombre d’associations et de groupements de soutien qui permettent le transfert de dons français aux soldats de Tsahal. Ils bénéficient de par leur statut de déductions fiscales », a-t-elle écrit, dénonçant l’implication de Français dans « les actes illégaux de l’armée israélienne » et le « silence » de la France. 

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Selon Thomas Vescovi, enseignant et chercheur en histoire contemporaine contacté par Middle East Eye, « dès lors que l’armée israélienne se rend coupable de crimes de guerre ou contre l’humanité dans la bande de Gaza, comme cela a été dénoncé y compris récemment par diverses ONG, les autorités françaises ne peuvent rester aveugles si leurs citoyens s’en rendent complices ».

Dans un article pour MEE publié précédemment, il analysait les paramètres de cette complicité de la France dans les exactions commises par les Français ou Franco-Israéliens qui s’engagent dans l’armée israélienne.

Plusieurs cas ont fait surface ces dernières années, notamment celui du Franco-Israélien Elor Azaria, sergent dans l’armée israélienne, reconnu coupable par un tribunal militaire d’homicide volontaire en janvier 2017. Le 24 mars 2016, il avait été filmé alors qu’il achevait d’une balle dans la tête Abdel Fattah al-Sharif, Palestinien de 21 ans qui venait de participer à une attaque au couteau contre des soldats israéliens à proximité de la colonie de Tel Rumeida, dans la ville d’Hébron. 

Si le ministère français de la Défense invoque une convention signée le 30 juin 1959 faisant état d’un accord entre le gouvernement de l’État d’Israël et les autorités françaises sur l’autorisation du service militaire pour les doubles nationaux, pour Thomas Vescovi, « nul ne doute que chaque individu qui s’engage au sein de l’armée israélienne se rend invariablement complice de ces injustices. En d’autres termes, il se retrouve hors la loi du point de vue du droit international ».

Le deuxième plus important contingent étranger

Le nombre exact de Français servant dans l’armée israélienne est difficile à connaître, les ambassades française en Israël, israélienne en France, le Quai d’Orsay et l’armée israélienne ne souhaitant pas communiquer sur le sujet.

En 2018, le journal français Libération avait réussi à obtenir une réponse du porte-parole des forces armées israéliennes : 4 185 soldats en service régulier ont la citoyenneté française. Cependant, avertissait le journal, le nombre réel pourrait être supérieur, l’armée ne comptant que les personnes qui ont déclaré leur nationalité française.

Les citoyens français ou franco-israéliens engagés dans les forces armées israéliennes représenteraient donc entre 1,7 % et 3,5 % des effectifs totaux. La nationalité française serait la deuxième nationalité étrangère la plus représentée dans les rangs de l’armée israélienne, après la nationalité américaine.

Il existe par ailleurs plusieurs programmes de volontariat pour les citoyens étrangers qui souhaitent s’engager aux côtés de l’armée israélienne. La seule condition est d’être reconnu comme « juif » selon les critères définis par l’État d’Israël.

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Alors que les frappes israéliennes se poursuivent sur la bande de Gaza, au quatrième jour de l’offensive déclenchée après l’attaque du Hamas, faisant jusqu’à présent 900 victimes côté israélien et 700 côté palestinien, le ministère français des Affaires étrangères a indiqué dans un nouveau bilan que quatre Français avaient été tués.

Treize sont en outre portés disparus, « dont certains ont très probablement été enlevés », selon le Quai d’Orsay, parmi la centaine de captifs aux mains du Hamas.

Quelque 100 000 Français vivent en Israël, venus récemment ou arrivés depuis plusieurs générations, pays qui accueille le plus de Français hors Europe. Ces Français sont d’ailleurs nombreux à avoir acquis, ou conservé, une double nationalité : il y aurait 250 000 passeports français délivrés en Israël.

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