Cinq femmes qui ont marqué l’histoire de la Palestine
Les femmes ont joué un rôle de premier plan tout au long de l’histoire moderne de la Palestine, servant dans à peu près tous les domaines de la société, de l’organisation communautaire aux négociations politiques.
Les femmes palestiniennes comptent parmi les plus instruites du monde arabe avec un taux d’alphabétisation de 94 % ; les filles y obtiennent de meilleurs résultats que les garçons aux examens scolaires.
Conformément aux tendances observées dans d’autres pays du monde arabe, les femmes sont bien représentées dans les disciplines scientifiques, technologiques, en ingénierie et mathématiques (STEM), leur participation dépassant même souvent celle des hommes dans des matières telles que la physique.
Ces succès sont toutefois à nuancer. Ainsi, la représentation des femmes aux échelons supérieurs dans de nombreux secteurs demeure limitée et le salaire moyen des femmes équivaut à 70 % environ de celui des hommes.
Pour s’assurer un rôle aussi important dans l’ordre social palestinien, les femmes ont dû par ailleurs surmonter plusieurs obstacles, notamment les préjugés sexistes et l’occupation israélienne des territoires palestiniens.
Malgré ces difficultés, nombreuses sont celles qui ont su s’imposer en tant qu’expertes voire icônes dans leurs domaines respectifs.
Middle East Eye présente ici cinq femmes qui ont marqué l’histoire de la Palestine.
Hind al-Husseini
En 1948, Hind al-Husseini rencontre un groupe de 55 enfants devant l’église du Saint-Sépulcre, dans la vieille ville de Jérusalem.
Ceux-ci viennent d’échapper de peu à un massacre dans leur village, Deir Yassin, où de nombreux membres de leurs familles ont été tués par les forces sionistes.
Hind al-Husseini rassemble les enfants et trouve une pièce où les abriter en toute sécurité. Puis elle leur rend visite quotidiennement, leur apportant de la nourriture et s’assurant de leur bien-être.
Plus tard, Hind al-Husseini transformera une partie de la demeure de son grand-père à Jérusalem en orphelinat, agrandissant progressivement les lieux afin d’y accueillir un plus grand nombre d’enfants des régions environnantes.
La militante sociale ne s’arrêtera pas là et créera davantage d’orphelinats dans les villages et villes de Palestine.
Défenseure de l’éducation des filles, elle créera également la Faculté Hind al-Hussein pour femmes en 1981, laquelle deviendra une branche de l’Université al-Quds.
Les Palestiniens voient en Hind al-Husseini une héroïne ; elle recevra de nombreux prix, notamment le médaillon Jordan Globe pour le travail social en 1983 et le médaillon du premier degré décerné par le gouvernement allemand en 1989.
Bien après sa mort en 1994, son héritage continue d’inspirer les femmes palestiniennes d’aujourd’hui.
May Ziadé
L’auteure palestino-libanaise et défenseure des droits des femmes Marie Elias Ziadé, également connue sous le nom de May, a été une pionnière dans l’émancipation et l’éducation des femmes.
May Ziadé, née en Palestine en 1886, est connue pour avoir fondé l’un des salons littéraires les plus renommés de la région. D’abord installé chez elle, celui-ci deviendra un lieu de rencontre majeur pour intellectuels, journalistes, critiques et philosophes.
Des personnages féminins figurent souvent dans les œuvres littéraires de May Ziadé, représentés le plus souvent sous les traits de femmes de tête dotées de fortes personnalités.
Son travail aborde également des sujets sensibles et complexes comme le patriarcat, les questions sociales et la liberté.
Outre sa production littéraire, May Ziadé milite en faveur de l’éducation des femmes et plaide pour leur implication dans la société.
Polyglotte (elle maîtrise neuf langues), May Ziadé est également une très bonne traductrice. Certaines de ses contributions les plus remarquables incluent des traductions de romans originellement écrits en allemand, français et italien. Ce travail ouvrira la voie à l’épanouissement de la littérature arabe.
La « Nahda », ou Renaissance arabe, est en effet une partie importante de la vie de May Ziadé. De nombreux universitaires estiment que la période comprise entre le XIXe et le début du XXe siècle a été marquée par un épanouissement des arts et une transformation rapide de la pensée politique dans la région, intégrant notamment des idées développées d’abord en Europe.
Le changement culturel naît en Égypte mais s’étend progressivement à tout le Moyen-Orient. Pour May Ziadé, c’est l’occasion de faire part de ses préoccupations quant au rôle des femmes dans la société et de prôner des changements garantissant leur égalité.
