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Le Palais des deux collines : à la recherche de la mémoire palestinienne

Dans son premier roman, l’auteur franco-palestinien Karim Kattan raconte les errances d’un Palestinien de retour dans son pays natal. Dans le palais de son enfance, le personnage s’apprête à ressusciter de lourds secrets de famille
« Le Palais des deux collines est proustien. Il raconte la douceur teintée de mélancolie qui habite les souvenirs de l’enfance et les folklores de sorcières et de princesses que même la plus virulente des entreprises coloniales ne pourra effacer » (éditions Elyzad)

Cinq ans après sa première publication, le recueil de nouvelles Préliminaires pour un verger futur, Karim Kattan, auteur franco-palestinien et docteur en littérature comparée de 32 ans, revient sur le devant de la scène avec un premier roman, Le Palais des deux collines (éditions Elyzad).

Le titre de l’ouvrage est évocateur. Il annonce une plongée déconcertante dans un conte de fée palestinien. Après la réception d’un faire-part annonçant le décès d’une inconnue, tante Rita, Fayçal, trentenaire palestinien, abandonne amant et vie en Europe pour un retour à Jabalayn, un village fictif de Cisjordanie.

Comme dans les contes de fées, l’intrigue se déroule dans un temps non défini et par conséquent éternel et universel. Dans le palais déserté de son enfance, le fameux « palais des deux collines » (jabalayn en arabe), Fayçal s’aventure à la recherche de son histoire familiale.

Si les habitants de ce palais – les membres de la famille de Fayçal – sont tous décédés, le retour au bercail de ce dernier les fera bien ressurgir d’entre les morts.

Raconter les Palestines

Le lecteur découvre alors, au fil des souvenirs de Fayçal, les différents membres d’une tribu haute en couleur, fantasque, chacun incarnant, à sa manière, les composantes plurielles de la société palestinienne.

Ainsi, il y a Nawal, la grand-mère, gardienne des traditions et militante acharnée de la cause palestinienne, qui rêve de prendre les armes contre les colons. Ou encore Joséphine, la petite amie de l’oncle Ayoub, sensuelle, féminine et insolente. Et un riche grand-père, Ibrahim, dont l’histoire n’est pas aussi reluisante qu’il n’y paraît au premier abord….

Leurs voix s’entremêlent au fil des pages pour donner une dimension orale au texte, qui entre en résonance avec l’écriture poétique de l’auteur. Ces voix rappellent également une Palestine complexe, multiple, éclatée, rongée par l’annexion grandissante, mais qui résiste envers et contre tout.

Né à Jérusalem, Karim Kattan a été naturalisé français pendant son adolescence. Il est diplômé de l’École normale supérieure de Lyon (Héli Chelli)
Né à Jérusalem, Karim Kattan a été naturalisé français pendant son adolescence. Il est diplômé de l’École normale supérieure de Lyon (Héli Chelli)

Dans une écriture onirique, l’auteur relate la vivacité des imaginaires palestiniens, les dîners fastueux, les ciels colorés et la densité de la nature. Le Palais des deux collines est proustien. Il raconte la douceur teintée de mélancolie qui habite les souvenirs de l’enfance et les folklores de sorcières et de princesses que même la plus virulente des entreprises coloniales ne pourra effacer.

Une plongée dans la mémoire pour ne pas oublier, pour faire le lien entre la Palestine de l’enfance et celle du présent, pour ne pas se laisser mémorialiser par d’autres et se raconter sans intermédiaire.

Le fardeau de l’exil

Le personnage de Fayçal porte en lui le lourd sceau de l’exil. Et son retour dans la maison familiale pose des interrogations que connaissent tous les exilés du monde : comment appartenir à une terre que j’habite uniquement dans mes souvenirs ? Comment revenir lorsqu’on est parti ? Que va-t-il advenir de mon pays, la Palestine ?

Fayçal débute, à son insu, une lente reconquête vers une identité palestinienne, d’abord honnie, puis finalement embrassée dans sa flamboyance et ses aspérités.

Cette plongée dans les méandres de l’exil fait résonner les mots du poète palestinien Mahmoud Darwich : « Je suis un poète qui est en quête d’une patrie simple. D’une patrie normale. D’une vie humaine faite de simplicité, sans héros et sans victime. Je cherche une paix pauvre qui est infiniment plus précieuse que tout le reste. »

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