Aller au contenu principal

La Tunisie arrête un blogueur populaire pour insulte au président

Salim al-Jabali, animateur d’une page Facebook qui commente la politique, est poursuivi devant un tribunal militaire après une plainte de la présidence tunisienne
Près de dix ans après la révolte populaire qui a évincé le président Zine el-Abidine Ben Ali, les restrictions s’appliquant à la liberté d’expression et les arrestations d’activistes et de blogueurs continuent (AFP/Fethi Belaid)
Près de dix ans après la révolte populaire qui a évincé le président Zine el-Abidine Ben Ali, les restrictions s’appliquant à la liberté d’expression et les arrestations d’activistes et de blogueurs continuent (AFP/Fethi Belaid)
Par MEE

Les autorités tunisiennes ont arrêté lundi 31 mai un célèbre blogueur accusé d’avoir insulté le président Kais Saied, ont rapporté plusieurs médias locaux.

Salim Jabali, qui gère la populaire page Facebook « le ministre de l’Hypertension et du Diabète », un compte humoristique qui fait référence aux maux associés au stress, a été arrêté après un dépôt de plainte de la présidence tunisienne, a annoncé Nessma TV.

Al-Masdar Tunis a signalé que Jabali serait poursuivi devant un tribunal militaire.

Liberté d’expression en Tunisie : oui, mais jusqu’où ?
Lire

« Salim Jabali, ministre de l’Hypertension et du Diabète, n’a pas volé ou kidnappé ni même insulté qui que ce soit… Il est accusé de critiquer sa majesté la dirigeante et [conseillère du président] Nadia Akacha, alors il s’est retrouvé devant la justice militaire après son arrestation aujourd’hui », indique la page dans une publication confirmant l’arrestation de Jabali ce lundi.

Dans d’autres commentaires, les administrateurs de la page ont reproché à l’armée tunisienne son implication dans les poursuites.

« Pourquoi l’institution militaire accepte que le président se serve d’elle comme bâton pour effrayer le peuple ? », s’interroge une publication.

Le plus grand parti politique tunisien, Ennahdha, qui est en désaccord avec Kais Saied depuis son arrivée au pouvoir fin 2019, a déclaré dans un communiqué qu’il s’opposait aux arrestations de blogueurs et à ce qu’ils soient déférés devant les tribunaux militaires.

Inquiétudes pour la liberté d’expression

La transition vers la démocratie de la Tunisie est souvent saluée comme la seule réussite des soulèvements du Printemps arabe contre les autocrates au Moyen-Orient et en Afrique du Nord en 2011.

Mais les restrictions s’appliquant à la liberté d’expression et les arrestations d’activistes et de blogueurs continuent, près de dix ans après la révolte populaire qui a évincé le président Zine el-Abidine Ben Ali.

L’année dernière, Amnesty International a prévenu que la liberté d’expression en Tunisie était en danger en raison de la multiplication des poursuites pour des publications sur les réseaux sociaux, notant qu’au moins une quarantaine de blogueurs ont été arrêtés entre 2018 et 2020.

Les réseaux sociaux s’enflamment pour une internaute tunisienne poursuivie pour une parodie du Coran
Lire

« Il est extrêmement perturbant de voir des blogueurs et des activistes être visés par des poursuites pénales en vertu de lois qui remontent à l’époque de la répression en Tunisie, et ce, dix ans après la révolution, simplement pour avoir publié leurs avis sur Facebook », estimait Amna Guellali de Amnesty dans un communiqué à l’époque.

« Au lieu d’essayer de museler les critiques, les autorités tunisiennes devrait défendre le droit de chacun à s’exprimer librement et en toute sécurité sans craindre de représailles. »

Kais Saied, ancien professeur de droit avec peu d’expérience politique avant de se présenter à la présidence, a été élu en 2019, succédant à Béji Caïd Essebsi qui est mort pendant son mandat la même année.

Fin mai, MEE a révélé qu’un document top-secret avait été adressé à Nadia Akacha, esquissant un projet potentiel pour que Kais Saied organise un coup d’État afin de concentrer les pouvoirs et de déclarer une dictature constitutionnelle dans un contexte de crise économique qui s’aggrave.

La semaine dernière, le chef de l’État a confirmé l’authenticité du document. Il a souligné qu’il l’avait simplement reçu, mais ne l’avait pas approuvé et n’était pas impliqué.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].