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Ce que l’on sait des combats au Soudan

Une centaine de civils ont été tués dans la guerre désormais ouverte entre les deux généraux aux commandes du Soudan depuis leur putsch d’octobre 2021. Comment en est-on arrivés là ?
De la fumée s’élève après que des affrontements ont éclaté dans la capitale soudanaise le 15 avril 2023 entre les Forces armées soudanaises et les Forces paramilitaires de soutien rapide (Agence Anadolu)
Par AFP

Depuis des semaines, les 45 millions de Soudanais regardaient, anxieux, le fossé se creuser entre le commandant de l’armée, Abdel Fattah al-Burhan, et son numéro deux, Mohamed Hamdan Dagolo, dit « Hemetti », patron des Forces de soutien rapide (FSR).

Samedi, leurs hommes se sont lancés dans une bataille rangée et depuis, Khartoum et d’autres villes tremblent sous les tirs et les raids aériens.

Les deux belligérants se renvoient la responsabilité du déclenchement des hostilités et ne cessent d’annoncer de nouvelles victoires sans qu’aucune source indépendante ne puisse confirmer ou infirmer.

Mais qui se bat et pourquoi ?

Voici ce que l’on sait :

Comment en est-on arrivés là ?

En octobre 2021, les deux généraux ont fait front commun pour évincer les civils avec lesquels ils partageaient le pouvoir depuis la chute du dictateur Omar el-Béchir en 2019.

« Un mariage de raison » pour le putsch, explique à l’AFP le chercheur Hamid Khalafallah. « Ils n’ont jamais eu de partenariat sincère mais des intérêts communs face aux civils. »

Et les brèches de l’union sacrée sont rapidement apparues au grand jour : Hemetti a plusieurs fois dénoncé l’« échec » d’un putsch qui a réinstauré « l’ancien régime » de Béchir, selon lui.

« On est déjà dans le scénario du pire et on ira vers des événements plus dramatiques encore »

- Alan Boswell, International Crisis Group

Puis le conflit s’est intensifié quand il a fallu signer les conditions d’intégration de ses hommes aux troupes régulières, dans le cadre de l’accord avec les civils qui devait relancer la transition démocratique.

Pour les experts, cet accord a ouvert la boîte de Pandore : en laissant les militaires négocier entre eux, « Hemetti est passé du statut de second à celui d’égal de Burhan », affirme à l’AFP Kholood Khair, qui a fondé le centre de recherche Confluence Advisory à Khartoum.

Se sentant « plus autonome face à l’armée », Hemetti a vu une opportunité de réaliser « ses très grandes ambitions politiques », abonde auprès de l’AFP Alan Boswell, en charge de la Corne de l’Afrique à l’International Crisis Group.

Qui sont les FSR ?

Créées en 2013, les FSR regroupent des milliers d’anciens Janjawids, ces miliciens arabes recrutés par Omar el-Béchir pour mener la politique de la terre brûlée au Darfour (ouest).

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Ce conflit, qui a éclaté en 2003 entre Khartoum et des membres de minorités ethniques non arabes, a fait quelque 300 000 morts et 2,5 millions de déplacés, selon l’ONU. Et valu au dictateur soudanais deux mandats d’arrêts de la Cour pénale internationale (CPI) pour « crimes de guerre », « crimes contre l’humanité » et « génocide ».

En 2015, les FSR ont rejoint la coalition emmenée par les Saoudiens au Yémen et, selon des experts, certains de ses hommes combattent aussi en Libye, renforçant les réseaux internationaux de leur patron.

En 2019, les FSR ont été accusées d’avoir tué une centaine de manifestants prodémocratie à Khartoum. Mais malgré tout, « elles ont continué à renforcer leur pouvoir », assure Alan Boswell.

Et après ?

Les combats actuels sont « une lutte existentielle pour les deux belligérants », poursuit l’expert. Et selon Kholood Khair, « aucune des parties ne sortira indemne ».

« Il est hautement improbable qu’ils retrouvent la table des négociations avant que l’un ou les deux subissent de lourdes pertes », abonde la spécialiste.

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Des pertes humaines et financières, mais aussi en popularité, car les Soudanais n’oublieront pas les guerres de rues et les civils fauchés par des balles perdues.

« Les deux camps sont assez forts pour qu’une guerre entre eux soit très coûteuse, très meurtrière et très longue », prévient Alan Boswell. Et surtout, même si l’une des deux parties l’emporte, notamment à Khartoum, « la guerre continuera ailleurs dans le pays », créant des bastions rivaux.

« On est déjà dans le scénario du pire et on ira vers des événements plus dramatiques encore », avec des répercussions possibles dans toute la région, ajoute-t-il.

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