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Tunisie : un juge menace d’arrêter Rached Ghannouchi

Le président d’Ennahdha est de nouveau convoqué devant la justice mardi 21 février. S’il ne se présente pas, un juge l’a prévenu : un mandat d’arrêt sera émis
Le président du parti islamo-conservateur Ennahdha et ex-président du Parlement, 81 ans, a été convoqué à une audience le 14 février mais n’a pas pu s’y rendre pour des raisons de santé (AFP)
Le président du parti islamo-conservateur Ennahdha et ex-président du Parlement, Rached Ghannouchi, 81 ans, a été convoqué à une audience le 14 février mais n’a pas pu s’y rendre pour des raisons de santé (AFP)
Par MEE

Un juge tunisien a menacé d’arrêter le chef de l’opposition Rached Ghannouchi s’il ne se présentait pas devant le tribunal cette semaine, a déclaré son bureau à Middle East Eye.

Le président du parti islamo-conservateur Ennahdha et ex-président du Parlement, âgé de 81 ans, a été convoqué à une audience le 14 février mais n’a pas pu s’y rendre pour des raisons de santé.

Un juge du parquet antiterroriste de Tunis a reporté l’audience au mardi 21 février à la demande des représentants de Ghannouchi.

« C’est la septième fois au cours de ces derniers mois que M. Ghannouchi est convoqué par la justice de Kais Saied »

- Le bureau de Rached Ghannouchi

Mais il a déclaré que si le leader politique ne se présentait pas pour quelque raison que ce soit, un mandat d’arrêt serait émis contre lui, ont ajouté les représentants de Ghannouchi.

En présence d’une nombre inhabituellement élevé de policiers au tribunal, le juge aurait ensuite déclaré à un interlocuteur au téléphone : « Nous n’avons pas procédé à l’arrestation, Monsieur », rapporte une source au courant de l’audience.

Ces menaces surviennent alors que les autorités ont arrêté au moins dix opposants de premier plan au président Kais Saied la semaine dernière.

« C’est la septième fois au cours de ces derniers mois que M. Ghannouchi est convoqué par la justice de Kais Saied pour être interrogé sur de fausses accusations fabriquées de toutes pièces », a déclaré le bureau de Ghannouchi à MEE.

Vague d’arrestations

« Au vu de la récente vague d’arrestations de dirigeants de l’opposition, de journalistes et de syndicalistes, nous craignons que M. Ghannouchi soit placé en détention sur ordre de Saied. »

Le ministère tunisien de la Justice n’avait pas répondu à la demande de commentaires de MEE au moment de la publication.

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La Tunisie est plongée dans une crise politique, doublée d’une crise économique, depuis que Kais Saied a suspendu unilatéralement le Parlement et dissous le gouvernement en 2021, dans ce que beaucoup ont qualifié de « coup d’État constitutionnel ».

Il a ensuite gouverné par décret avant de faire adopter une nouvelle Constitution qui consacre son règne personnel.

Rached Ghannouchi, critique féroce du coup de force de Saied, a depuis été impliqué dans des enquêtes sur des affaires de blanchiment d’argent et d’incitation à la violence qui, selon les critiques, sont politiquement motivées.

L’an dernier, une interdiction de voyager a été prononcée à son encontre, tandis que ses comptes bancaires tunisiens ainsi que ceux de plusieurs proches et membres de son parti ont été gelés.

Il a comparu devant le tribunal pour interrogatoire en juillet et en novembre, et des membres d’Ennahdha ont été arrêtés dans le cadre des enquêtes en cours.

Ennahdha nie toutes les accusations portées contre ses membres.

Traduction : « Tunisie : la démocratie en suspens ? »

Rached Ghannouchi avait précédemment qualifié les procès de « problème inventé » par les autorités « visant à détourner l’attention du peuple tunisien des vrais problèmes auxquels nous sommes confrontés ».

La semaine dernière, les autorités ont arrêté les hauts dirigeants d’Ennahdha Noureddine Bhiri et Faouzi Kamoun parmi d’autres opposants à Saied.

Ils ont également arrêté le directeur de la radio Mosaïque FM, deux magistrats, un haut responsable de la puissante Union générale tunisienne du travail (UGTT) et un homme d’affaires controversé.

Escalade

Les arrestations ont soulevé des inquiétudes quant à une répression plus large de la dissidence et ont suscité des appels de l’opposition, des militants et du Bureau des droits de l’homme des Nations unies pour leur libération immédiate.

Le ministre des Affaires étrangères Nabil Ammar a déclaré que les arrestations étaient liées à la sécurité nationale du pays et a rejeté l’accusation selon laquelle elles étaient politiques.

Kais Saied a qualifié ces détenus de « terroristes qui doivent être tenus légalement responsables ».

L’UGTT, qui a d’abord évité de prendre parti après le coup de force de Saied, a organisé samedi une manifestation contre le gouvernement.

Des milliers de manifestants sont descendus dans la rue pour dénoncer la récente répression politique et les difficultés économiques subies sous le règne de Kais Saied, marquant une escalade dans la confrontation du syndicat avec le président.

Traduit de l’anglais (original).

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