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Mettre un nom sur les morts et les tombes, après le séisme en Turquie

Dans les morgues improvisées du sud de la Turquie, sur les parkings, dans les stades ou les gymnases, des familles angoissées cherchent leurs morts. Les autorités ont promis que tous seraient identifiés et restitués à leurs proches
Une femme pleure sur la tombe de l’un de ses proches lors d’un enterrement à Kahramanmaras, le 10 février 2023 (AFP/Ozan Kose)
Par AFP à KAHRAMANMARAS, Turquie

Sans nouvelle de sa tante, Tuba Yolcu s’est rendue au complexe sportif où sont déposés les corps sortis des ruines de sa ville Kahramanmaras, dans le sud-est de la Turquie, à l’épicentre du séisme de magnitude 7,8.

Ici la terre a tremblé pendant 75 secondes lundi, une éternité qui n’a laissé que ruines et désolation.

« Nous avons entendu que les autorités ne voudraient plus garder les corps au-delà d’un certain délai et qu’ils allaient les emporter pour les inhumer », s’inquiète-t-elle. « Que Dieu fasse que je la trouve. »

 « Chaque corps finira par être rendu aux siens », rassure le procureur dépêché auprès des familles endeuillées.

« Ne vous inquiétez pas, nous prélevons des échantillons de sang sur chaque corps non réclamé », insiste-t-il. 

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A ce stade, plus de 20 000 corps ont été retirés des décombres en Turquie (plus de 25 000 avec les morts en Syrie).

Dans le gymnase de Kahramanmaras, les familles n’ayant pu joindre un parent se penchent sur les corps enveloppés dans des sacs mortuaires ou alignés sous des couvertures.

« Nous montrons les visages aux proches parents », indique un enquêteur spécialiste des scènes de crime, en tenue de protection anti-bactériologique – qui a refusé d’être identifié.

Il se tient au bord d’un vaste terrain à l’extérieur de la ville, où tournoie un incessant ballet de corbillards venant déposer leur chargement puis repartant.

« Si le corps est resté anonyme nous prélevons les empreintes digitales et un échantillon dentaire afin de les comparer à leurs proches » quand ils se manifesteront, poursuit l’enquêteur, un appareil-photo autour du cou.

Un foulard, une écharpe

Dans ce cimetière improvisé, environ 2 000 corps ont été recensés, selon les estimations, mais très fréquemment un nouveau convoi funéraire en dépose un nouveau.

Des planches sommaires portant le nom des victimes écrit à la main sont déposées sur chaque tombe hâtivement rebouchée, parfois enveloppées d’un foulard, d’une écharpe afin que les familles puissent repérer leur proche dans cet immense terrain.

Les corps non identifiés sont gardés à part. Pour chacun, les enquêteurs effectuent des prélèvements, prennent des photos et des notes. 

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Yusuf Sekman, représentant du directorat des affaires religieuses, explique aussi que les corps non identifiés sont répartis en fonction du bâtiment effondré où ils ont été découverts.

« Ainsi, les proches peuvent également se repérer à partir de l’adresse du défunt », souligne-t-il.

Les enquêteurs « essaient de diagnostiquer d’une manière ou d’une autre », poursuit-il. « Les échantillons [d’ADN] sont prélevés sur les corps et notés sur le sac mortuaire. »

Le ministre de la Santé Fahrettin Koca a déclaré vendredi qu’il espérait que tous les corps seraient identifiés : « Nous chargeons les photographies de chacun dans un logiciel spécial afin de les faire correspondre » à leurs proches.

« J’espère que nous parviendrons à croiser les identités de la plupart d’entre eux », a-t-il confié.

Dans le gymnase, Tuba Yolcu a renoncé et s’en va : « Le fonctionnaire me dit que tous les corps ont été identifiés ».

Puis, se tournant vers son époux : « Retournons vers les ruines. »

Sa tante s’y trouve peut-être encore. 

Par Fulya OZERKAN.

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