Les batailles juridiques qui attendent Donald Trump en cas de défaite
Donald Trump s’accroche de toutes ses forces à la Maison-Blanche. S’il perd, un résultat de plus en plus probable, il perdra également les protections que lui offrait le statut de président.
Son statut de président l’a protégé jusqu’à présent, mais Trump pourrait se retrouver confronté à de nombreuses poursuites à titre personnel s’il n’était pas réélu.
Si Joe Biden obtient suffisamment de voix au collège électoral, l’homme d’affaires et star de téléréalité se retrouvera potentiellement face à une profusion de procès au pénal, allant de la perception indue d’émoluments à des accusations de viol.
Le biographe de Trump, David Johnston, a même mis en garde le président sortant : en quittant le Bureau ovale, il pourrait aller en prison.
« Absolument, si nous sommes une nation d’égalité devant la justice et que Trump est condamné pour des délits graves » a-t-il déclaré au Washington Monthly. « Tout cela reste totalement impossible à prévoir. »
Certaines voix à Washington ont suggéré qu’une structure formelle enquêtera sur Trump lorsqu’il redeviendra un simple citoyen.
En août, Eric Swalwell, représentant de la Californie au Congrès, a lancé l’idée d’une « commission des crimes présidentiels », composée de procureurs indépendants qui pourraient interroger « ceux qui ont donné des moyens à un président corrompu ».
Avant les résultats de l’élection présidentielle américaine, MEE passe en revue certains des nombreux procès impliquant Donald Trump.
Fraude fiscale, fraude bancaire, fraude à l’assurance...
L’affaire la plus sérieuse à laquelle sera confronté Trump est l’enquête du procureur de Manhattan sur les rouages financiers de The Trump Organization.
Au sujet de cette affaire, les procureurs ont indiqué dans les dossiers de l’enquête que Trump pourrait être rendu coupable d’un certain nombre de crimes, notamment de fraude fiscale, de fraude bancaire et de fraude à l’assurance, ainsi que de falsification de documents commerciaux.
« Une enquête après le départ de Trump de la Maison-Blanche révèlerait certainement de nombreux crimes fédéraux, dont l’évasion fiscale, la fraude informatique, la fraude bancaire, la fraude à l’assurance, le blanchiment d’argent, et des infractions aux lois relatives au financement de campagne », indique à Middle East Eye Laurence Tribe, professeur à l’Université de Harvard.
Les procureurs de New York réclament huit ans de déclarations de revenus de Trump, ce que le président a tenté de bloquer à de nombreuses reprises. En juillet, le président, qui voulait bloquer l’exécution d’une assignation à comparaître devant un grand jury qui exige ces déclarations de revenus, a perdu devant la cour d’appel.
Selon Laurence Tribe, « aucune grâce présidentielle ne peut protéger Trump ou quiconque des poursuites d’un État ».
Obstruction à la justice
Dans le rapport Mueller, résultat de deux années d’enquêtes sur l’ingérence russe lors des élections américaines qui a fait les gros titres lorsqu’elle a été révélée, le conseiller spécial Robert Mueller a découvert un certain nombre d’affaires dans lesquelles Trump a fait obstruction à la justice.
Par exemple, lorsque ce dernier a suggéré au directeur du FBI James Comey d’abandonner une enquête sur son ancien conseiller à la sécurité nationale, Michael Flynn avant de… limoger Comey.
Si Robert Mueller n’est pas allé jusqu’à recommander une inculpation au pénal, affirmant qu’un président en exercice ne peut être inculpé, le président pourrait ne plus bénéficier de cette protection une fois qu’il aura quitté ses fonctions.
Le conseiller spécial n’a pas non plus dégagé Trump des accusations d’obstruction.
La décision d’engager des poursuites par une administration Biden contre le président dépendra surtout de la personne choisie comme ministre de la Justice, fait remarquer Laurence Tribe.
Infractions aux lois sur le financement des campagnes
En 2018, l’avocat personnel de Trump Michael Cohen a été condamné à trois ans de prison après avoir plaidé coupable d’infraction aux lois sur le financement des campagnes, de fraude fiscale, et d’avoir menti à des banques.
Lors de son témoignage devant le Sénat américain, l’avocat a déclaré que Donald Trump lui avait donné pour instruction d’acheter le silence de l’actrice de films X Stormy Daniels, qui prétendait avoir une liaison avec le président.
Tout comme pour l’obstruction à la justice, sans le mandat de président pour le protéger, Donald Trump pourrait être inculpé dans cette affaire. Et une possible administration Biden ne le graciera vraisemblablement pas.
« Je doute qu’une administration Biden pardonne l’un de ces crimes car l’ancien vice-président a été clair : il va revenir aux procédures et protocoles habituels de grâce », souligne Laurence Tribe.
