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Syrie : la plus forte escalade des hostilités depuis quatre ans

La commission de l’ONU pour la Syrie va enquêter sur l’utilisation présumée d’armes à sous-munitions et d’armes incendiaires, alors que le conflit voit une augmentation marquée des attaques syriennes, russes, turques et israéliennes
Funérailles de membres des forces de sécurité kurdes (Assayech), tués lors d’une frappe de drone turc, à Amouda (nord-est), en Syrie, le 7 octobre 2023 (AFP)
Funérailles de membres des forces de sécurité kurdes (Assayech), tués lors d’une frappe de drone turc, à Amouda (nord-est), en Syrie, le 7 octobre 2023 (AFP)

La commission d’enquête internationale indépendante des Nations unies sur la Syrie enquête sur l’utilisation présumée d’armes interdites par le droit international, a déclaré à Middle East Eye le président de l’enquête, Paulo Pinheiro.

« Nous enquêtons sur des incidents présumés d’utilisation d’armes à sous-munitions et d’armes incendiaires et rendrons compte de nos conclusions détaillées en mars 2024 », a-t-il précisé vendredi 27 octobre.

« Nous appelons les parties au conflit à respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et des droits de l’homme, et à s’abstenir de mettre la vie des civils en danger pour un gain politique ou militaire perçu. »

« Nous sommes préoccupés par le fait que les civils subissent le plus gros des tirs d’artillerie et de roquettes qui se sont intensifiés, notamment sur des zones urbaines densément peuplées, dans plusieurs régions de Syrie au cours des dernières semaines », a-t-il ajouté.

Bombes au napalm

Un responsable de la Défense civile syrienne, connue sous le nom de Casques blancs, a déclaré à MEE : « Les forces du régime [les forces gouvernementales syriennes] ont lancé des attaques avec des armes interdites au niveau international dans neuf zones du nord-ouest de la Syrie, du début du mois d’octobre jusqu’à vendredi. »

« Dans la soirée du 6 octobre, des missiles sol-sol syriens, chargés de munitions à fragmentation, ont visé la ville de Termanin dans la province d’Idleb, tuant deux et blessant huit civils », a souligné Ahmed al-Yaziji, membre du Conseil d’administration des Casques blancs, stationné dans le nord de la Syrie.

« Les zones de Jisr al-Choghour, Atarib, al-Tawama, Darat Izza et al-Abzimo ont été ciblées par des missiles explosifs et incendiaires. Nous disposons d’un dossier complet qui explique en détail chacune des attaques. »

Des combattants basés dans le nord-ouest de la Syrie ont déclaré à MEE que selon eux, la ville de Sarmin, à l’ouest d’Idleb, avait été la cible jeudi 26 octobre des forces syriennes, avec des bombes au napalm, une arme chimique interdite.

« Nous assistons à la plus forte escalade des hostilités en Syrie depuis quatre ans », a déclaré mardi Paulo Pinheiro dans une déclaration à l’Assemblée générale de l’ONU.

Plus tôt ce mois-ci, les forces syriennes ont riposté à la suite d’une attaque contre une cérémonie de remise des diplômes à l’Académie militaire de Homs qui a tué au moins 123 personnes, dont des officiers et des parents d’étudiants diplômés, et en a blessé au moins 150, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme basé au Royaume-Uni.

En seulement quatre jours de bombardements terrestres sur la grande région d’Idleb, quelque 200 civils ont été tués ou blessés.

« En représailles apparentes à une attaque qui a blessé deux membres des forces de sécurité turques à Ankara le 1er octobre, la Turquie aurait répondu par de lourds bombardements contre les Forces démocratiques syriennes [FDS, soutenues par les États-Unis] à Hassaké [une ville du nord-est de la Syrie] », a-t-il précisé.

Traduction : « Une crise humanitaire déjà désastreuse, encore aggravée. Dans le nord-est de la Syrie, des millions de personnes sont confrontées à un accès irrégulier à l’eau et à l’électricité après que les frappes de drones turcs ont ravagé les infrastructures critiques. Nouveau rapport. »

Les frappes de drones menées par la Turquie sur les zones contrôlées par les Kurdes dans le nord-est de la Syrie entre le 5 et le 10 octobre ont endommagé des infrastructures critiques et entraîné des perturbations dans l’approvisionnement en eau et en électricité de millions de personnes, a déclaré Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié jeudi.

