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Avec une radio en hébreu, les Palestiniens parlent aux Israéliens

Jerusalem 24 diffuse en hébreu et en anglais pour faire connaître aux Israéliens l’impact de l’occupation sur les Palestiniens
La nouvelle station de radio Jerusalem 24 dans la ville de Ramallah, en Cisjordanie occupée, le 7 octobre 2021 (AFP/Abbas Momani)
Par AFP à RAMALLAH, Palestine occupée

« Il est six heures du soir et voici les informations du jour », lance en hébreu Rima Moustafa, présentatrice d’une nouvelle radio basée à Ramallah, en Cisjordanie occupée, qui tente de faire découvrir aux Israéliens le quotidien des Palestiniens.

Dans un studio lumineux équipé de technologies de pointe, l’équipe de Jerusalem 24 ne diffuse pas en arabe à destination des Palestiniens, mais en hébreu et en anglais, pour les Israéliens. 

Objectif : donner une voix à la jeunesse palestinienne pour présenter sa propre vision de l’actualité aux Israéliens. 

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« Le public israélien entend les médias qui s’adressent à lui, mais il n’entend pas l’autre voix », résume Rima Moustafa, journaliste originaire de Haïfa (nord d’Israël).

Elle est employée depuis trois mois par cette radio qui a commencé à diffuser en septembre, et met l’accent sur le conflit israélo-palestinien et ses répercussions sur la société.

Au cours des dernières semaines, la chaîne et son site web en anglais ont consacré une grande partie de leurs programmes aux six ONG palestiniennes désignées « groupes terroristes » par Israël, à la colonisation israélienne à Jérusalem-Est, mais aussi à des pièces de théâtre ou des concerts de musique arabe.

« Énorme fossé »

« Nous voulons combler le vide sur ce qu’il se passe à Jérusalem et dans les zones marginalisées », explique Mai Abou Assab, rédactrice en chef aux cheveux courts et blonds. À Jérusalem, « il y a des expulsions [de Palestiniens] mais le monde fait la sourde oreille ».

Seule radio palestinienne à émettre aujourd’hui en hébreu, Jerusalem 24 n’est toutefois pas la première. À partir du milieu des années 1930, à l’époque de la Palestine sous mandat britannique, la radio Huna al-Quds émettait en trois langues : anglais, arabe et hébreu.

À Tel Aviv, métropole israélienne située à 65 km de Ramallah, David Haliva, un préparateur physique pour agents de sécurité, s’est mis à écouter cette nouvelle radio.

« Le public israélien entend les médias qui s’adressent à lui, mais il n’entend pas l’autre voix »

- Rima Moustafa, journaliste

« Les Israéliens ne connaissent pas la société palestinienne […] Il y a un énorme fossé entre ce que nous pensons savoir et la réalité », reconnaît-il.

« Il y a des choses que nous avons en commun, il y a une pénurie […] de logements et de permis de construire », estime-t-il auprès de l’AFP.

Mais s’il est impressionné par le « professionnalisme » des bulletins d’information et le rejet affiché de la violence, il tique sur certaines expressions comme le terme « occupation » pour décrire la réalité à Jérusalem-Est.

Israël occupe pourtant depuis 1967 cette partie palestinienne de la ville sainte, ensuite annexée, et dont les Palestiniens veulent faire la capitale de l’État auquel ils aspirent.

Fin 2017, les États-Unis de Donald Trump avait reconnu l’ensemble de Jérusalem comme la capitale d’Israël, ce qui avait ulcéré les Palestiniens au point de couper les ponts avec Washington, avant un rapprochement sous Joe Biden.

Si Jerusalem 24 n’hésite pas à critiquer la politique du gouvernement israélien, elle n’épargne pas pour autant l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, qui exerce un pouvoir limité sur la Cisjordanie occupée.

La musique pour unir ?

« Nous critiquons l’Autorité [palestinienne] et Israël, mais nous le faisons avec professionnalisme », assure Mohammed Hamayel, l’un des présentateurs de la chaîne, qui se dit « insatisfait » du paysage médiatique israélien, où le point de vue des Palestiniens peine, selon lui, à s’imposer.

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L’idée de cette radio a commencé à germer en 2015 alors que la ville était le théâtre d’une vague d’attaques au couteau par des Palestiniens sur des Israéliens, et de tirs, parfois meurtriers, par les forces de sécurité israéliennes sur des assaillants réels ou présumés, raconte Mai Abou Assab.

Pour réaliser le projet, l’équipe a contacté des donateurs étrangers, dont l’ONG danoise Church Aid, qui apporte aujourd’hui des financements dans le cadre d’un programme visant à faire découvrir de jeunes voix.

Mais avec une petite équipe de six journalistes, Jerusalem 24 se rabat sur de longues plages musicales pour remplir les ondes et tenter d’attirer de nouveaux auditeurs.

En conduisant à Tel Aviv, David Haliva tapote le volant de ses doigts en écoutant un tube de la pop star britannique Dua Lipa.

« J’aime la diversité musicale » de cette radio, lance David, qui se félicite d’un autre atout de cette chaîne : l’absence de pub !

Par Hiba Aslan.

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