EN IMAGES : Le caricaturiste palestinien Naji al-Ali, père de Handala, assassiné il y a 35 ans
Le 22 juillet 1987, au moins un homme armé ouvre le feu sur le caricaturiste et militant palestinien Naji al-Ali devant les bureaux londoniens du journal koweïtien Al-Qabas. Touché à la tête, Naji al-Ali est transféré à l’hôpital, où il décède un mois plus tard, le 29 août.
Irritée par les informations selon lesquelles le Mossad, les renseignements israéliens, était au courant du projet de meurtre du dessinateur, la Première ministre britannique de l’époque, Margaret Thatcher, expulse les diplomates israéliens et ferme le siège du Mossad à Londres.
Néanmoins, personne ne sera accusé du meurtre de Naji al-Ali, bien que des soupçons pèsent sur le Mossad, mais aussi sur des agents palestiniens agissant au nom d’Israël ou de factions palestiniennes rivales. (Première et deuxième photo : AFP)
Naji Salim Hussain al-Ali est né dans le village d’al-Shajara en Galilée en 1937, au cours du mandat britannique sur la Palestine, avant la création d’Israël. À l’âge de 10 ans, alors que les groupes armés sionistes envahissent son village natal, Naji et sa famille fuient vers le nord, au Liban, où ils se réfugient dans le camp d’Ain al-Hilweh, dans la ville méridionale de Sidon.
Naji al-Ali écrira au sujet de cette expérience : « J’étais un enfant de 10 ans quand nous sommes arrivés au camp de réfugiés d’Ain al-Hilweh. Nous avions faim, nous étions ébranlés, pieds nus. La vie dans le camp était insupportable, pleine d’humiliations quotidiennes, gouvernée par la pauvreté et le désespoir. »
L’illustration ci-dessus montre un graffiti au pochoir représentant Naji al-Ali dans la ville de Ramallah, en Cisjordanie occupée. (Wikimédia/Amir Shomali)
Cette expérience précoce influencera directement sa création la plus célèbre : le personnage de Handala. Celui-ci apparaît pour la première fois dans un journal koweïtien en 1969 sous les traits d’un Palestinien de 10 ans dépenaillé, l’air hébété, pieds nus, incarnant Naji al-Ali et les autres enfants palestiniens expulsés de chez eux pour faire place à l’établissement d’Israël. Il dira un jour de Handala : « Il avait l’âge que j’avais quand j’ai quitté la Palestine et, dans un sens, j’ai toujours cet âge aujourd’hui, et j’ai l’impression de pouvoir me rappeler et sentir chaque buisson, chaque pierre, chaque maison et chaque arbre que j’ai croisés quand j’étais enfant en Palestine. »
À partir de 1973, le personnage apparaît de dos pour protester contre l’incapacité à améliorer le sort des Palestiniens et pour refléter la manière dont le monde leur a tourné le dos. Handala sera ensuite toujours représenté de dos. Le nom du personnage vient du mot arabe « handhal », qui désigne une plante au goût amer originaire de Palestine, judicieusement choisi pour représenter l’enfant palestinien aigri. (Wikimédia)
Handala et les autres personnages de Naji al-Ali, dont certaines caricatures de dirigeants arabes, apparaissent dans un recueil de ses œuvres, A Child in Palestine. Des décennies après sa mort, le journaliste et militant des droits de l’homme John Pilger qualifiera le livre de « révolutionnaire ». Il écrit : « Les lecteurs occidentaux sont attirés dans la vie des Palestiniens par la chaleur graphique, l’inspiration et l’horreur du caricaturiste Naji al-Ali, dont l’emblématique Hanthala est notre témoin et notre conscience, implorant, à juste titre, que nous n’oubliions jamais. » (Wikimédia)
L’écrivain palestinien Ghassan Kanafani, lui-même assassiné en 1972, rencontre Naji al-Ali dans le camp d’Ain al-Hilweh dans les années 1950 ; son travail l’impressionne. Cette reconnaissance aide le caricaturiste à obtenir des commandes dans plusieurs journaux arabes. Ali déménage finalement au Koweït, où il travaille pour les journaux Al-Siyasa et Al-Qabas pendant la majeure partie des années 60 et 70.
Ses caricatures se concentrent sur les luttes du peuple palestinien et sur ce qui est perçu comme l’inaction des dirigeants arabes. Son non-alignement politique et son franc parler tout au long de sa vie lui apporteront le respect des Arabes lambda, certains le décrivant comme le Malcolm X palestinien. (AFP/Jamal Nasrallah)
En 1985, Naji al-Ali déménage avec sa femme et ses cinq enfants à Londres afin de travailler pour la branche londonienne d’Al-Qabas. Critique à la fois des dirigeants palestiniens et de la brutalité de l’occupation israélienne, il reçoit des dizaines de menaces de mort tout au long de sa carrière, selon le rédacteur en chef du journal. D’après un article, un de ses collègues aurait déclaré qu’Ali avait reçu un appel peu avant sa mort d’un haut responsable de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) lui disant de « corriger » son attitude. Naji al-Ali avait publié une caricature prenant pour cible une amie du chef de l’OLP Yasser Arafat.
La photo ci-dessus est celle d’une exposition des œuvres de Naji al-Ali dans la ville de Koweït en mai 2018 (AFP/Yasser al-Zayat)
Deux semaines après l’appel, Ali est touché par balle devant son bureau dans le sud-ouest de Londres. La police métropolitaine de la ville rouvrira l’enquête en 2017, 30 ans après sa mort, et publiera les descriptions de deux suspects. Son agresseur demeure toutefois inconnu à ce jour et personne n’a jamais été inculpé. (AFP/Yasser al-Zayyat)
La sépulture de Naji al-Ali se trouve au cimetière de Brookwood, au sud-ouest de Londres, alors que son souhait était d’être enterré aux côtés de son père à Ain al-Hilweh. Un drapeau palestinien sur sa pierre tombale en marbre noir et un petit carnet représentant le personnage de Handala rappellent sa carrière et son activisme. (MEE/Indlieb Farazi Saber)
Traduit de l’anglais (original).
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