Citant des groupes civils, HRW a déclaré qu’il y avait eu 150 attaques dans la région, à l’origine de dizaines de morts.

« En ciblant les infrastructures critiques dans le nord-est de la Syrie, notamment les centrales électriques et hydrauliques, la Turquie a manqué à sa responsabilité de garantir que ses actions militaires n’aggravent pas la crise humanitaire déjà désastreuse de la région », a dénoncé Adam Coogle, directeur adjoint de HRW pour le Moyen-Orient.

Aéroports hors service

En plus des attaques syriennes, russes et turques, le nord et le sud de la Syrie ont également été attaqués par Israël, qui a mis hors service les aéroports internationaux de Damas et d’Alep à quatre reprises depuis le début de la guerre israélo-palestinienne, le 7 octobre.

Israël, qui a lancé des milliers d’attaques contre la Syrie au cours de la dernière décennie, revendique rarement la responsabilité de ses attaques.

Traduction : « Conséquences de l’attaque de missiles par les forces du régime sur le village de Kafr Nouran, à l’ouest d’Alep, après minuit, aujourd’hui dimanche 29 octobre. Certains des missiles étaient chargés de munitions incendiaires interdites au niveau international. »

« En réponse aux tirs de roquettes depuis la Syrie vers Israël hier, des avions de combat de Tsahal ont frappé des infrastructures militaires et des lance-mortiers appartenant à l’armée syrienne », a déclaré mercredi l’armée israélienne dans un communiqué sur X.

Le ministère syrien de la Défense a déclaré dans un communiqué sur Facebook que l’attaque avait tué huit soldats.

Le ministère a déclaré le 12 octobre que l’armée syrienne continuerait à « frapper les rebelles » dans le nord du pays, les décrivant comme le bras armé de l’armée israélienne. Depuis, le ministère publie des vidéos présentant des attaques contre les combattants, les qualifiant de « terroristes ».

Des violences sans fin

Une source militaire rebelle a déclaré à MEE que deux professionnels des médias, soupçonnés d’être liés à Hayat Tahrir al-Cham, le groupe islamiste qui contrôle Idleb, ont été blessés lors d’une attaque.

« Les attaques touché des installations et des infrastructures civiles dans la région », a aussi rapporté à MEE Suhaib Mukhal, avocat et militant des droits humains basé à Idleb. « Il y a eu des tentatives de bombardement et de destruction du cadastre, de la direction de l’Éducation et du ministère de l’Agriculture, et l’hôpital universitaire a également été bombardé. Il est clair que le but de ces attaques est de déstabiliser la sécurité. »

« En seulement quatre jours, au moins treize installations médicales et onze écoles ont été endommagées et des dizaines de milliers de personnes ont de nouveau été déplacées à l’intérieur du pays »

- Paulo Pinheiro, président de la commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie

« En seulement quatre jours, au moins treize installations médicales et onze écoles ont été endommagées et des dizaines de milliers de personnes ont de nouveau été déplacées à l’intérieur du pays, fuyant les intenses bombardements », a déclaré Paulo Pinheiro à MEE.

« Par principe, nous considérons l’engagement et le dialogue de toutes les parties comme nécessaires et importants pour trouver une solution juste et pacifique au conflit en Syrie, garantir la responsabilité et restaurer les droits humains fondamentaux qui ont été si longtemps bafoués. »

« En tant que commission ayant documenté de graves violations des droits de l’homme au cours des douze dernières années, notre message serait de ne pas oublier les victimes de ce conflit, et de veiller à ce que le dialogue et l’engagement soient également axés sur l’action visant à protéger les droits de la population civile qui a supporté le poids de la guerre. »

Des centaines de milliers de civils ont été tués en Syrie depuis le début de la guerre civile en 2011, tandis que des millions de personnes ont été déplacés.

Traduit de l’anglais (original).

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