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Le prince Charles aurait accepté un million de livres de la famille d’Oussama ben Laden

L’héritier du trône britannique a accepté ces fonds pour son association caritative alors même que ses conseillers l’avaient prévenu d’un risque de « scandale national », selon un journal britannique
Le prince Charles aurait négocié le versement auprès de Bakr ben Laden, demi-frère de l’ancien chef d’al-Qaïda Oussama ben Laden, lors d’une rencontre privée à Clarence House en octobre 2013 (AFP)
Le prince Charles aurait négocié le versement auprès de Bakr ben Laden, demi-frère de l’ancien chef d’al-Qaïda Oussama ben Laden, lors d’une rencontre privée à Clarence House en octobre 2013 (AFP)
Par MEE

Le prince de Galles a accepté un million de livres de la part de la famille d’Oussama ben Laden, l’ancien chef d’al-Qaïda, selon un article publié dans le Sunday Times.

Le prince Charles a personnellement obtenu les fonds, d’une valeur d’1,6 million de dollars au taux de change de l’époque, auprès de Bakr ben Laden, le patriarche de la riche famille saoudienne, et de son frère Shafiq, a indiqué samedi le journal britannique.

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Les deux hommes sont les demi-frères d’Oussama ben Laden, le fondateur d’al-Qaïda qui a orchestré les attentats du 11 septembre 2001 contre les États-Unis.

Selon le Sunday Times, le prince Charles a négocié le versement après une rencontre privée avec Bakr, aujourd’hui âgé de 76 ans, à Clarence House, la résidence personnelle du prince à Londres, le 30 octobre 2013, soit deux ans après la mort d’Oussama ben Laden, tué par les forces spéciales américaines au Pakistan.

L’héritier du trône britannique a accepté le don malgré les objections des conseillers de Clarence House et du Prince of Wales’s Charitable Fund, où l’argent a été déposé, selon le journal.

Selon des sources, plusieurs conseillers du prince l’ont imploré de rendre l’argent.

Un membre de son personnel domestique a affirmé qu’une fuite de l’information dans la presse provoquerait un scandale national. Les employés lui auraient indiqué que « ce ne serait bon pour personne » si l’on venait à apprendre qu’il avait accepté de l’argent de la famille de celui qui a perpétré les attentats du 11 septembre 2001, lors duquel 67 Britanniques et de milliers d’Américains ont perdu la vie.

Tombé en disgrâce

« Le fait qu’un membre du plus haut rang de l’establishment britannique ait choisi de négocier des accords avec une famille portant un nom qui non seulement interpellait, mais [qui avait également engendré] une horreur abjecte dans le monde entier… Pourquoi faire cela ? Quelle bonne raison y a-t-il de faire cela ? », a déclaré une source, selon le journal.

Selon le prince Charles, il aurait été trop embarrassant de rendre l’argent. Par ailleurs, il semblait craindre que les frères soupçonnent la raison de ce revirement.

Un membre du personnel domestique a affirmé avoir été « très véhément » envers le prince avant d’être « rabroué »

Un membre du personnel domestique a affirmé avoir été « très véhément » envers le prince avant d’être « rabroué ». Un autre conseiller du prince Charles l’aurait imploré de rendre l’argent, mais l’héritier du trône l’aurait ignoré.

Selon le Sunday Times, une source de Clarence House a insisté sur le fait que les assistants du prince Charles n’étaient pas consternés par le don de la famille ben Laden et que les décisions quant à l’acceptation de fonds relevaient de la compétence des administrateurs.

Le Prince of Wales’s Charitable Fund a souligné dans un communiqué que la décision d’accepter le don avait été prise par l’ensemble des administrateurs et que « toute tentative d’insinuation du contraire [était] trompeuse et inexacte », selon des informations relayées par The Guardian.

Rien n’indique que Bakr ou Shafiq ben Laden ont soutenu financièrement ou été impliqués dans des actes « terroristes ».

Ces demi-frères d’Oussama ben Laden sont liés à ce dernier par leur père, Mohammed ben Awad ben Laden, un milliardaire né au Yémen qui est devenu le plus riche Saoudien non membre de la famille royale après avoir fondé le Saudi Binladin Group, une entreprise de construction basée à Djeddah.

Il est mort dans un accident d’avion à l’âge de 59 ans en 1967, alors qu’Oussama avait 10 ans.

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Bakr a repris la société, mais est tombé en disgrâce auprès de la monarchie saoudienne en 2015 après qu’un accident survenu sur l’un de ses projets a entraîné la mort d’une centaine de personnes.

Deux ans plus tard, le prince héritier Mohammed ben Salmane a fait arrêter et emprisonner Bakr et deux de ses autres frères, Saad et Salah, dans le cadre d’une « campagne de lutte contre la corruption ». Bakr a été libéré l’an dernier.

La relation de la famille ben Laden avec les organisations caritatives du prince Charles n’a jamais été divulguée auparavant et n’apparaît pas dans les documents publics. Les organisations caritatives ne sont pas tenues de divulguer le nom de leurs donateurs.

Mais ce n’est pas la première fois que le prince est mêlé à la famille ben Laden. Deux semaines seulement après les attentats du 11 septembre 2001, il a reçu Bakr pour un dîner consacré à des discussions sur la foi islamique.

