Qatar 2022 : coup de pression sur les stades africains
Après la suspension par la Confédération africaine de football (CAF) de certains stades (23 au total) qui souhaitaient accueillir des matchs aussi importants et prestigieux que ceux des qualifications à la Coupe du monde Qatar 2022, dans des enceintes vieillissantes et souvent laissées à l’abandon, plusieurs fédérations et non des moindres ont mis les bouchées doubles pour faire homologuer leurs stades.
Elles ont presque toutes mis à profit le report du début des éliminatoires de juin à septembre pour corriger et mettre à niveau leurs enceintes.
Le Sénégal, vice-champion d’Afrique en titre, figurait en bonne place sur la « liste noire » établie par la CAF au printemps dernier. Une situation qui avait suscité la polémique après le coup de gueule de l’attaquant de Liverpool, Sadio Mané, à la suite d’une panne électrique en plein match.
« Ce qui s’est passé n’est pas digne d’un pays de football comme le Sénégal. L’état du terrain était aussi catastrophique, il faut s’améliorer. On a fait ce qu’il fallait mais tout n’était pas rose », avait pesté l’attaquant des Red’s.
Depuis, la star sénégalaise a été entendue et des travaux ont été réalisés au stade Lat-Dior à Thiès afin de permettre aux Lions de la Teranga de recevoir le Togo (2-0), le 1er septembre, pour le compte de la première journée des éliminatoires de la Coupe du monde.
D’autres sélections, en revanche, sont toujours obligées d’évoluer en dehors de leurs terres et ont majoritairement opté pour le Maroc, à l’image du Burkina Faso et de Djibouti, adversaires du champion d’Afrique en titre, l’Algérie.
Le plus grand pays du continent a, lui aussi, eu droit à sa polémique malgré les deux stades homologués par la CAF, celui du 5-Juillet à Alger et le stade Mustapha-Tchaker à Blida.
Djamel Belmadi, le sélectionneur des Verts, à l’image du Sénégalais Sadio Mané, n’a pas hésité à fustiger l’état de la pelouse.
« Après notre décision de disputer les matchs au stade Tchaker, d’importants travaux ont été entrepris pour que le stade réponde aux normes exigées par la FIFA [fédération internationale]. Au mois de juin, la pelouse était parfaite, mais deux mois après, elle est devenue une calamité. Pour moi, c’est du sabotage. Je ne pense pas qu’il y ait un mot plus approprié pour qualifier cette situation », a regretté Belmadi en conférence de presse la veille du premier match des éliminatoires face à Djibouti (8-0).
Le Mali toujours pas autorisé à jouer chez lui
Pourtant, la pelouse du stade Mustapha-Tchaker de Blida faisait office de billard comparée à celle du stade olympique d’Ebimpé au nord d’Abidjan (Côte d’Ivoire), qui a abrité le derby entre deux grosses cylindrées du continent, Côte d’Ivoire et Cameroun (2-1), le 6 septembre.
Un stade immédiatement recalé par la CAF pour les prochains rendez-vous. Ce qui a poussé les Éléphants de Côte d’Ivoire à opter pour l’enceinte flambant neuve de Yamoussoukro, construite dans la perspective de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de 2023 que doit abriter le pays.
Mais une visite d’inspection de l’instance panafricaine cette semaine l’a déclarée inapte, obligeant les champions d’Afrique 2015 à trouver un point de chute entre le Sénégal et le Ghana.
Si l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, l’Égypte et la Libye ont réussi à faire valider au moins un stade, la liste noire de la CAF demeure toujours aussi fournie, bien que certains pays aient pu qualifier une enceinte entre deux journées d’éliminatoires, à l’image du Niger, qui vient de recevoir le feu vert de la Confédération.
Le Mali, pays hôte de la CAN 2002, n’est toujours pas autorisé à jouer chez lui, tout comme la Sierra Leone ou la Gambie.
Une situation qu’avait tenté d’anticiper la FIFA bien avant la pandémie, puisqu’en parallèle de l’annonce du très controversé projet de Super Ligue africaine, le président de la FIFA avait aussi fait part au mois de novembre 2019, en marge des festivités du 80e anniversaire du TP Mazembe, de la volonté de son instance de trouver 1 milliard de dollars pour financer au moins un stade par pays membre de la CAF et de la FIFA.
Une annonce rappelée quelques mois après, en février 2020 : « Nous allons mettre au point une proposition qui mobilisera 1 milliard de dollars pour la construction d’au moins un stade de grande qualité dans chacune des 54 associations membres de la FIFA et de la CAF », avait prévenu Gianni Infantino, lors d’une de ses visites au Maroc.
Un projet porté aujourd’hui par le nouveau président de la CAF, le milliardaire sud-africain Patrice Motsepe. « Ce nouveau projet d’infrastructure évalué à un milliard de dollars doit permettre de changer la physionomie du football africain. Il sera suivi de près par le nouveau président de la CAF », a indiqué l’instance continentale.
Au-delà des effets d’annonce et de l’image d’Épinal d’un futur tout en gazon naturel, la réalité du terrain est bien autre en Afrique. Le continent ne manque pas de stades, notamment en Afrique du Nord, mais plutôt d’entretien et de gestion
Au-delà des effets d’annonce et de l’image d’Épinal d’un futur tout en gazon naturel, la réalité du terrain est bien autre en Afrique. Le continent ne manque pas de stades, notamment en Afrique du Nord, mais plutôt d’entretien et de gestion.
Depuis sa création en 1957 et tout au long de ses 32 éditions, organisées tous les deux ans avec la régularité d’une horloge suisse, malgré les difficultés et le manque de moyens, notamment les premières années, la Coupe d’Afrique des nations a visité dix-sept pays.
Elle s’est souvent arrêtée en Égypte (à cinq reprises). Au fur et à mesure de l’augmentation des équipes (24 aujourd’hui), les pays hôtes ont toujours répondu au cahier des charges de la CAF pour les stades de compétition et d’entraînement durant le tournoi.
La réussite de la dernière édition de la CAN en Égypte (2019), avec des stades qui datent du siècle dernier, mais rafraîchis et bien entretenus, en est la parfaite illustration. Aujourd’hui, le Cameroun est en mesure de présenter six stades pour la compétition, dont les joyaux de Japoma et Olembé, et douze pour les entraînements.
Des infrastructures payées au prix fort et à l’avenir incertain, tout comme celles qui ont servi à la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud, au championnat de la CAN 2010 en Angola, à ceux de 2012 et 2017 au Gabon, construites pour la plus belle des fêtes du sport africain et envahies par la végétation quelques mois après le baisser du rideau de la CAN.
Au moment où la durabilité des infrastructures sportives et leur amortissement sont au centre des réflexions, ne vaudrait-il pas mieux regarder ce qui se fait actuellement au Qatar, avec des stades éphémères ?
L’émirat a opté pour des stades démontables afin de ramener la capacité aux besoins du football national après la Coupe du monde 2022. Car certains n’existeront plus après le coup de sifflet final le 18 décembre 2022.
Une politique responsable qui vise à éviter de rééditer les erreurs de Salt Lake City (Jeux olympiques d’hiver 2002), de la Grèce (Jeux olympiques d’été 2004), du Portugal (Euro 2004) : un phénomène d’abandon des infrastructures une fois les compétitions terminées, encore plus prononcé en Afrique, où il est connu sous le nom d’« éléphants blancs ».
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