« Il est hautement improbable que les conditions normales d’amnistie pour accorder la grâce présidentielle soient réunies en ce qui concerne une quasi-frénésie de délits de la part de Donald Trump. »
Violation de la Constitution sur la perception d’émoluments
Trump est également confronté à des poursuites alléguant qu’il a violé la clause de la Constitution concernant les émoluments en acceptant des paiements de la part de responsables étrangers et américains ayant séjourné dans les hôtels du président.
La clause de la Constitution américaine de 1787 sur les émoluments étrangers interdit au président d’accepter tout somme d’États étrangers à moins d’obtenir au préalable le consentement du Congrès.
Trump a reçu de nombreux cadeaux de dirigeants étrangers, notamment de l’Arabie saoudite, soit environ 80 articles, notamment une dague d’argent pur avec un fourreau de nacre.
Le président sortant fait également l’objet d’une enquête pour avoir accepté de l’argent de représentants de Riyad après leur séjour dans les hôtels du président.
Par exemple, le gouvernement saoudien a payé 270 000 dollars au Trump International Hotel de Washington entre novembre 2016 et février 2017 ; l’ambassade du Koweït a organisé une fête dans l’hôtel de Trump, laquelle a coûté jusqu’à 60 000 dollars ; et le Premier ministre malaisien et sa délégation ont tous séjourné dans le même hôtel en septembre 2017.
« Les cadeaux et autres avantages financiers qu’a reçus le président Trump de la part de diverses puissances étrangères notamment l’Arabie saoudite enfreignent certainement la clause sur les émoluments étrangers de l’article premier de la Constitution américaine », affirme Laurence Tribe à MEE.
« De telles poursuites ne pourraient cependant plus être engagées une fois que Trump a quitté ses fonctions car son départ mettrait automatiquement fin aux infractions et rendrait caduc un recours juridique. »
Assignation à comparaître dans l’affaire Khashoggi
Le mois dernier, Hatice Cengiz, fiancée du journaliste saoudien assassiné Jamal Khashoggi, également chroniqueur pour Middle East Eye, a engagé des poursuites contre le prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS), accusant le monarque d’avoir ordonné cet assassinat.
Si Donald Trump ne risque pas d’être poursuivi pour une quelconque implication dans ce meurtre, il y a des chances qu’il puisse être appelé à témoigner.
S’exprimant au sujet du prince héritier et de l’assassinat du journaliste dans une interview accordée au journaliste américain Bob Woodward, Trump a affirmé avoir « sauvé [son] c** ».
« Le président Trump peut certainement recevoir une assignation à comparaître et à témoigner », indique à MEE George Bisharat, professeur à l’École de droit Hastings de l’Université de Californie à San Francisco.
« Mais il a le droit de prendre l’initiative de ne pas répondre à de telles convocations, notamment au motif que son témoignage n’apporterait aucun fait matériel au Parquet. »
Si la plaignante est en mesure de soutenir que MBS a confié au président américain des détails de l’assassinat, notamment au sujet du déploiement d’un escadron, celui-ci pourrait être contraint de se présenter devant le tribunal.
Quoi qu’il en soit, « Trump résistera résolument à une telle issue », relève le professeur.
Violation du droit international dans le meurtre de Qasem Soleimani
Plus tôt cette année, l’Iran a fait part de son intention d’engager des poursuites contre Donald Trump devant la Cour pénale internationale (CPI) suite au meurtre du général iranien Qassem Soleimani.
Même si les poursuites n’ont pas encore été engagées et que les États-Unis ne font plus partie de la CPI, il existe des preuves évidentes selon lesquelles Trump a enfreint le droit international.
Agnès Callamard, rapporteure spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, avait précédemment affirmé que l’attaque contre Soleimani constituait très probablement « une violation du droit international ».
Néanmoins, sans la compétence appropriée, toute action en justice se limiterait à un coup médiatique de la part de l’Iran.
« Je ne crois pas que le président Trump risque réellement d’être inculpé par la CPI en raison de l’absence de compétence vis-à-vis de ce crime présumé », nuance George Bisharat.
Le professeur de droit constate que de nombreuses violations commises par Donald Trump dans le cadre de ses relations avec les pays étrangers n’iront probablement pas jusqu’aux tribunaux. Il est toujours possible, toutefois, que Trump soit poursuivi pour la multitude d’autres crimes dont il est accusé.
« Pour ceux qui pensent que le président Trump a commis de nombreuses atteintes au droit national et international, ces conclusions pourraient sembler décevantes », concède le professeur.
« Mais il demeure fort possible que le président Trump fasse l’objet d’une enquête et soit poursuivi pour des crimes financiers, probablement par l’État de New York, sinon par le département américain de la Justice. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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