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Un complot pour « changer la composition démographique » de la Tunisie : Kais Saied dérape en parlant de l’immigration subsaharienne

Pour le président tunisien, il faut « mettre rapidement fin » à la présence en Tunisie de « hordes de migrants clandestins », source de « violence, de crimes et d’actes inacceptables »
Les propos de chef de l’État tunisien sur les migrants subsahariens ont choqué l’opinion publique et la société civile (AFP/Fethi Belaid)
Les propos du chef de l’État tunisien sur les migrants subsahariens ont choqué l’opinion publique et la société civile (AFP/Fethi Belaïd)

Le président tunisien Kais Saied a prôné mardi des « mesures urgentes » contre l’immigration clandestine d’Africains subsahariens dans son pays, affirmant que leur présence était source de « violence et de crimes ».

Le chef de l’État a présidé une réunion du Conseil de sécurité nationale « consacrée aux mesures urgentes qui doivent être prises pour faire face à l’arrivée en Tunisie d’un grand nombre de migrants clandestins en provenance d’Afrique subsaharienne », selon un communiqué de la présidence.

Lors de cette réunion, Kais Saied a tenu un discours extrêmement dur sur l’arrivée de « hordes de migrants clandestins » dont la présence en Tunisie est selon lui source de « violence, de crimes et d’actes inacceptables », insistant sur « la nécessité de mettre rapidement fin » à cette immigration.

Il a en outre soutenu que cette immigration clandestine relevait d’une « entreprise criminelle ourdie à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie », afin de la transformer en un pays « africain seulement » et estomper son caractère « arabo-musulman ».

Il a appelé les autorités à agir « à tous les niveaux, diplomatiques, sécuritaires et militaires » pour faire face à cette immigration et à « une application stricte de la loi sur le statut des étrangers en Tunisie et sur le franchissement illégal des frontières ».

« Ceux qui sont à l’origine de ce phénomène font de la traite d’êtres humains tout en prétendant défendre les droits humains », a-t-il encore dit, selon le communiqué de la présidence. 

Montée d’un « discours haineux »

Cette charge du président tunisien contre les migrants subsahariens survient quelques jours après qu’une vingtaine d’ONG tunisiennes ont dénoncé jeudi 16 février la montée d’un « discours haineux » et du racisme à leur égard. 

Selon ces organisations, « l’État tunisien fait la sourde oreille sur la montée du discours haineux et raciste sur les réseaux sociaux et dans certains médias ».

Ce discours « est même porté par certains partis politiques, qui mènent des actions de propagande sur le terrain facilitées par les autorités régionales », ont-elles ajouté.

Traduction : « Une nouvelle vague de haine et de racisme, ciblant les migrants et les réfugiés d’Afrique subsaharienne, se propage lentement à travers la Tunisie. Des rassemblements et des campagnes se mettent en place et l’ampleur du racisme est effrayante. »

Dénonçant « les violations des droits humains » dont sont victimes les migrants, les ONG avaient déjà appelé, le 16 février, les autorités tunisiennes « à lutter contre les discours de haine, la discrimination et le racisme envers eux et à intervenir en cas d’urgence pour garantir la dignité et les droits des migrants ».

La Tunisie, dont certaines portions du littoral se trouvent à moins de 150 km de l’île italienne de Lampedusa, enregistre très régulièrement des tentatives de départ de migrants, en grande partie des Africains subsahariens, vers l’Italie.

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Une ONG spécialisée dans les questions migratoires a dénoncé mercredi le discours « raciste et haineux » du président tunisien.

« Ce discours provoque une grande déception et une grande consternation », a réagi auprès de l’AFP Romdhane Ben Amor, porte-parole du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES).

« Ce discours raciste et haineux marque un jour triste. Le fait que le président d’un pays signataire de conventions internationales sur l’immigration tienne un tel discours est extrêmement grave », a-t-il souligné.

Selon des chiffres officiels cités par le FTDES, la Tunisie, un pays de quelque 12 millions d’habitants, compte plus de 21 000 Africains subsahariens, en majorité en situation irrégulière.

Zemmour applaudit

Plusieurs utilisateurs des réseaux sociaux ont comparé le commentaire de Saied au « grand remplacement », une théorie du complot selon laquelle les Blancs en France seraient « remplacés » par des étrangers, principalement d’Afrique du Nord et subsaharienne.

Éric Zemmour, une personnalité politique française d’extrême droite qui s’est présentée à la course à la présidence l’année dernière, a approuvé les commentaires de Saeid.

« Les pays du Maghreb eux-mêmes commencent à sonner l’alarme face au déferlement migratoire. Ici, c’est la Tunisie qui veut prendre des mesures urgentes pour protéger son peuple », a tweeté Zemmour. « Qu’attendons-nous pour lutter contre le Grand Remplacement ? », poursuit-il.

Zemmour, qui a obtenu 7 % des voix au premier tour de la dernière présidentielle, a construit son offre politique autour de la théorie du complot et de la rhétorique anti-immigrés.

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