Jamais mariée, May Ziadé vouera un amour de notoriété publique pour le célèbre poète Khalil Gibran. Ils correspondront régulièrement jusqu’à la mort de ce dernier en 1931, laquelle plongera May Ziadé dans une profonde dépression jusqu’à son propre décès dix ans plus tard.
Fadwa Touqan
L’éminente poétesse palestinienne Fadwa Touqan est connue pour ses poèmes qui résument le vécu palestinien face à l’occupation.
Elle voit le jour à Naplouse en 1917 au sein d’une famille de notables ayant des dispositions pour l’écriture. Son frère est poète et dramaturge et se sert de son travail pour mettre en lumière l’expérience palestinienne, en particulier pendant la révolte antibritannique de 1936-39.
Ayant vécu personnellement des événements importants de l’histoire palestinienne, tels que la Nakba (catastrophe) en 1948, Fadwa Touqan aborde dans son œuvre des thèmes tels que le choc, la résistance et la ténacité.
Entre 1962 et 1964, elle étudie à Oxford, où elle devient une défenseure des questions relatives aux femmes et d’autres causes liées aux droits humains. Le sort des Palestiniens continuera de l’influencer et elle s’exprimera souvent contre leur déshumanisation et l’occupation israélienne.
Fadwa Touqan acquerra une renommée internationale, remportant plusieurs prix pour son œuvre, laquelle sera traduite dans de nombreuses langues. La poétesse décèdera en décembre 2003 à son domicile de Naplouse, à l’âge de 86 ans.
Zulaikha Shihabi
Née à Jérusalem en 1903, Zulaikha Shihabi s’est forgé une réputation d’activiste de premier plan grâce à ses campagnes en faveur des droits des femmes, mais aussi contre le sionisme.
Elle organise des rassemblements politiques de femmes et leur donne la possibilité d’exprimer leurs préoccupations.
Ses efforts auront une influence sur la création de plusieurs sociétés de femmes à travers la Palestine.
« Femmes pionnières | Zulaikha al-Shihabi. À l’occasion de l’anniversaire de la mort de Zulaikha Shihabi, nous soulignons des moments de sa vie sur le site internet de notre projet #Palestinian_Journeys. »
Grande lectrice et elle-même écrivaine, Zulaikha Shihabi travaille également comme enseignante auprès de jeunes filles, avant de fonder sa propre école, dénommée Dawha.
Elle fait la rencontre d’autres révolutionnaires, notamment la féministe égyptienne Huda Sharawi, et toutes deux participeront au Congrès des femmes d’Orient en 1938 à Lydda, en Palestine, où elles défendront la cause palestinienne.
En plus d’aider et de soutenir la création d’organisations de femmes, Zulaikha Shihabi milite en faveur d’une aide pratique, comme des formations en médecine d’urgence et des allocations sociales pour les plus nécessiteux. L’une de ses réalisations les plus remarquables est la création de refuges pour orphelins et femmes.
À sa mort en mai 1992, une prière funéraire en son hommage est organisée à la mosquée al-Aqsa à Jérusalem en la présence de nombreuses personnalités nationales.
Karima Abboud
Née au milieu des années 1890, Karima Abboud est considérée comme l’une des premières femmes photographes du monde arabe.
Adolescente, elle reçoit en cadeau un appareil photo et se met à photographier des paysages et réaliser des portraits de ses proches. Après l’obtention de son diplôme universitaire au Liban, elle se concentre davantage sur le travail archéologique puis crée son propre studio.
Karima Abboud excelle dans sa profession à une époque où très peu de femmes sont impliquées dans cet art et où de nombreuses personnes sont réticentes à l’idée de se faire photographier, en particulier les femmes.
Traduction : « Karima Abboud, Palestine (1894-1940), première femme photographe palestinienne. Karima a commencé à pratiquer la photographie à l’adolescence en 1913. En plus de photographier des paysages, nombre de ses photos présentaient des femmes à Bethléem. »
Aujourd’hui, l’Université Dar al-Kalima à Bethléem commémore son travail en décernant un prix de photographie qui porte son nom. Cette récompense annuelle a été lancée en 2016 afin de préserver l’héritage de la photographe.
Le prix encourage également les jeunes Palestiniens du pays et de la diaspora à utiliser la photographie pour documenter leur vécu.
Traduit de l’anglais (original).
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