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La Tunisie sommée de donner aux détenus politiques accès à la justice

La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) a notamment ordonné au gouvernement tunisien d’informer les détenus politiques, leurs familles et leurs avocats, des raisons à leur détention continue
Le chef du mouvement islamo-conservateur Ennahdha, Rached Ghannouchi, est détenu depuis la mi-avril pour avoir affirmé que la Tunisie serait menacée d’une « guerre civile » si les partis de gauche ou ceux issus de l’islam politique comme Ennahdha y étaient éliminés (AFP)
Le chef du mouvement islamo-conservateur Ennahdha, Rached Ghannouchi, est détenu depuis la mi-avril pour avoir affirmé que la Tunisie serait menacée d’une « guerre civile » si les partis de gauche ou ceux issus de l’islam politique comme Ennahdha y étaient éliminés (AFP)
Par MEE

La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) a ordonné au gouvernement tunisien, vendredi 1er septembre, de permettre aux prisonniers politiques d’avoir accès à leurs avocats et à leurs médecins.

La cour a accordé au gouvernement tunisien un délai de quinze jours pour « éliminer tous les obstacles » auxquels sont confrontés les détenus, y compris l’ancien président du Parlement, Rached Ghannouchi.

La décision de la cour, basée en Tanzanie, fait suite à une demande déposée en mai par les familles des détenus.

Avant de rendre une décision écrite complète sur la libération éventuelle des détenus, la cour a demandé aux autorités tunisiennes de fournir davantage d’informations sur leurs cas.

La cour a conclu que leur détention continue pourrait entraîner un « préjudice irréparable » et qu’ils se trouvent dans une situation de « danger imminent ».

Dans sa décision, la cour a également ordonné au gouvernement tunisien d’informer les détenus politiques, leurs familles et leurs avocats des raisons à leur détention continue, en leur fournissant spécifiquement « des informations adéquates et des faits relatifs au fondement juridique et factuel de la détention ».

La cour a également estimé que « les procédures suivies lors de l’arrestation et de l’incarcération des [détenus] ne sont pas claires, en particulier en ce qui concerne la clarification des accusations auxquelles ils répondent ».

Enfin, la cour a précisé que « le danger auquel sont confrontés les quatre [détenus] est réel et non théorique ».

Une répression de plus en plus sévère

En juillet 2021, le président tunisien Kais Saied a dissous unilatéralement le Parlement, présentant cette mesure comme un pas vers une « véritable démocratie », marquant une rupture nette avec la classe politique, les institutions et les « élites corrompues ».

Puis il a progressivement concentré de vastes pouvoirs non contrôlés, qui ont  ensuite été inscrits dans une Constitution sur mesure par laquelle, selon l’opposition, Saied a ouvert la voie à un « régime dictatorial honteux ».

La prise de pouvoir de Saied en 2021 a marqué le début d’une campagne de détentions qui a touché l’opposition politique et le pouvoir judiciaire.

Une répression de plus en plus sévère et une crise économique qui s’aggrave ont entraîné une augmentation des départs des Tunisiens par des routes de contrebande dangereuses.

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Saied, populiste enflammé, s’est présenté comme un outsider capable de s’attaquer aux partis politiques tunisiens qui voyaient la démocratie progresser mais aussi les défis économiques s’accumuler dans ce pays de 12 millions d’habitants.

Malgré les promesses de redressement, Saied se retrouve avec une inflation vertigineuse et des pénuries de biens de première nécessité. Plus tôt cette année, il a rejeté un prêt du FMI, que les économistes estiment nécessaire pour éviter l’effondrement économique du pays, affirmant que l’organisme émettait des « diktats venus de l’étranger ».

Les États-Unis et leurs partenaires occidentaux oscillent entre la réprimande et l’engagement envers Saied.

Traduction de l’anglais (original).

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