Tunisie : les opposants traités comme « des criminels », dénonce une militante de premier plan
L’opposante tunisienne Chaïma Issa a été condamnée mercredi 13 décembre à un an de prison avec sursis par un tribunal militaire qui l’a notamment reconnue coupable d’« offense » au président Kais Saied sur la base de déclarations dans les médias, selon ses avocats.
« La justice militaire condamne la militante politique Chaïma Issa à un an de prison avec sursis », a écrit sur Facebook, l’une de ses avocates, Islem Hamza.
Une autre membre de son équipe de défense, l’avocate Dalila Ben Mbarek Msaddek a précisé, également sur Facebook, que Chaïma Issa avait été condamnée à six mois de prison pour « incitation » aux militaires à désobéir aux ordres, à quatre mois pour « offense » au chef de l’État et de deux mois pour « propagation de rumeurs » dans le but de nuire à la sécurité publique.
En #Tunisie, la militante Chaima Issa vient d’être condamnée à un an de prison avec sursis par un tribunal militaire pour avoir critiqué le président Kais Saied. Elle n’aurait jamais dû être poursuivie pour avoir exprimé ses opinions, ni jugée par un tribunal militaire @hrw_fr https://t.co/Yc8lJ8zzS5
— Salsabil Chellali (@SaChellali) December 13, 2023
La militante, une des chefs de file de l’opposition, avait affirmé après son audition mardi devant un tribunal militaire que les opposants au président Saied étaient traités comme « des criminels ».
« Nous ne sommes pas des criminels. Nous ne sommes pas des comploteurs. Nous ne sommes pas des traîtres. Nous sommes des politiciens, opposants au coup d’État du 25 juillet [2021] », a-t-elle dit.
Kais Saied, un ancien professeur de droit constitutionnel, a été démocratiquement élu président en 2019 sur la promesse de combattre la corruption et de mettre fin au chaos politique. Mais en 2021, il s’est arrogé tous les pouvoirs puis a dissous le Parlement dont Rached Ghannouchi était président. Depuis, il a arrêté des journalistes, des militants et des opposants politiques dans ce qu’Amnesty International a qualifié de « chasse aux sorcières à motivation politique ».
Justice militaire
Chaïma Issa, 43 ans, membre du Front de salut national (FSN, coalition politique rassemblant partis et mouvements opposés à la prise de pouvoir de Kais Saied), avait été emprisonnée en février lors d’arrestations en série ayant touché aussi le cofondateur du FSN, Jaouhar Ben Mbarek, et le président du mouvement islamo-conservateur Ennahdha, Rached Ghannouchi, condamné en octobre en appel à quinze mois de prison ferme pour « apologie du terrorisme »
Le président Kais Saied a qualifié les personnes arrêtées de « terroristes », affirmant qu’elles étaient impliquées dans un « complot contre la sûreté de l’État ».
Contrairement à ces deux derniers, toujours incarcérés, l’opposante a été libérée le 13 juillet en même temps que Lazhar Akremi, un ancien ministre, mais elle restait poursuivie en justice.
L’avocat Samir Dilou, membre de son comité de défense, a critiqué sa comparution devant une instance militaire, « en vertu du fameux décret 54 qui punit les fausses informations ». « C’est dangereux », a-t-il argué au micro de l’AFPTV.
L’opposante a simplement participé à une émission à la radio et se retrouve « poursuivie devant la justice militaire avec des accusations graves » d’atteinte au président et « d’incitation aux militaires à ne pas obéir aux ordres de leurs supérieurs », a protesté Samir Dilou.
Soutenue par quelques partisans auxquels elle a adressé le signe de la victoire, Chaïma Issa a critiqué le fait d’être « traduite devant le pôle antiterroriste de la justice militaire » et traitée comme « une dangereuse criminelle ».
Le 5 octobre, la police a arrêté l’opposante Abir Moussi, cheffe du Parti destourien libre, un mouvement nostalgique des régimes du héros de l’indépendance Habib Bourguiba et de son successeur Zine el-Abidine Ben Ali, renversé en 2011 lors de la révolution qui a marqué le début du Printemps arabe.
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