Papicha, un film « inspiré de choses vécues et réelles »
Dimanche 26 mai. 23h55. Alors que le générique de fin de Papicha défile sur l’écran noir du cinéma Gaumont Opéra de Paris, quelques youyous se font entendre dans la salle, pleine à craquer, entre les larmes et le tonnerre d’applaudissements. Le public est visiblement secoué par ce premier long métrage de la réalisatrice algérienne Mounia Meddour, présenté au sein de la sélection Un Certain Regard du festival de Cannes.
Une émotion à la hauteur d’un film sensible et esthétique qui suit l’aventure d’étudiantes algériennes téméraires qui ont décidé d’organiser un défilé de mode, même si elles doivent pour cela s’attirer les foudres des islamistes.
Avec pour toile de fond la décennie noire (les années 1990) en Algérie, lorsque le gouvernement algérien s’opposait à divers groupes islamistes armés, Papicha s’inspire librement de l’expérience de Mounia Meddour.
« J’ai vécu dans une cité universitaire à Alger dans les années 1990, similaire à celle que l’on voit dans Papicha. C’est une expérience qui m’a beaucoup marquée. Être une jeune femme en Algérie à cette époque était très intense, et j’avais besoin de transmettre ce vécu. Mais il m’a fallu du temps afin d’avoir le recul nécessaire pour raconter de manière apaisée ces événements qui m’ont touchée de près. »
Cinq ans exactement, c’est le temps qu’il lui aura fallu afin d’achever l’écriture et la réalisation de ce premier opus. Le parcours initiatique d’une jeune femme qui s’obstine à conquérir sa propre liberté, dans une société en train de basculer. Une situation filmée avec justesse par la réalisatrice qui nous montre les obstacles quotidiens auxquels doit faire face son personnage principal, Nedjma (Lina Khoudry), jeune étudiante en licence de français qui dessine des robes pour ses copines durant son temps libre.
Une faculté d’observation qu’elle avait déjà développée dans ses documentaires et courts métrages précédents, La cuisine en héritage ou Cinéma algérien, un nouveau souffle, où elle explorait la condition de la femme dans la société maghrébine ou encore la situation des jeunes cinéastes algériens post-guerre civile.
« Avoir commencé par le documentaire a été une très bonne école pour moi car on essaie toujours d’y capter le réel avec précision. Papicha est justement inspiré de choses vécues et réelles. Mais ce qui m’intéresse avant tout, c’est l’humain et la réalité. »
Le goût pour l’humain, Mounia Meddour le cultive sûrement tout autant que le travail acharné. Une caractéristique transmise par son père, Azzedine Meddour, réalisateur pour la télévision algérienne et à qui elle dédie ce premier film.
« Il m’a appris la précision, l’excellence, mais surtout la patience. De ne jamais lâcher. Ses films lui ont toujours pris énormément de temps. C’est amusant mais en 1997, mon père a fait un film qui s’appelle La Montagne de Baya où il mettait en scène une héroïne qui se battait contre le colonialisme. Un peu plus de vingt ans après, la mienne s’érige contre l’islamisme. Deux résistantes qui font bouger les choses. »
Mais la force de Papicha réside aussi dans son casting fort, avec de jeunes actrices peu ou inconnues à l’écran, pour la plupart repérées sur les réseaux sociaux. « Le casting a pris beaucoup de temps. Nous avons auditionné à Paris près d’une soixantaine de jeunes filles d’origine algérienne pour le rôle principal. Ce que j’ai aimé chez Lyna, c’est sa fraîcheur et en même temps sa force innée. Puis elle connaît bien le contexte car ses parents étaient journalistes et furent donc la cible privilégiée des intégristes pendant les années de plomb. Même si elle n’avait que deux ans quand elle a quitté l’Algérie, elle est restée très proche de cette histoire. »
Une bande de filles intrépides et délurées qui n’est pas sans rappeler le courage des femmes mais surtout de l’ensemble de la jeunesse algérienne qui manifeste dans les rues pour changer le destin politique et démocratique de son pays.
« Cette révolution du sourire qui se met en place lutte pour le changement et la liberté et cela fait vraiment écho à mon film », relève la réalisatrice.
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