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Présidentielle en France : le spectre de l’abstention

Des experts redoutent une abstention de 30 %, dépassant le record du 21 avril 2002 (28,4 %), qui pourrait rendre le scrutin très imprévisible
Une affiche publicitaire appelle les Français à voter à Ris-Orangis, dans la banlieue de Paris, le 8 avril 2022 (AFP/Emmanuel Dunand)
Une affiche publicitaire appelle les Français à voter à Ris-Orangis, dans la banlieue de Paris, le 8 avril 2022 (AFP/Emmanuel Dunand)

Les Français ont commencé à voter ce dimanche pour le premier tour d’une élection présidentielle perturbée par la guerre en Ukraine et pleine d’incertitude, avec la perspective d’un duel entre le chef de l’État sortant Emmanuel Macron et sa rivale d’extrême-droite Marine Le Pen, qui n’a jamais semblé aussi proche de la victoire.

Quelque 48,7 millions de Français sont appelés aux urnes pour choisir entre douze candidats, à l’issue d’une campagne étrange, marquée d’abord par la pandémie puis par la guerre en Ukraine qui a occulté une partie du débat.

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Les bureaux de vote ont ouvert à 8 h en métropole, alors qu’une partie des Français d’outre-mer ont commencé à voter dès samedi. Les premières estimations seront connues à 20 h après la fermeture des derniers centres de vote.

Les différentes études tendent à montrer que Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon sont depuis plusieurs jours dans une dynamique de progression, réduisant substantiellement l’écart avec Emmanuel Macron qui est entré tard dans la campagne.

L’abstention, combinée au fait, toujours selon les sondages, qu’une part importante des électeurs n’est pas sûre de son choix, fait que les jeux semblent ouverts.

Nombre de politologues craignent que le record du 21 avril 2002 (28,4 %), le plus haut niveau jamais enregistré pour un 1er tour d’une élection présidentielle, puisse être battu, soit bien plus qu’en 2017 (22,2 %).

« Tout le monde râle »

D’après Le Figaro, « 29 % des Français qui se disent certains d’aller voter ne savent pas encore pour qui ou peuvent changer d’avis ».

« Autour de moi, personne ne vote et tout le monde râle », se désolait sur un marché parisien Christine Mazaud, une retraitée de 75 ans.

Le gouvernement français s’est même associé au réseau social Snapchat pour « inciter les jeunes » à voter, à travers des applications fondées notamment sur la réalité augmentée.

Concrètement, des créateurs à forte audience feront « passer des messages » aux 24,2 millions d’utilisateurs actifs mensuels du réseau social en France pour encourager « les jeunes générations » à se rendre aux urnes, et comprendre les enjeux du vote.

Selon le quotidien Le Monde, « 60 % des 18-24 ans et 55 % des 25-34 ans se disent certains d’aller voter, quand ils sont 77 % entre 60 et 69 ans et plus de 80 % pour les 70 ans et plus ».

« Ce qui pénalise au premier chef Jean-Luc Mélenchon, puisque les catégories d’âge qui votent le plus pour lui sont les 18-24 ans et les 25-34 ans. En revanche, Emmanuel Macron fait ses meilleurs scores chez les plus de 60 ans et bénéficie ainsi d’un socle qui paraît solide », poursuit le journal.

« Sur les raisons qui les poussent à ne pas voter, les personnes interrogées mettent en avant deux explications : l’absence de nouveauté dans les propositions des candidats, et l’absence de suspense sur l’issue du scrutin », note France Inter.

« En cas de second tour Macron/Le Pen, l’abstention grimperait à 32 %, et à 36 % dans le scénario d’un duel Macron/Mélenchon », selon le même média.

Pour le deuxième tour, les sondages donnent Emmanuel Macron vainqueur, mais avec une très courte avance sur Marine Le Pen, laissant penser qu’une victoire de la candidate de l’extrême-droite est possible, ce qui constituerait une double première sous la Ve République, avec l’arrivée d’une femme et de l’extrême droite au pouvoir.

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Vendredi, le président sortant, qui a vu son avance fondre dans les sondages, a attaqué sa rivale, l’accusant de proposer un programme « mensonger » et « raciste ». « Elle a un programme totalement démagogique », a-t-il souligné, interrogé vendredi soir sur le média en ligne Brut, en réponse au projet de Marine Le Pen d’interdire le port du voile dans l’espace public.

« Fébrilité », estime pour sa part la cheffe de l’extrême droite. « Je le mets au défi de trouver une proposition dans mon programme qui discrimine les Français en raison de leur origine, de leur religion ou de la couleur de leur peau parce que c’est ça le racisme. »

Pour Bruno Jeanbart, vice-président de l’institut de sondage OpinionWay, il existe aussi bien des raisons conjoncturelles que structurelles à cette abstention sui se dessine : « On a eu une campagne qui a eu du mal à démarrer, ralentie par une vague de covid, puis la guerre en Ukraine et un président de la République qui n’était pas candidat, laissant le débat tourner en rond entre ses adversaires. »

« Structurellement, il y a un décrochage des électeurs vis-à-vis du vote et de son utilité. Il y a un sentiment que le vote ne change pas les choses, probablement renforcé par la période : un virus qui arrive de Chine ou une décision du président russe auraient plus de conséquences sur leur vie que l’élection d’un président », explique Bruno Jeanbart.

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