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Heurts à Sfax entre Tunisiens et migrants d’Afrique subsaharienne

Sfax, deuxième ville de Tunisie, est le point de départ d’un grand nombre de traversées illégales de migrants clandestins vers l’Italie
Dimanche 25 juin, ils étaient des centaines à manifester, en scandant « Protéger Sfax », devant la préfecture de la ville (AFP/Houssem Zouari)
Dimanche 25 juin, ils étaient des centaines à manifester, en scandant « Protéger Sfax », devant la préfecture de la ville (AFP/Houssem Zouari)

La justice a ouvert lundi une enquête à la suite de heurts entre des migrants d’Afrique subsaharienne en situation irrégulière et des habitants de Sfax, deuxième ville de Tunisie (centre-est) où l’immigration clandestine suscite de vives tensions depuis des mois.

Les affrontements, à coups de jets de pierres, ont opposé des migrants à des habitants du quartier de Rabd, a indiqué à l’AFP le porte-parole du Parquet de Sfax, Faouzi Masmoudi.

Ce qui se dit aujourd'hui dans les médias sur les ressortissants d'Afrique subsaharienne à Sfax est une horreur absolue… D'une violence insupportable, la nausée. #Tunisie

— Monia Ben Hamadi (@MoniaBH) July 3, 2023

Des véhicules et des habitations ont été endommagés lors de ces heurts qui n’ont pas fait de victime, a précisé le responsable.

Une enquête a été ouverte pour déterminer les responsables et les causes de ces violences, a-t-il ajouté.

Selon des médias locaux, la police est intervenue en faisant usage de gaz lacrymogène pour mettre fin aux heurts et une maison aurait été incendiée.

Des centaines à manifester

Sfax, dans le centre-est de la Tunisie, est le point de départ d’un grand nombre de traversées illégales vers l’Italie.

Ses habitants protestent régulièrement contre la présence de migrants en situation irrégulière dans leur ville et réclament leur départ. Dimanche 25 juin, ils étaient des centaines à manifester, en scandant « Protéger Sfax », devant la préfecture de la ville, à l’appel d’un mouvement local, Sayeb trottoir.

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Le président de ce mouvement Zied Mallouli considère la présence des migrants clandestins comme « une menace contre la sûreté des habitants de Sfax ».

Dans les quartiers populaires de la ville où habitent les migrants, des violences verbales et physiques éclatent souvent entre les deux parties.

Ces violences se sont multipliées après un discours le 21 février du président Kais Saied, qui a prôné des « mesures urgentes » contre l’immigration clandestine d’Africains subsahariens dans son pays, affirmant que leur présence était source de « violence et de crimes ».

Il a aussi soutenu à cette occasion que cette immigration clandestine relevait d’une « entreprise criminelle ourdie à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie », afin de la transformer en un pays « africain seulement » et estomper son caractère « arabo-musulman ».

Cette charge du président tunisien contre les migrants subsahariens est survenue quelques jours après qu’une vingtaine d’ONG tunisiennes ont dénoncé la montée d’un « discours haineux » et du racisme à leur égard. 

Naufrage au large de Lampedusa

Fin mai, un migrant béninois de 30 ans a été mortellement poignardé lors d’une attaque menée par un groupe de jeunes tunisiens dans un quartier populaire à Sfax.

La plupart des migrants d’Afrique subsaharienne viennent en Tunisie pour tenter ensuite de rejoindre l’Europe par la mer, en débarquant clandestinement sur les côtes italiennes.

Traduction : « Entre jeudi et samedi, plus de 3 500 personnes sont arrivées à Lampedusa sur 90 bateaux différents, principalement au départ de Sfax, en Tunisie. Parmi eux, plusieurs familles et des mineurs, même des bébés de quelques semaines. Nous demandons un accueil digne, des voies d’accès plus légales et sûres. »

Le 23 juin, une embarcation a fait naufrage au large de Lampedusa, faisant une quarantaine de victimes. Le bateau en fer était parti de Sfax et transportait des ressortissants de Côte d’Ivoire, du Burkina-Faso et du Cameroun, selon Flavio Di Giacomo, porte-parole de l’Organisation internationale pour les Migrations (OIM).

« Depuis novembre, nous avons remarqué davantage d’arrivées de migrants d’Afrique subsaharienne que de Tunisiens » par la route tunisienne, « plus sûre que la route libyenne car plus courte », a-t-il observé.

Un phénomène dû selon lui « aux fortes discriminations que les migrants d’Afrique subsaharienne subissent en Tunisie qu’ils fuient par conséquent ».

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