Selon un récit de leur première rencontre en 2000, les présentations entre les deux hommes ont été effectuées par le prince Khaled ben Fayçal al-Saoud, troisième des huit fils de l’ancien roi Fayçal ben Abdelaziz al-Saoud, lors d’un dîner de collecte de fonds pour le Centre d’études islamiques d’Oxford, dont Charles est le parrain.

Le prince aurait demandé à Bakr : « Que fait votre frère en ce moment ? »

Bien que la famille ben Laden ait officiellement renié Oussama il y a plusieurs dizaines d’années, elle est depuis longtemps poursuivie par cette association. Le 19 septembre 2001, huit jours après les attentats, treize membres de la famille ont quitté les États-Unis à bord d’un avion privé affrété par des ressortissants saoudiens.

Une enquête de police

En février, la police britannique a ouvert une enquête sur une tentative d’octroi d’une distinction honorifique et de la citoyenneté britannique à un ressortissant saoudien lié à l’organisation caritative du prince de Galles. 

Bien que la famille ben Laden ait officiellement renié Oussama il y a plusieurs dizaines d’années, elle est depuis longtemps poursuivie par cette association

Le Metropolitan Police Service de Londres a affirmé enquêter sur des allégations d’infractions à la loi britannique de 1925 sur les distinctions honorifiques (prévention des abus).

« Cette décision fait suite à l’analyse d’un courrier datant de septembre 2021 », a déclaré la police dans un communiqué. « Celui-ci était lié à l’évocation dans les médias de propositions d’aide faites pour octroyer une distinction honorifique et la citoyenneté à un ressortissant saoudien. »

« L’équipe d’enquête spéciale a dirigé le processus d’analyse au cours duquel les personnes soupçonnées de détenir des informations pertinentes ont été contactées.

« Les agents ont été en liaison avec la Prince’s Foundation au sujet des conclusions d’une enquête indépendante sur les pratiques de collecte de fonds. La fondation a fourni un certain nombre de documents pertinents. »

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L’ancien plus proche assistant du prince Charles, Michael Fawcett, a démissionné de son poste de directeur général de la Prince’s Foundation fin 2021, après avoir été accusé d’avoir promis d’aider Mahfouz Marei Mubarak ben Mahfouz, ressortissant saoudien et donateur ayant soutenu  la fondation, à obtenir le titre de commandeur de l’Empire britannique et la citoyenneté britannique. 

Selon des informations relayées par The Times, l’homme d’affaires saoudien cherchait à obtenir la citoyenneté par le biais d’un visa dit « d’investissement » en versant à des intermédiaires des dizaines de milliers de livres pour le mettre en contact avec le prince après avoir été informé qu’une distinction serait un atout pour sa demande.

Le bureau du prince Charles a souligné qu’il n’avait « aucune connaissance » d’allégations relatives à une proposition de distinction honorifique « sur la base de dons à ses organisations caritatives ».

De l’argent liquide qatari

En juin, le Sunday Times a révélé que le prince Charles avait accepté une valise contenant un million d’euros en espèces de la part d’un ancien Premier ministre qatari.

Cette remise est l’un des trois lots d’argent liquide, d’un montant total de 3 millions d’euros, que le prince a personnellement reçus du cheikh Hamad ben Jassim ben Jaber al-Thani entre 2011 et 2015, a précisé le journal.

Les remises auraient eu lieu lors de rencontres entre les deux hommes, dont un tête-à-tête privé à Clarence House en 2015.

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D’après un communiqué de Clarence House, l’argent donné lors de la rencontre de 2015 a été « transmis immédiatement à l’une des organisations caritatives du prince, qui a procédé à une gouvernance appropriée et […] a assuré que toutes les procédures avaient été correctement suivies ».

La valise contenant un million d’euros a été confiée à deux conseillers du prince Charles, qui auraient compté à la main l’argent transmis en coupures de 500 euros, désormais hors circulation.

Coutts, la banque privée qui agit pour le compte de la famille royale, a ensuite été chargée d’encaisser l’argent. Chaque paiement a été déposé sur les comptes du Prince of Wales’s Charitable Fund. 

D’après le Sunday Times, rien n’indique que les paiements étaient illégaux. Le journal a précisé que les rencontre du prince avec le cheikh Hamad ne figuraient pas dans le Court Circular, la liste des engagements officiels des membres de la famille royale en activité.

La politique royale en matière de donations stipule que les membres de la famille royale sont autorisés à accepter un « chèque » en tant que mécènes ou au nom d’une organisation caritative. Elle ne précise pas la démarche à adopter en cas de versement en espèces.

Sir Alistair Graham, ancien président du Comité des normes de la vie publique, a déclaré au Sunday Times que les révélations étaient « vraiment choquantes » et qu’elles seraient « inconcevables » pour la plupart des gens. 

« Je ne ferais pas de distinction entre une personnalité politique et un membre de la famille royale », a souligné l’homme de 79 ans. « Si le gouvernement qatari veut faire un don à sa fondation, alors il y a des façons appropriées de faire ces choses plutôt que de manipuler de grosses sommes d’argent liquide. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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