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Suisse secrets : du roi Abdallah à Bouteflika, les personnalités du Moyen-Orient et du Maghreb impliquées

Les informations du Crédit Suisse révèlent une accumulation massive de richesses par des personnalités politiques à travers la région
Le roi Abdallah II de Jordanie fait partie des dirigeants de la région MENA cités dans ces révélations, photographié ici lors d’une réunion au palais Al-Husseiniya à Amman, le 3 janvier 2022 (AFP)
Le roi Abdallah II de Jordanie fait partie des dirigeants de la région MENA cités dans ces révélations, photographié ici lors d’une réunion au palais Al-Husseiniya à Amman, le 3 janvier 2022 (AFP)
Par MEE

Un lanceur d’alerte a révélé des informations relatives à des milliers de comptes du géant bancaire Crédit Suisse et une ribambelle de personnalités politiques du Maghreb et du Moyen-Orient sont rattrapées une fois de plus par un scandale majeur concernant des richesses accumulées.

Divers médias ont reçu des informations détaillées sur les pratiques « immorales » employées par la banque – comme l’a formulé le lanceur d’alerte – révélant l’identité des clients impliqués dans diverses activités telles que le trafic de drogues, la torture, la corruption et le blanchiment d’argent.

Réagissant à ces révélations, le Crédit Suisse dit « rejeter résolument les allégations et déductions à propos des pratiques commerciales supposées de la banque ». 

Les données lèvent le voile sur environ 18 000 comptes bancaires, ouverts sur plusieurs décennies et comptant plusieurs centaines de millions de francs suisses.

Middle East Eye passe en revue les personnalités de la région épinglées par cette nouvelle enquête.

Le roi Abdallah et la reine Rania de Jordanie

Le couple régnant en Jordanie est un important client du Crédit Suisse, révèlent les données. Depuis 2011, Abdallah II est le bénéficiaire d’au moins six comptes auprès de cette banque, tandis que sa femme Rania y détient au moins un compte.

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Un de ses comptes a excédé à un moment donné les 30 millions de francs suisses (32,78 millions de dollars), tandis que Rania aurait eu un compte d’une valeur d’au moins 39,1 millions de francs suisses (42,66 millions de dollars).

Dans un communiqué adressé à l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), les avocats de la famille déclarent que les « comptes concernés servent à l’acquisition d’avoirs, aux investissements, aux dépenses opérationnelles et personnelles et aux débours généraux, y compris au financement de certaines initiatives royales » et que le couple « n’a jamais, de quelque manière que ce soit, prélevé de fonds dans le Trésor, les finances publiques, l’aide internationale ou le budget du gouvernement à destination de comptes situés à l’étranger ou pour son enrichissement personnel ».

Après ces révélations, le palais royal a publié un communiqué accusant l’enquête de comprendre « des inexactitudes ou des informations périmées et trompeuses » qui visent à « diffamer la Jordanie et Sa Majesté, ainsi qu’à déformer la vérité ».

Gamal et Alaa Moubarak

Gamal et Alaa Moubarak, fils de l’ancien autocrate égyptien Hosni Moubarak, évincé en 2011 par la révolution égyptienne, ont possédé plus de 277 millions de francs suisses (302 millions de dollars) sur des comptes du Crédit Suisse.

Un compte supposé appartenir à Alaa avait amassé 232 millions de francs suisses (253 millions de dollars) en 2010.

Les avocats des deux frères ont déclaré à l’OCCRP que les enquêtes suisses et égyptiennes n’avaient révélé aucune preuve d’activités suspectes sur leurs comptes.

Omar Souleiman

Les proches du tristement célèbre Omar Souleiman, ancien chef des renseignements de Moubarak, a ouvert un compte conjoint auprès du Crédit Suisse en 2003. Son solde a atteint 52 millions de dollars quelques années plus tard et est resté ouvert après sa mort. Un autre compte avait été ouvert entre 1996 et 2005. 

Décédé en 2012, Souleiman était connu pour avoir supervisé la torture de personnalités de l’opposition. Il sera désigné vice-président de l’Égypte juste avant l’éviction de Moubarak. 

Les journalistes ont tenté de contacter sa famille, sans résultat.

Abdelaziz Bouteflika

L’ancien dirigeant algérien Abdelaziz Bouteflika, arrivé au pouvoir en 1999 et chassé en 2019 après des mois de manifestations contre le gouvernement (hirak), a partagé un compte avec un certain nombre de proches pour une valeur estimée à 1,1 million de dollars en 2005, selon les données.

Son régime a été marqué par une répression des libertés civiles et des partis d’opposition, tandis que son gouvernement était dénoncé comme « corrompu jusqu’à l’os » par les manifestants.

Samir Rifaï

Le nom de l’ancien Premier ministre de Jordanie Samir Rifaï, qui a démissionné après les manifestations contre le gouvernement en 2011, est apparu sur de multiples comptes. 

Rifaï, accusé à maintes reprises de corruption par les activistes pro-démocratie, a assuré à l’OCCRP qu’il pouvait exclure « totalement, sans équivoque et absolument » toute source illicite pour l’argent sur ses comptes, dont certains sont des comptes conjoints avec des membres de sa famille.

Les fonds sur l’un de ces comptes, dont le solde maximal a dépassé les 12 millions de francs suisses (13,1 millions de dollars), appartenait à sa femme, a-t-il indiqué. 

Abdel Halim Khaddam

Khaddam a endossé plusieurs fonctions en Syrie sous la présidence de Hafez al-Assad, qui a tenu le pays d’une main de fer et généralisé la torture et les violences étatiques pour réprimer la dissension, tandis que la corruption était endémique.

Ministre des Affaires étrangères puis vice-président, Khaddam a contribué à superviser l’occupation syrienne du Liban qui a pris fin en 2005 après les manifestations.

Les révélations montrent qu’il possédait un compte entre 1994 et 2006 avec un solde maximal de 89,7 millions de francs suisses (98 millions de dollars).

Le sultan Qabus ibn Saïd

Le défunt sultan d’Oman, qui détenait le record du plus long règne dans la région au moment de sa mort en 2020, détenait deux comptes au Crédit Suisse, l’un d’une valeur de 126 millions de dollars en 2003 et l’autre d’un solde de 57 millions de dollars en 2015.

Qabus ibn Saïd a présidé la transformation en son pays : de nation pauvre et négligée à puissance régionale en plusieurs décennies. Mais il tenait d’une main de fer les rênes du gouvernement, autorisant peu sinon aucune opposition et monopolisant la richesse au sein de la famille royale et ses associés.

Hussein Salem

Magnat égyptien et autre proche associé de Moubarak, Hussein Salem était titulaire de plusieurs comptes auprès du Crédit Suisse, dont l’un contenant des avoirs estimés à 105 millions de francs suisses en 2003 (79,3 millions de dollars). 

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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