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Sheikh Jarrah : la censure opérée par les réseaux sociaux dénoncée

Les entreprises gérant les réseaux sociaux sont accusées d’avoir censuré ou supprimé les contenus dénonçant la répression en cours relative à l’expulsion des familles palestiniennes du quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est occupée
Un soldat israélien se tient à côté des barricades érigées par les manifestants palestiniens dans la vieille ville de Jérusalem, le 8 mai 2021 (AFP)
Un soldat israélien se tient à côté des barricades érigées par les manifestants palestiniens dans la vieille ville de Jérusalem, le 8 mai 2021 (AFP)
Par MEE

Des militants ont dénoncé les entreprises Instagram et Twitter pour avoir fermé leurs comptes sur ces réseaux sociaux et censuré des contenus relatifs aux dramatiques événements de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est occupée, où les forces israéliennes et les colons répriment des manifestants civils depuis jeudi.

Les habitants de ce quartier protestent contre une vague d’expulsions ordonnée par la justice israélienne, laquelle devrait chasser une quarantaine de Palestiniens, dont une dizaine d’enfants, de leurs maisons. 

Les images des scènes de violences contre les manifestants palestiniens et les militants pour les droits de l’homme de plusieurs nationalités ont fait le tour du monde et créé une onde de choc dans l’opinion internationale.   

Des utilisateurs de réseaux sociaux sur place et dans le monde ont téléchargé et partagé des contenus vidéo et des photographies documentant la répression israélienne, usant du hashtag en anglais et en arabe #SaveSheikhJarrah.

Traduction : « Instagram vient de désactiver le compte de Mona Elkurd, journaliste à Jérusalem et une des habitants de Sheikh Jarrah qui a assuré une couverture quotidienne de ce qui se passe. Cela intervient un jour avant le procès qui rendra le verdict final sur Sheikh Jarrah. »

Traduction : « Instagram a supprimé le contenu relatif à la Palestine et Twitter suspend les gens qui parlent de ce qui se passe à #SheikhJarrah. C’est de la censure à grande échelle. Ce sont les seuls médias que nous avons parce que les médias occidentaux ne couvrent pas ce qui se passe à Jérusalem. »

Un porte-parole de Facebook, société propriétaire d’Instagram, a expliqué à Newsweek qu’il s’agissait d’un « problème technique mondial généralisé sans lien avec un sujet en particulier ».

« Nous sommes désolés pour tous ceux qui sont touchés, en particulier ceux qui sensibilisent à des causes importantes dans le monde », a posté Instagram après avoir annoncé que le problème avait été résolu.

« Il ne s’agit pas d’un incident ponctuel, c’est la poursuite d’une censure et d’une discrimination systématiques plus larges visant principalement les personnes marginalisées et opprimées, souvent à la demande de régimes oppressifs », a déclaré, à Al Jazeera, Marwa Fatafta, membre politique du groupe de réflexion al-Shabaka.

Marwa Fatafta a appelé Facebook à « arrêter immédiatement ce carnage de contenu » et à expliquer à ses utilisateurs et au public pourquoi ce contenu avait été retiré. « Les entreprises de réseaux sociaux font taire les voix palestiniennes alors qu’elles luttent pour leur survie sur le terrain », a-t-elle insisté.

Les groupes de défense 7amleh (Centre arabe pour l’avancement des réseaux sociaux) et Jewish Voice For Peace ont lancé conjointement des appels pour obtenir des témoignages d’utilisateurs qui auraient été pénalisés par Instagram alors qu’ils publiaient des informations sur les événements de Sheikh Jarrah.

Traduction : « Sheikh Jarrah : Facebook et Twitter font systématiquement taire les utilisateurs qui protestent et documentent les expulsions de familles palestiniennes de leurs maisons dans le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem. »

L’un des responsable de l’ONG Jewish Voice For Peace, Dani Noble, a déclaré à Newsweek que des « centaines d’emails, en douze heures, [étaient] parvenus à son association » après cet appel, confirmant les nombreux cas de censure.

Traduction : « Continuez à partager du contenu sur Sheikh Jarrah, même si les entreprises des réseaux sociaux ont supprimé tant de publications d’utilisateurs et de comptes en raison de leur solidarité. Nous ne les laisserons pas construire plus de murs qui nous empêchent de nous connecter les uns aux autres pour créer un monde plus juste. »

« Nous avons des exemples de personnes accusées d’‘’enfreindre les directives de la communauté’’ alors qu’elles partagaient des vidéos de la police israélienne attaquant des manifestants palestiniens à Sheikh Jarrah », a indiqué Noble. « Nous avons d’autres exemples de contenu d’utilisateurs qui disparaissent littéralement de leurs stories ou de leurs flux. »

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« Nous avons entendu parler d’organisations et d’individus avertis que leurs comptes seraient définitivement désactivés s’ils continuaient à publier des articles sur les violences commises par la police israélienne et par les colons israéliens contre les Palestiniens à Jérusalem », poursuit-il.

Pour rappel, les membres de cette ONG sont interdits d’entrée en Israël depuis 2018 en raison, notamment, de leur soutien aux campagnes BDS.

Al Jazeera rappelle que « la complicité entre Israël et les entreprises de réseaux sociaux dans la réglementation et la censure du contenu et des comptes palestiniens est bien documentée. À la suite d’une visite d’une délégation au siège de Facebook en 2016, le ministre israélien de la Justice avait déclaré à l’époque que Facebook, Google et YouTube ‘’se conformaient à 95 % aux demandes israéliennes de suppression de contenu’’, presque entièrement palestinien ».

Pire, ces entreprises, en révélant aux autorités israéliennes les données des utilisateurs ciblés, ont « permis l’arrestation de centaines de Palestiniens au cours des dernières années, principalement pour leurs publications sur Facebook. En revanche, les Israéliens ne subissent pas le même traitement », précise encore Al Jazeera.

En 2017, 7amleh avait publié une étude selon laquelle toutes les 46 secondes, des Israéliens publient un commentaire raciste ou insultant à l’encontre des Palestiniens et des Arabes. Pourtant, peu de mesures ont été prises contre ces comptes.

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