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Crise ukrainienne : quand les turbulences au Moyen-Orient faisaient exploser les prix du pétrole

Pour la première fois depuis sept ans, à la faveur de la crise russo-ukrainienne, le prix du baril a dépassé les 100 dollars. Une situation qui rappelle la période 2008-2014, au Moyen-Orient
Des pêcheurs irakiens naviguent devant le champ de Nahr Bin Omar, au nord du port de Bassorah, dans le sud de l’Irak, le 21 janvier 2021 (AFP/Hussein Faleh)
Des pêcheurs irakiens naviguent devant le champ de Nahr Bin Omar, au nord du port de Bassorah, dans le sud de l’Irak, le 21 janvier 2021 (AFP/Hussein Faleh)

C’est une tendance qui se dessinait depuis plusieurs mois, et qui s’est concrétisée ces derniers jours.

À la suite de la décision du président russe Vladimir Poutine d’envoyer des troupes dans les régions ukrainiennes séparatistes de Donetsk et de Louhansk, ainsi que du tollé international que cette décision a provoqué, l’indice du pétrole brut Brent a atteint 100 dollars le baril mercredi soir, pour la première fois depuis 2014.

Une situation pour le moins préoccupante, l’offensive russe augmentant par ailleurs la probabilité de sanctions internationales contre la Russie – l’Allemagne a déjà suspendu la certification du gazoduc Nord Stream 2 –, ce qui pourrait rapidement perturber encore davantage les marchés de l’énergie.

Des événements qui en rappellent d’autres : entre 2008 et 2014, la multiplication des tensions au Moyen-Orient avait conduit à d’énormes variations sur le marché de l’or noir.

Tensions géopolitiques en 2008

Ce fut le cas de manière spectaculaire en 2008, qui est depuis toujours considérée comme l’année de tous les records en la matière. 

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Ainsi, après avoir franchi le seuil symbolique des 100 dollars au début de l’année, pour la première fois de son histoire, la référence de l’or noir atteignait quelques mois plus tard son sommet historique, avec 147,50 dollars pour le baril de Brent.

En cause, un ensemble de facteurs qui ont mené à une explosion des prix, en particulier de multiples tensions géopolitiques simultanées, du Nigeria au Pakistan.

Mais c’est un incident naval de premier ordre entre l’Iran et les États-Unis, dans le détroit d’Ormuz – par où transite la plupart des exportations de pétrole du Golfe –, qui va largement contribuer à faire monter les prix du pétrole en flèche.

Après l’altercation entre des vedettes iraniennes et des navires militaires américains, le spectre d’une fermeture de ce verrou géopolitique par la République islamique va mettre le feu aux poudres, laissant craindre le pire.

En 2011, l’impact de la révolution égyptienne

En janvier 2011, le seuil des 100 dollars par baril est à nouveau franchi.

Des prix poussés à la hausse par les inquiétudes liées à la révolte égyptienne, le marché redoutant alors des risques de propagation des mouvements de contestation au Moyen-Orient.

À juste titre, puisque l’onde de choc de ce soulèvement va conduire à une déstabilisation régionale inédite, qui a, entre autres, conduit à la chute des ex-dirigeants tunisien et libyen Zine El Abidine Ben Ali et Mouammar Kadhadi et ébranlé le régime syrien de Bachar al-Assad.

Et si l’Égypte n’est pas un producteur essentiel d’or noir, le pays abrite deux voies majeures d’acheminement du pétrole, le canal de Suez et l’oléoduc Suez-Méditerranée (Sumed).

Une dépendance qui va provoquer une intense nervosité du marché, redoutant de larges perturbations de l’approvisionnement en brut. 

En 2012, l’embargo sur le pétrole iranien

L’année 2012 va débuter avec un prix du baril supérieur à 100 dollars, propulsé par l’affermissement des sanctions économiques contre l’Iran, soupçonné par les Occidentaux de vouloir se doter de l’arme atomique sous couvert d’un programme nucléaire civil. 

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De son côté, Téhéran menace d’interrompre ses livraisons d’or noir en direction de l’Europe, contribuant à exacerber les inquiétudes sur l’offre mondiale de brut.

Un embargo sur le pétrole iranien est ainsi décidé par l’Union européenne au début de l’année 2012. Conjuguées à la baisse des achats des principaux clients asiatiques de l’Iran sous la pression des États-Unis, les exportations de brut de l’Iran vont baisser de moitié.

À nouveau, la République islamique menace de fermer le détroit d’Ormuz. Une stratégie efficace puisque Téhéran et les grandes puissances scellent finalement en novembre 2013 à Genève un premier accord historique pour contenir le programme nucléaire iranien, en échange d’un allègement des sanctions économiques.

De 2012 à 2014, une déstabilisation générale 

Le prix du brut repasse brièvement sous la barre des 90 dollars le baril en juin 2012, plombé par la crise économique dans la zone euro.

Un employé d’une raffinerie de fortune, dans la province de Hassaké, dans le nord-est de la Syrie sous contrôle kurde (AFP/Delil Souleiman)
Un employé d’une raffinerie de fortune, dans la province de Hassaké, dans le nord-est de la Syrie sous contrôle kurde (AFP/Delil Souleiman)

Les tensions entre la Russie et l’Ukraine menacent l’approvisionnement en blé en Afrique du Nord

Jusqu’à 2014, les cours du pétrole évoluent presque continuellement en-dessus des 100 dollars le baril, soutenus à la fois par un durcissement des sanctions internationales contre Téhéran et des tensions géopolitiques au Moyen-Orient, notamment à cause du conflit syrien.

Fin 2014, les cours du pétrole entament une dégringolade, jusqu’à tomber en dessous des 50 dollars le baril début 2015 à cause notamment du pétrole de schiste américain qui inonde le marché.

Une situation de stabilité qui durera jusqu’à la crise ukrainienne, dont il est encore difficile d’envisager les conséquences à long terme.

Conséquence immédiate, alors que 2,3 millions de barils de pétrole brut russe partent chaque jour en direction du Vieux Continent, l’Europe lorgne déjà sur le pétrole du Golfe, et particulièrement celui de l’Arabie saoudite.

Une quête d’alternatives qui n’aura rien de simple, ni de certain, selon les experts.

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